Nigeria: Bilan mitigé de la charia, 20 ans après

L’introduction de la charia (loi islamique) dans 12 Etats à majorité musulmane du Nigeria a franchi ses deux décennies, avec un bilan mitigé: succès pour les uns, échec pour les autres.

La charia est recommandée par le Coran pour les musulmans. Elle régit la vie dans la société tant sur plan religieux, que politique, social et individuel. Son application stricte peut entraîner des châtiments corporels, des amputations, la lapidation, en fonction de la nature des délits ou crimes.  

Le 27 octobre 1999, Ahmed Sani Yerima, gouverneur de l’Etat de Zamfara, au nord, a décidé d’instaurer la charia dans cette partie de la fédération . Approuvée par le parlement local, la décision est entrée en vigueur le 1er janvier 2000.  Depuis, 11 autres Etats l’ont rejoint, provoquant des violences interconfessionnelles. Plus de 10’000 personnes ont été tuées dans ces troubles, des mosquées, églises, et autres biens religieux ont également été incendiés lors des violences.

Une situation qui ne s’améliore pas

Pour Atta Barkindo, directeur du Catholic Kukah Center (TKC), une organisation chrétienne pour le dialogue interreligieux «nous étions profondément inquiets. Personne ne savait quelles conséquences cette décision aurait. Nous venions tout juste de sortir d’une dictature, et il y avait beaucoup de colère», a-t-il déclaré à la Deutsche Welle (la Voix de l’Allemagne)

Selon lui, malgré l’application de la charia, la situation en matière de sécurité, de système éducatif et d’infrastructures dans le nord du Nigéria ne s’est guère améliorée, au cours des 20 dernières années. Dans les Etats de Zamfara, Katsina et Kaduna, les populations risquent fort de devenir les victimes de bandits. Les élèves passent moins de temps à l’école.  

En outre, l’introduction de la charia n’a pas empêché des groupes islamistes radicaux, tels que Boko Haram, de gagner en influence. Elle n’a pas non plus fait baisser la corruption généralisée dans la région. «La charia a fait que nous diviser davantage dans ce pays», a-t-il estimé. Il a déploré le repli des communautés sur elles-mêmes, car «aujourd’hui, la religion et l’appartenance ethnique déterminent l’accès au pouvoir, aux ressources et aux privilèges».

Mener une vie conforme aux principes de l’islam

En revanche, pour Halima Jibril, présidente de la Fédération des associations de femmes musulmanes au Nigeria (FOMWAN), grâce à la charia, «les familles se sont rapprochées,  les hommes prennent mieux soin de leurs femmes et de leurs enfants, la vente et la consommation de l’alcool sont interdites, bien qu’il existe encore des moyens de contourner cette mesure, dans des bars illégaux, dans des emballages dissimulés».

La charia oblige aussi l’Etat à soutenir ses citoyens, afin qu’ils «puissent mener une vie conforme aux principes de l’islam. Ce qui veut dire qu’un niveau de vie de base doit être garanti, afin que personne ne soit forcé de commettre un vol. Or, jusqu’à présent, aucun système de protection sociale de ce type n’existe dans le nord du Nigéria, a-t-elle reconnu.  (cath.ch/ibc/mp)

Maurice Page

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