«Rien de scandaleux dans l'instruction sur les paroisses»

La nouvelle instruction romaine sur les paroisses a soulevé un certain nombre de critiques, notamment dans le monde germanophone. Pierre-Yves Maillard, vicaire général du diocèse de Sion, voit de son côté dans le document de nombreux points positifs, notamment dans l’encouragement à la collaboration au sein des paroisses.

Un document «cléricalement restreint», «théologiquement déficient» ou allant à l’encontre de la synodalité. Telles sont quelques-unes des critiques entendues concernant l’instruction romaine sur la conversion missionnaire des paroisses, diffusée le 20 juillet 2020 par la Congrégation pour le clergé. Ces protestations ont principalement émané de l’Eglise germanophone, en Allemagne, mais également en Suisse. Mgr Felix Gmür, évêque de Bâle, a notamment exprimé son «impression tenace que la suprématie du clergé est en jeu» dans le document. Pierre-Yves Maillard, vicaire général pour la partie francophone du diocèse de Sion, donne son point de vue.

Avez-vous l’impression, comme on a pu l’entendre, que l’instruction renforce le cléricalisme?
Pierre-Yves Maillard: A la lecture du document, je n’ai vraiment pas cette impression. Il s’agit d’un texte comme les congrégations ou les dicastères romains en communiquent régulièrement à l’Eglise universelle, et qui sont destinés à donner des impulsions pastorales. Je n’y ai rien trouvé de «scandaleux» et qui renforcerait le cléricalisme. Le texte ne fait que rappeler les pratiques de gestion des paroisses inscrites dans le droit canon. Il m’a semblé au contraire qu’il encourageait la prise de responsabilité des diacres et des laïcs au sein des paroisses.

Qu’est-ce qui vous fait dire cela?
Par exemple le paragraphe 39, qui affirme que le prêtre, comme membre et serviteur du Peuple de Dieu qui lui a été confié, ne peut pas se substituer à lui. Et que «la communauté paroissiale est habilitée à proposer des formes d’exercice des ministères, d’annonce de la foi et de témoignage de la charité».

Mais comprenez-vous les critiques, notamment celles qui émanent du monde germanophone?
Bien sûr, je peux comprendre que cela heurte certaines pratiques déjà installées, notamment en Suisse alémanique. L’un des points délicats semble être le rappel de l’interdiction faite aux laïcs de prononcer l’homélie pendant la célébration de l’Eucharistie (99). Cette pratique est courante dans le monde germanophone. Mais, en Suisse romande, à l’exception de la partie francophone du diocèse de Bâle, ce n’est pas l’habitude. L’instruction précise d’ailleurs au même numéro que «les fidèles laïcs peuvent prêcher dans une église ou dans un oratoire si les circonstances ou un cas particulier le demandent, selon les dispositions de la Conférence épiscopale».

«Ce qui me plaît beaucoup, c’est que le texte redit l’importance des paroisses»

Pourquoi ces différences des deux côtés de la Sarine?
Il me semble que la culture germanique est plus sensible à l’aspect de la formation académique. En Suisse alémanique, il y a peut-être une tendance à penser que la possession d’un diplôme peut autoriser certaines fonctions, sans compter la question du manque de prêtres ou la nécessité d’annoncer l’Evangile. Dans la partie francophone des diocèses de Sion ou de Lausanne, Genève et Fribourg, on préfère généralement s’en tenir à l’identité vocationnelle, ecclésiale et sacramentelle. Un titre universitaire ne constitue pas un droit à l’exercice de telle fonction ecclésiale.

Mais le manque de prêtres ne va-t-il pas de toute façon faire en sorte que des laïcs soient amenés à remplir les fonctions du clergé?
Ce qu’il faut éviter en Eglise, et c’est à mon sens aussi un point positif marqué par la nouvelle instruction, ce sont les solutions de type ‘pis-aller’, les demi-mesures. Le texte rappelle notamment que les diacres ne sont pas des «demi-curés», mais qu’ils ont un rôle bien spécifique dans la paroisse. Des solutions doivent plutôt s’orienter vers un accroissement des collaborations et des éventuels regroupements.

Des évêques, notamment le cardinal allemand Reinhard Marx, ont regretté que l’Eglise universelle n’ait pas été consultée dans le cadre de la rédaction du document.
A ma connaissance, il n’est pas usuel que l’épiscopat mondial soit consulté pour la publication de toutes les «instructions» promulguées par les différentes congrégations romaines, qui sont nombreuses et traitent de multiples sujets.

Mais à quoi sert finalement l’instruction, si elle ne met en place aucune nouveauté?
Sa nouveauté ne réside certes pas dans les structures, mais plutôt dans les orientations et les impulsions pastorales, articulées autour du thème de la conversion missionnaire. Ce qui me plaît beaucoup, c’est d’abord que le texte redit l’importance des paroisses. On entend parfois que ces structures ecclésiales sont «dépassées», que l’avenir est dans les rassemblements ou les réseaux. Mais cette instruction rappelle avec pertinence que la paroisse est une «maison au milieu des maisons» et le lieu qui «répond à la logique de l’Incarnation du Christ Jésus, vivant et agissant dans la communauté humaine». J’estime que la paroisse est en effet une structure adéquate pour notre époque, car elle peut faire preuve, comme l’a dit le pape François, d’une «plasticité» et d’une grande souplesse, tout en restant un élément de stabilité, de régularité, un point de repère pour le croyant dans un monde souvent perturbé. Une structure que le texte invite toutefois à renouveler, pour que chaque baptisé y prenne sa place comme « disciple missionnaire ».

Il semble que la réaffirmation du rôle central du curé pose aussi problème…
Cela ne me choque pas du tout, car il est normal que chaque paroisse soit placée sous la responsabilité pastorale d’un curé. Et le texte explique bien que cela doit se faire dans un contexte de collaboration et de coresponsabilité, avec l’idée que tout fidèle doit être missionnaire . Ce sont des éléments relativement nouveaux pour un document romain. L’instruction souligne notamment l’importance des différents Conseils, qui ne doivent être ni de simples « chambres d’enregistrement » des décisions déjà prises par le curé, ni au contraire des assemblées qui décideraient tout sans le curé, mais de véritables espaces d’écoute et de discernement, en syntonie avec la vie du diocèse (n. 108-114).

Pour vous, l’instruction est donc plutôt bienvenue.
Oui, dans le sens où elle peut donner un nouvel élan aux paroisses, encourager les collaborations dans un esprit de spiritualité de communion. Il faut regarder ce texte dans sa globalité et éviter de donner trop d’importance à des points de détail. (cath.ch/rz)

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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