Le président du PDC veut renvoyer l'Eglise à la sacristie

Les prises de position de responsables religieux sur des sujets de société sensibles, voire des recommandations de vote, ont irrité des personnalités comme le président du PDC Gerhard Pfister et la théologienne catholique Béatrice Acklin Zimmermann, membre du parti libéral-radical et conseillère générale à Fribourg.

Au sein du nouveau groupe de réflexion «Eglise/Politique», qu’ils ont récemment fondé avec des personnalités qui s’affirment toutes comme des chrétiens pratiquants, Gerhard Pfister et Béatrice Acklin Zimmermann veulent rappeler les Eglises à leurs devoirs. A leurs yeux, elles font de la politique et ce n’est pas leur rôle, rapporte le journaliste Michael Meier dans la presse alémanique.

Des théologiens de différentes confessions sont représentés dans le groupe de réflexion. A part la théologienne fribourgeoise et le président du parti démocrate-chrétien suisse, on trouve Berchtold Müller, ancien abbé bénédictin d’Engelberg, le professeur de théologie réformée Ralph Kunz et le président du Conseil ecclésiastique de Glaris Ulrich Knöpfel, ainsi que des parlementaires fédéraux comme le socialiste Eric Nussbaumer (PS), le démocrate du centre  Claudio Zanetti (UDC) et l’évangéliste Maja Ingold (PES).

«Une profonde rechute dans le Moyen Age»

Le fait qu’un représentant de l’Eglise – en l’occurrence Charles Martig, directeur du Centre catholique des médias à Zurich – puisse aller jusqu’à nier la catholicité de Natalie Rickli, conseillère nationale de l’UDC, à cause de son approbation de l’initiative populaire «No Billag» est, pour Gerhard Pfister, «une profonde rechute dans le Moyen Age». Pour Béatrice Acklin Zimmermann, il s’agit là d’un «populisme politico-religieux».

Des actions ou des prises de position de gens d’Eglise comme celles de Mgr Felix Gmür, par exemple, qui a utilisé des arguments théologiques pour promouvoir la stratégie énergétique, les dérangent. Comme celles de Christoph Sigrist, pasteur au Grossmünster de Zurich, ou encore d’autres pasteurs, dont certains revêtus de leurs habits religieux, qui ont distribué à la gare de Zurich des tracts contre l’initiative populaire «Pour le renvoi effectif des étrangers criminels» (initiative de mise en œuvre). Le vicaire général zurichois Josef Annen dénonçait pour sa part les détectives sociaux comme «un fardeau pour la cohésion sociale dans la société». Et de citer encore le cas de Franziska Driessen-Reding, présidente du Conseil synodal [catholique] de Zurich, pour avoir déclaré que l’UDC, pour les chrétiens, n’était pas éligible.

Question de compétence

La théologienne fribourgeoise se dit surprise que des ecclésiastiques tirent leur autorité concernant des questions politiques d’une puissance supérieure. «Ceux qui se positionnent différemment, au plan politique, de leurs autorités spirituelles seraient-ils de plus mauvais chrétiens ?», se demande Béatrice Acklin Zimmermann. De plus, à ses yeux, les gens d’Eglise ne connaîtraient pas vraiment bien les dossiers et négligeraient le fait que dans les questions politiques quotidiennes, il s’agit de faire des compromis.

Il est également clair pour Gerhard Pfister que l’on ne peut pas déduire de l’Evangile la question de savoir si l’on doit augmenter ou diminuer les impôts. Il considère qu’il n’est tout simplement pas légitime de faire de la politique à partir de normes bibliques. Cela ne le dérange toutefois pas que les Eglises s’expriment. EIles ont juste besoin d’être bien conseillées, «ce qui n’est généralement pas le cas».

Eglises superflues ?

Et d’estimer que les Eglises ne sont pas toujours conscientes qu’elles n’ont pas un statut différent de celui d’un parti lorsqu’il s’agit de déclarations politiques: «EIles sont alors une voix comme toutes les autres, pas une meilleure que les autres ! Mais elles pensent souvent que leur voix est la meilleure. Cela s’explique aussi par le fait que les Eglises argumentent le plus souvent sur le plan éthique et ne pèsent pas le pour et le contre».

Ainsi, relève-t-il, elles s’engagent fortement en faveur d’une culture de l’accueil [des réfugiés et des migrants, ndlr] et contre la révision de la loi sur l’asile prévoyant des procédures plus rapides. Selon Béatrice Acklin Zimmermann, les Eglises ne tiennent pas compte des conséquences [de leurs prises de position, ndlr] pour le bien commun, comme l’exige la doctrine sociale catholique. Pour Pfister, c’est certes la tâche des Eglises de mettre en avant des normes. Comme le pape François, elles doivent mettre en garde l’humanité, s’engager pour la protection de la vie et la dignité humaine.

C’est de la compétence fondamentale des Eglises d’exiger la protection de la vie à naître. Cependant, déplore le président du PDC, elles ne se sont souvent pas posé la question empirique de savoir quand la vie humaine commence. De même, leur nécessaire appel à l’humanité dans le système d’asile ne leur permet pas de faire des recommandations politiques quotidiennes en matière de politique migratoire. En plus de ce problème de compétence, Gerhard Pfister se plaint d’un problème de crédibilité des Eglises. Il estime qu’elles rechignent, avec une timidité particulière, à présenter leur proposition unique: «elles veulent être comme tout le monde, un peu comme des travailleurs sociaux, et elles deviennent donc superflues».

Les Eglises, «un peu comme des travailleurs sociaux»

Et le président du PDC d’affirmer qu’au lieu d’interpréter l’Evangile, «elles préfèrent parler de ce qui était aux nouvelles hier. Mais je peux lire ça dans les journaux…» Selon Béatrice Acklin Zimmermann, les Eglises se concentrent depuis assez longtemps sur les questions de bioéthique. Ce qui a conduit à ce qu’elles soient accusées de ne s’exprimer que lorsqu’il s’agit d’avortement ou d’homosexualité.

C’est pourquoi elle souhaite que les Eglises s’engagent plus largement et sur leurs propres thèmes, au lieu de se contenter d’assumer un rôle de renfort [pour d’autres instances]. Ce sont des thématiques sur des valeurs comme la responsabilité et la liberté ou la question de la dignité humaine qui sont au menu du nouveau groupe de réflexion «Eglise/Politique», qui va se réunir une fois par an en session publique. (cath.ch/mm/be)

 

Gerhard Pfister: «Les représentants de l’Eglise sont devenus des travailleurs sociaux»

Jacques Berset

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