Rabat le 20 août 1985, le roi du Maroc Hassan II, accueille Jean Paul II sous le regard du futur roi Mohammed VI (à g.) | © Serv. Fotografico - Vatican Media
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Saint-Siège – Maroc: un dialogue de longue date

Le pape François se rendra au Maroc les 30 et 31 mars 2019. Il n’est pas le premier pape à se rendre au Maghreb. Jean Paul II l’a précédé en 1985 pour une «visite d’amitié» au roi Hassan II. Car les liens qu’entretiennent le Saint-Siège et le royaume chérifien se sont tissés depuis plusieurs décennies.

Il le dit lui-même: François ira «sur les traces de saint Jean Paul II», le pape polonais qui l’a en effet précédé, le 20 août 1985. De retour de Nairobi, au Kenya, où il avait participé au Congrès eucharistique international, Jean Paul II avait fait escale au Maroc, à l’invitation du roi Hassan II.

Discours mémorables

Une première visite historique d’un pape à un chef d’Etat musulman. Jean Paul II s’était entretenu avec le souverain alaouite puis avait rencontré les oulémas, avant de se rendre dans le grand stade de Casablanca. Les deux hommes y avaient prononcé un discours mémorable, prônant la paix et la tolérance entre religions devant 50’000 jeunes Marocains. Alors même que montaient l’islamisme et la xénophobie. L’événement fut tel que le pays a fêté le 10e anniversaire de la visite papale en terre marocaine durant deux jours, à Rabat en 1995.

Conséquence de ce déplacement, en 1997, Abdelouhab Maalmi est finalement accrédité comme ambassadeur résidant auprès du Saint-Siège. Le roi Hassan II donne une feuille de route bien précise au diplomate. Maintenir les relations personnelles entre lui et le Saint-Père, préserver l’accord conclu sur le statut de l’Eglise catholique au Maroc, promouvoir le dialogue interreligieux fondé sur les valeurs de paix et de tolérance. Reste une quatrième mission, sur laquelle reposent en grande partie les bonnes relations entre les deux pays: obtenir le soutien de l’Eglise catholique et du Saint-Siège à la cause d’Al-Qods.

Le statut de Jérusalem

Lorsqu’ils se rencontrent à Casablanca, le pape et le roi n’en sont cependant pas à leur première rencontre. Hassan II s’est déjà rendu à Rome à plusieurs reprises, notamment le 2 avril 1980. Une rencontre qualifiée d’»historique» par la presse marocaine. Le roi, alors président du Comité Al-qods, était mandaté par les Etats arabes pour discuter du statut de Jérusalem avec le pape. Les pays représentés par le comité s’opposent aux velléités de souveraineté d’Israël sur la ville sainte.

Jérusalem devient un sujet de rapprochement entre la cité-Etat et le royaume alaouite vis-à-vis d’Israël. Le Maroc intervient sur un problème politique et religieux, le Vatican sur la question des lieux saints.

«Commandeur des croyants»

A Casablanca, le roi invite le pape – «Mon grand ami» – à venir au Maroc, non pas en tant que chef d’Etat, mais en tant qu’autorité religieuse, car Hassan II est «Amir al-Muminime», à savoir «Commandeur des croyants», et «35e descendant de Mahomet».

Plus tard, dans la droite ligne tracée par son père, le nouveau roi du Maroc Mohammed VI poursuit le dialogue avec Rome. Intronisé le 30 juillet 1999, le souverain rend visite au pape Jean Paul II dès 2000. Il est, là encore, question du statut de Jérusalem, puisque le jeune souverain a pris la présidence du Comité Al-qods à la suite de son père.

Poursuite du dialogue

Pour préparer la venue de Mohamed VI, l’ambassadeur du Maroc près le Saint-Siège en affirme que «Nous [le Maroc] avons à peu près la même position que le pape à ce sujet». «Nous ne voulons pas de domination des Israéliens sur Jérusalem, pour que la ville puisse être ouverte à tous les Arabes, qu’ils soient chrétiens ou musulmans. Nous voulons une Jérusalem pour deux peuples et trois religions».

