Taizé, 80 ans de découverte du Christ «sans limite»

Du 16 au 23 août 2020, la communauté œcuménique de Taizé, dans l’est de la France, fête les 80 ans de sa fondation par le religieux protestant suisse Roger Schutz. Malgré des festivités réduites à cause de la crise sanitaire, la communauté est plus que jamais un lieu de rencontre et d’enrichissement mutuel des traditions chrétiennes.

«Actuellement, les gens ont la tête ailleurs», souligne à cath.ch Frère Jasper, chargé des relations avec la presse dans la communauté de Taizé. Peu de choses ont ainsi été organisées à l’occasion du jubilé. Outre la pandémie, le religieux explique que des événements de commémoration importants se sont déjà déroulés pour les 75 ans de la fondation de la communauté, en 2015, qui correspondait au centenaire de la naissance de son fondateur Roger Schutz et aux dix ans de son décès. Ce dernier a été assassiné par une déséquilibrée, le 16 août 2005, suite à la prière du soir, à Taizé. Le même jour de 2020, Frère Alois, successeur de Roger Schutz, a prononcé une très belle prière pour ce dernier, assure Frère Jasper.

Le pari fou de Frère Roger

Aujourd’hui, la communauté s’efforce de vivre pleinement dans l’esprit qui a accompagné la fondation de la communauté œcuménique. Celle-là s’est faite dans des circonstances très particulières. Alors que la guerre fait rage en Europe, et que la France est occupée par l’Allemagne, en été 1940, Roger Schutz part à bicyclette de son village natal de Provence, dans le canton de Vaud, afin de «partager le sort de ce pays». Il cherche une maison où prier et où créer une vie de communauté. C’est à Taizé, un petit village de Bourgogne où les habitants l’accueillent chaleureusement, qu’il choisit de s’installer.

Au début de la guerre, Roger Schutz, avec sa sœur Geneviève, accueille des dizaines de réfugiés juifs. En 1942, il rentre en Suisse et apprend qu’il ne peut revenir à Taizé, car il a été dénoncé. À la Libération, en 1944, il retourne en France et vient en aide aux prisonniers de guerre allemands.

La confiance des Eglises

La communauté a donc été dès ses débuts un espace d’accueil d’une incroyable ouverture. Elle a trouvé peu à peu sa vocation d’espace de rencontre entre des jeunes chrétiens. Aujourd’hui, elle compte une centaine de membres, avec quelques fraternités dispersées de par le monde, jusqu’en Corée du Sud. Le groupe le plus récent s’est créé à Cuba.

Bâle 2017: 40e édition des rencontres européennes de Taizé| © Taizé

Si les chiffres des membres restent stables depuis plusieurs années, la renommée et l’attraction de la communauté sont toujours importantes. Les rencontres annuelles européennes de Taizé, qui se déroulent généralement dans diverses villes du continent à la fin de l’année, accueillent des milliers de jeunes de nombreux pays. Fin décembre 2017, 20’000 jeunes avaient participé aux rencontres qui se déroulaient à Bâle.

Plusieurs dizaines de milliers de personnes, des catholiques comme des protestants, séjournent également chaque année dans la communauté de Bourgogne. Frère Jasper assure en tout cas que les membres de Taizé sont extrêmement touchés par la confiance des Eglises protestantes et catholique dans la communauté.

Aller vers l’autre

Tout en maintenant intact l’esprit de Frère Roger, pour qui la prière et la vie communautaire étaient essentielles, les membres de Taizés prennent pleinement en compte les évolutions de l’époque. Les efforts actuels de la communauté se portent donc principalement sur trois aspects. Tout d’abord le phénomène de la migration. Taizé accueille ainsi depuis des années des réfugiés.

Au-delà du dialogue œcuménique, qui lui est «naturel», la communauté s’efforce de faciliter le dialogue interreligieux. Avec un point spécial, ces dernières années, sur les relations avec l’islam. Récemment, des weekends de dialogue entre musulmans et chrétiens ont eu lieu à Taizé même. Une nouveauté, selon Frère Jasper.

