Maroc: moins de 1% de chrétiens

Le pape François se rendra au Maroc les 30 et 31 mars prochains. Il visite un pays où une petite communauté catholique, parmi 35 millions de musulmans, vit sa foi dans des conditions assez strictes, alors que le pays tente d’imposer l’image d’un islam tolérant et ouvert.

De retour de son voyage en terre marocaine, le pape pourra peut-être se vanter d’avoir rencontré tous les catholiques vivant dans le royaume chérifien. En effet sur les 35 millions d’habitants que compte le royaume, on estime à 40’000 le nombre de chrétiens vivant dans le pays. Parmi eux 30’000 sont catholiques et 10’000 protestants.

Selon l’édition 2018 du rapport sur La liberté religieuse dans le monde, publié par l’Aide à l’Eglise en détresse (AED), plus de 99% de la population marocaine est musulmane. Moins de 1% des habitants sont d’une autre confession, juifs y compris.

Outre cette micro-communauté chrétienne, des Marocains se sont convertis au christianisme. Les statistiques sont difficiles à établir mais certaines sources avancent le chiffre de 8000, dans un royaume où l’article 3 de la Constitution précise que «l’islam est religion d’Etat, qui garantit à tous le libre exercice des cultes». En théorie.

Malgré l’image d’un pays arabo-musulman ouvert que tente d’imposer le Maroc à l’étranger, il n’est pas facile pour les chrétiens de vivre ouvertement leur foi. L’article 41de cette Constitution énonce également clairement que «le roi, en tant que ›commandants des fidèles’, veille au respect de l’islam et qu’il est le garant du libre exercice des cultes».

150 chrétiens expulsés

Le code pénal marocain punit le prosélytisme des non-musulmans. Celui qui «emploie des moyens de séduction dans le but d’ébranler la foi d’un musulman» risque une peine d’emprisonnement de six mois à trois ans et une amende de 11 à 55 francs.

En 2010, 150 chrétiens, originaires principalement d’Europe et d’Amérique latine, accusés de faire du prosélytisme, ont été expulsés du pays. Parmi eux se trouvait même un religieux catholique. Pourtant, la conversion volontaire au christianisme n’est pas un crime. Des arrestations ont cependant été signalées, dont le cas d’un Marocain. Mais au Maroc, le code pénal ne prévoit pas la peine de mort pour les apostats de l’islam.

Un mieux

La situation des chrétiens s’est globalement améliorée, estime AED dans son rapport. Toutefois célébrer publiquement une fête chrétienne, créer un groupe de prière ou prier en public pose encore des problèmes. Ils n’ont pas de statut juridique qui garantisse leurs droits en tant que minorité. Aucune Eglise n’est en outre autorisée à admettre les Marocains convertis au christianisme.

Une lettre au pape

Désireux d’obtenir plus de reconnaissance et de pouvoir mener une vie religieuse publique, un groupe de Marocains convertis au christianisme s’est récemment rassemblé pour former la Coalition Nationale des Chrétiens Marocains. En avril 2017, ils se sont rapprochés du Conseil national des droits de l’homme, appelant à la fin de la persécution à leur encontre. Il semble que certains chrétiens au Maroc commencent à revendiquer leurs droits et à dénoncer la discrimination dont ils font l’objet.

Mi-mars, le groupe a d’ailleurs envoyé une lettre au pape lui demandant d’user de ses bons offices pour évoquer avec les responsables marocains certaines «violations de la liberté religieuse des chrétiens». Ils sont en grande majorité évangéliques.

En plein dilemme, le pays veut rester strict sur le plan religieux afin de ne pas déplaire à la frange la plus conservatrice de la société. Il revendique en même temps, dans la Constitution de 2011, le caractère modéré et tolérant de son identité islamique. Sans non plus s’attirer les foudres de mouvances telles qu’Al Qaeda. Dans les années 2000, le groupe terroriste avait menacé, et finalement frappé, le pays en raison de cette tolérance religieuse, qui, avait-il estimé, n’était pas conforme à l’islam.

Confronté à une vague d’attentats terroristes en 2003 puis en 2006, le roi Mohammed VI avait édicté, devant les oulémas, une série de mesures visant à lutter contre l’intégrisme et endiguer la prolifération de mosquées clandestines. Des contrôles de sécurité avaient conduit à la fermeture de nombre de lieux de cultes non conformes à la loi. En avril 2004, le roi avait mis en place des réformes pour «redresser l’image de l’islam, sciemment pervertie et mise à mal par des campagnes enragées».

«Rénovation» du champ religieux

Le plan, lancé en 2008, prévoyait «la mise à niveau et la rénovation» du champ religieux par un redéploiement et la généralisation des conseils locaux des oulémas, ainsi qu’un encadrement et une mise à niveau des imams de mosquée.

En 2014, les autorités marocaines avaient repris en main la gestion et le contrôle des lieux de culte musulmans. Les imams avaient été interdits d’exercer des activités politiques et syndicales. Autant de mesures pour faire reculer l’islamisme qui avait un temps placé le Maroc, avec l’Algérie, au premier rang des pays où Al Qaeda recrutait ses djihadistes.

Plus récemment, des mesures ont été prises pour surveiller les prêches des imams dans les mosquées afin de lutter contre l’intégrisme. Réseaux sociaux passés au crible, surveillance des imams mais aussi revalorisation des salaires des employés de mosquées pour faire reculer la tentation de l’islamisme radical.

Choix d’un islam modéré

Aux actes, le souverain avait joint les mots. En mars 2017, le roi Mohammed VI avait prononcé un discours appelant «les forces éprises de paix et de tolérance à endiguer la propagation des idées extrémistes et obscurantistes». Son message avait été lu à l’occasion de la commémoration du décès d’Imad Ibn Ziaten. Le Français d’origine marocaine avait été tué à Toulouse par Mohamed Merah en 2012.

La venue du pape à Rabat fin mars s’inscrit dans la longue tradition des bonnes relations qui unissent le Saint-Siège et le Maroc depuis les années 1970. Au-delà de la bonne entente, la présence du pape au côté du roi Mohammed VI confortera certainement ce dernier dans son choix d’un islam modéré et du dialogue interreligieux. (cath.ch/aed/bh)

Bernard Hallet

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