Le diplomate voit dans cette visite du jeune roi «l’occasion de renforcer des relations déjà excellentes entre le Saint-Siège et le Maroc, où les catholiques, bien qu’étrangers et minoritaires, sont bien acceptés».

L’élection de François au trône de Pierre va renforcer encore un peu plus les liens entre le Maroc et le Saint-Siège. Le 19 mars 2013, le Premier ministre du Maroc, Abdel-Ilah benkiran, représente le roi Mohammed VI à la messe d’inauguration du pontificat du nouveau pape. Les observateurs y voient le signal fort dans la poursuite du dialogue interreligieux, particulièrement dans les relations entre le monde musulman et la chrétienté.

François d’Assise

Le directeur de l’Institut islamique de Rome rappelle à cette occasion, à la télévision marocaine, que «dans sa première déclaration, le pape François a démontré qu’il était prêt au dialogue, comme l’indique son nom». Il ajoute: «Dans la mémoire collective arabo-musulmane, ce nom rappelle la visite au sultan d’Egypte, de François d’Assise, à une époque très marquée par les guerres des croisades» (rencontre de 1219, à Damiette en Egypte, ndlr).

Sur fond d’ouverture et de tolérance religieuse, Mohamed VI poursuit les relations entre son pays et le Vatican. Il use de ses casquettes pour défendre ses intérêts auprès du Vatican: celle de Commandeur des croyants, de chef d’Etat et celle du Comité Al-qods. Tout en gardant un esprit critique et pacifique, le souverain exprime parfois son désaccord. Même en temps de crise, le dialogue est maintenu.

Esprit critique et pacifique

Notamment en 2006 dans une lettre qu’il adresse à Benoît XVI, suite au discours du pape allemand à Ratisbonne, qui a déclenché la colère des pays arabes: «Je m’adresse à vous, en votre qualité de chef de l’Eglise catholique, pour vous prier d’avoir, à l’égard de l’Islam, le même respect que vous vouez aux autres cultes et que l’islam d’ailleurs voue, lui aussi, aux autres religions célestes, y compris le christianisme».

Le pape exprime ses «regrets». Il organise le même mois une rencontre avec les diplomates de 21 pays arabes musulmans, obtenant un certain apaisement. Une campagne d’explication du Vatican démontrant la bonne volonté du Saint-Siège achèvera de calmer les esprits.

Autre motif d’inquiétude, en 2013: le roi met en garde le Saint-Père contre les conséquences d’un éventuel accord avec Israël concernant les biens de l’Eglise dans la vieille ville de Jérusalem. Il exprime au pape François «la profonde préoccupation du monde musulman» à propos de la signature d’une clause additionnelle à un accord signé en 1993 entre Israël et le Vatican. L’accord, qui concerne les biens de l’Eglise catholique dans la vieille ville, ne sera finalement pas signé.

«Ce sera un voyage agréable», prédit le pape François qui se rendra au Maroc «en marchant sur les traces de saint Jean Paul II». Plus que le déplacement des 30 et 31 mars, le pape évoque sans doute le dialogue de longue date qui lie les deux Etats. Une relation qu’il entend bien poursuivre avec ce voyage de deux jours à Rabat. (cath.ch/ag/archives/bh)


Al-Qods: «Ville sainte»

Al-qods – «Ville Sainte» -, est le nom que les arabes donnent à Jérusalem. Le comité a été créé en 1975, au sein de l’Organisation de la Conférence islamique (OCI). Cette organisation, regroupant 13 pays arabo-musulmans et l’Organisation de la libération de la Palestine (OLP) de la Ligue arabe s’oppose à la souveraineté d’Israël sur Jérusalem. Le Comité Al Qods se veut ouvert et son objectif est de préserver l’essence de Jérusalem, c’est-à-dire son caractère de lieu saint qui fédère les trois grandes religions monothéistes. (bh)

Rabat le 20 août 1985, le roi du Maroc Hassan II, accueille Jean Paul II sous le regard du futur roi Mohammed VI (à g.) | © Serv. Fotografico – Vatican Media
25 mars 2019 | 16:56
par Bernard Hallet
Temps de lecture: env. 5 min.
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