Sauvegarde de la création

Des évolutions totalement dans la vocation du lieu. «Frère Roger n’avait pas du tout peur du changement, relève le chargé de communication. C’est donc rester fidèle à son esprit que d’être à l’écoute des préoccupations de l’époque, mise notamment en avant par les jeunes».

La communauté a ainsi mis un accent particulier sur la sensibilisation à la protection de la planète. Elle a déjà mis en place des procédures pour réduire les déchets dus aux emballages et renforcer le compostage. Les membres réfléchissent encore pour savoir quelles contributions ils peuvent apporter à l’effort écologique global.

Huitante ans après sa fondation, Taizé reste donc principalement un lieu de rencontre, insiste Frère Jasper. «Il s’agit d’un espace où l’on peut s’enrichir de la culture de l’autre, tout en reconnaissant des éléments de sa propre culture religieuse. Un endroit où chacun peut découvrir un Christ ‘sans limite'». (cath.ch/rz)

L’aventure de Taizé

Tout a commencé en 1940, lorsque, à l’âge de vingt-cinq ans, Frère Roger quitta le pays de sa naissance, la Suisse, pour aller vivre en France, le pays de sa mère. Il avait été immobilisé pendant des années par la tuberculose pulmonaire. Durant cette longue maladie, il avait mûri en lui l’appel à créer une communauté.

Au moment où commença la Seconde Guerre mondiale, il eut la certitude que, comme sa grand-mère l’avait fait pendant la Première Guerre mondiale, il devait sans tarder venir en aide à des gens qui traversaient l’épreuve. Le petit village de Taizé, où il se fixa, était tout proche de la ligne de démarcation qui coupait la France en deux: il était bien situé pour accueillir des réfugiés fuyant la guerre. Des amis de Lyon se mirent à indiquer l’adresse de Taizé à ceux qui avaient besoin d’un refuge.

À Taizé, grâce à un prêt modique, Frère Roger acheta une maison, abandonnée depuis des années, avec ses dépendances. Il proposa à l’une de ses sœurs, Geneviève, de venir l’aider à accueillir. Parmi les réfugiés qu’ils hébergèrent, il y eut des juifs. Les moyens matériels étaient pauvres. Sans eau courante, ils allaient chercher l’eau potable au puits du village. La nourriture était modeste, en particulier des soupes faites avec de la farine de maïs achetée à peu de frais au moulin voisin.

Par discrétion vis-à-vis de ceux qu’ils accueillaient, Frère Roger priait seul, il allait souvent chanter loin de la maison, dans le bois. Pour que certains des réfugiés, juifs ou agnostiques, ne soient pas gênés, Geneviève expliquait à chacun qu’il valait mieux que ceux qui le voulaient prient seuls dans leur chambre.

Les parents de Frère Roger, sachant leur fils et sa sœur exposés, demandèrent à un ami de la famille, officier français à la retraite, de veiller sur eux. En automne 1942, il les avertit que leur activité avait été découverte, et que tous devaient partir sans retard. Jusqu’à la fin de la guerre, c’est donc à Genève que Frère Roger a vécu et a commencé une vie commune avec ses premiers Frères. Ils purent revenir à Taizé en 1944.

L’engagement des premiers frères

En 1945, un jeune juriste de la région mit sur pied une association pour prendre en charge des enfants que la guerre avait privés de famille. Il proposa aux frères d’en accueillir un certain nombre à Taizé. Une communauté d’hommes ne pouvait pas recevoir des enfants. Alors Frère Roger demanda à sa sœur Geneviève de revenir pour s’occuper d’eux et devenir leur mère. Les Frères accueillirent aussi le dimanche des prisonniers de guerre allemands internés dans un camp proche de Taizé.

Peu à peu quelques jeunes hommes vinrent rejoindre les premiers Frères, et le jour de Pâques 1949, ils étaient sept à s’engager ensemble pour toute l’existence dans le célibat, la vie commune et une grande simplicité de vie.

Dans le silence d’une longue retraite, au cours de l’hiver 1952-1953, le fondateur de la communauté écrivit la Règle de Taizé, exprimant pour ses Frères «l’essentiel permettant la vie commune».

Source: taize.fr

Raphaël Zbinden

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