Communier sans l'hostie

A l’heure où la pandémie de coronavirus a provoqué la suppression des messes dans une partie du monde, beaucoup de fidèles sont privés de communion eucharistique. Face à l’impossibilité d’une communion matérielle sous forme de pain et de vin, l’Eglise a développé de longue date le concept de la «communion de désir».

«Peu le savent: l’Eglise n’oblige en effet personne à communier. Il est même requis de communier (et de se confesser) au minimum une fois par an, si possible à Pâques», souligne l’abbé français Pierre Amar sur son site padreblog.fr. Lorsque le fidèle est empêché pour différentes raisons, de communier de manière sacramentelle, l’Eglise a toujours encouragé ce qu’elle appelle la communion de désir. Elle consiste à désirer communier de tout son cœur, et à le manifester explicitement dans la prière et l’attitude corporelle. «Cette communion de désir produit de grands effets spirituels», note le prêtre français. Dès le Moyen Age, saint Thomas d’Aquin assure même que «comme l’autre communion (…) elle soutient, fortifie, répare et réjouit».

L’exemple des pères du désert

Habituellement, ce type de communion s’adresse plus spécialement aux catéchumènes, pas encore baptisés, aux personnes âgées ou malades qui n’ont que la messe à la télévision ou à la radio, à certaines personnes handicapées ne pouvant communier pour des raisons physiologiques, aux personnes divorcées remariées, ainsi qu’aux chrétiens qui vivent en couple sans être mariés religieusement, explique le diocèse de Vannes sur son site internet.

Le récent synode sur l’Amazonie a en outre mis en lumière le fait que de nombreuses communautés indigènes éloignées des centres sont privées de messe et de communion pendant de longues périodes. Avec le confinement lié à l’épidémie de coronavirus, l’application de la communion de désir peut être élargie à l’ensemble des fidèles.

De nouvelles impulsions spirituelles?

Au IVe siècle déjà, les pères du désert, du fait de leur isolement, ne communiaient que rarement. Pendant le Carême 1211, saint François d’Assise partit lui-même pendant quarante jours sur une île du lac de Pérouse, avec deux petits pains. Dans le jeûne et la prière, il se priva de messe et de communion pour se préparer à Pâques.

Une privation volontaire qui n’est certes pas du même ordre que l’impossibilité actuelle des fidèles de France, d’Italie ou de Suisse d’aller à la messe. Une situation dans laquelle certains tentent néanmoins de trouver des impulsions spirituelles nouvelles. «Et si cette période inédite de précaution sanitaire nous renouvelait à la fois dans notre désir d’avoir ‘faim du Christ’ et aussi dans notre façon de communier?», s’interroge ainsi l’abbé Amar. «On peut même penser qu’une communion spirituelle vécue avec ferveur peut produire plus de fruits qu’une communion sacramentelle tiède!», ose-t-il.

Une idée soutenue par Jean-Blaise Fellay. Le prêtre jésuite établi à Notre-Dame de la Route (FR), relate dans son texte Une Messe au coeur du monde, publié le 19 mars 2020 dans plusieurs médias dont cath.ch, d’intenses moments de communion avec le Christ vécus en dehors d’une église. Pour lui, cette approche de la spiritualité est particulièrement pertinente à notre époque. «Autrefois, la communion sacramentelle était la règle pour tout le monde, explique-t-il. Aujourd’hui, c’est devenu l’exception. Les personnes, surtout les jeunes, sont certainement plus susceptibles d’être touchées par ce type d’expériences hors du cadre institutionnel, notamment face à la nature. Ce qui peut être une introduction favorable à la pratique religieuse». (cath.ch/padreblog/arch/rz)

Une ancienne pratique

De nombreux textes du magistère de l’Eglise traitent de la communion spirituelle. Dans une lettre de 1983 sur le ministre de l’Eucharistie, signée par le cardinal Josef Ratzinger, la Congrégation pour la doctrine de la foi a déclaré que les catholiques en situation de persécution ou de manque de prêtres peuvent néanmoins participer à l’Eucharistie: «Si, animés profondément par le désir du sacrement et unis dans la prière avec toute l’Eglise, ils invoquent le Seigneur et élèvent vers lui leurs cœurs, par la force de l’Esprit Saint ils vivent en communion avec l’Eglise, Corps vivant du Christ, et avec le Seigneur lui-même.» (11)

Le pape Jean Paul II, dans son encyclique Ecclesia de Eucharistia, a écrit en 2003: «C’est précisément pour cela qu’il est opportun de cultiver dans les cœurs le désir constant du Sacrement de l’Eucharistie. C’est ainsi qu’est née la pratique de la ‘communion spirituelle’, heureusement répandue depuis des siècles dans l’Eglise et recommandée par de saints maîtres de la vie spirituelle.» (34) RZ

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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