« L’Europe semble programmée pour s’autodétruire », écrit le cardinal Robert Sarah dans son dernier livre d’entretiens sorti en mars 2019. Le prélat guinéen a principalement en ligne de mire un phénomène migratoire qui menacerait de « remplacer » à terme l’identité chrétienne sur le continent.
Les paroles du cardinal font résonance à des idées qui ont actuellement le vent en poupe en Occident, également dans une certaine frange de l’Eglise catholique.
Je suis moi-même un chrétien de base, qui n’a pas fait beaucoup plus que lire la Bible et cogiter sur son contenu. Mais, à mon modeste niveau de théologie, ce type de discours « identitaire » me pose question.
J’ai notamment en tête le passage: « Car celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de la bonne nouvelle la sauvera » (Marc 8:35). J’imagine que Jésus aurait pu dire « Car celui qui voudra sauver son identité/culture/religion la perdra ».
Nous entendons de plus en plus qu’il faudrait protéger activement notre foi contre de prétendues « hordes » venant du monde séculier ou des contrées islamiques. Cela par le réinvestissement de ce monde laïcisé ou par la mise à l’écart des musulmans.
« Jésus nous a prouvé que les convictions portées par l’Esprit Saint sont indestructibles »
Est-ce un juste combat? Si Jésus avait été dans le même état d’esprit, il aurait sans doute ordonné à ses disciples de passer dans la clandestinité, de soulever les foules pour le défendre, voire de s’armer eux-mêmes pour pourfendre ses opposants. De nombreux fondateurs de mouvements ont à vrai dire agi ainsi.
Or Jésus a fait tout le contraire. Il a reproché à Pierre de cacher son appartenance, de nier sa foi. Il n’a rien fait pour s’opposer à ceux qui ont détruit son corps.
Par sa mort, le Christ nous a également montré que les idées peuvent prospérer sans être défendues par la force ou par la ruse. Son impuissance à cet instant n’était qu’apparente. Elle a donné naissance au plus grand mouvement de tous les temps, auquel des milliards d’êtres humains ont adhéré. Le Nazaréen nous a prouvé que les convictions portées par l’Esprit Saint sont indestructibles. Parce qu’elles sont dans le plan de Dieu. Un plan auquel il a fait confiance jusqu’au bout.
Que signifie finalement être chrétien, s’il ne s’agit pas de suivre l’exemple de Jésus? De voir dans le réfugié ce « petit » qui est le Christ lui-même, d’être (au moins parfois) le bon samaritain et la pauvre veuve? Et comme disait Jean Paul II, de ne pas avoir peur?
Ne serait-ce pas la meilleure façon pour défendre nos valeurs que de les appliquer nous-mêmes?
Raphaël Zbinden
17 juin 2019
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