Paraguay: l'armée fusille deux fillettes, présentées comme guérilleras

La controverse continue au Paraguay après que l’armée gouvernementale ait fusillé deux fillettes argentines âgées de 11 ans, María Carmen Villalba et Lilian Mariana, dans la zone de Yby Yaú, dans le département de Concepción, au nord du pays, le 2 septembre 2020.  Elles les a présentées faussement comme des « guérilleras » armées.

L’armée paraguayenne prétend que les fillettes, abattues dans un camp  de la guérilla de l’EPP, l’Ejército del Pueblo Paraguayo, née officiellement en 2008 dans le nord du Paraguay, étaient armées et portaient des uniformes.

Doutes de la Conférence épiscopale

Dans un communiqué, la Conférence épiscopale paraguayenne (CEP) met en doute la version officielle de ces combats livrée par la Fuerza de Tarea Conjunta (FTC). Composée de militaires, de policiers et d’agents de la lutte antidrogue SENAD, la FTC  mène la lutte contre cette petite « armée fantôme » de quelques dizaines de personnes armées qu’elle n’arrive pas à éradiquer, malgré les nombreuses forces engagées et l’armement lourd dont elle dispose.

Le président paraguayen Mario Abdo Benítez, qui a visité les lieux de « l’affrontement » vêtu d’un uniforme militaire et armé, a salué le « succès » de l’opération. Il a fait l’éloge des militaire, déclarant que « deux membres du groupe armé ont été tués ». Il a omis de préciser qu’il s’agissait uniquement des deux fillettes sans armes fusillées dans le dos, et non deux « femmes guérilleras » comme indiqué par les médias paraguayens. Aucun supposé guérillero n’a été tué ou arrêté lors de cet « affrontement ».

Les fillettes, qui vivaient avec leur grand-mère dans la localité de Puerto Rico, dans le département argentin de Misiones, où elles suivaient l’école, devaient visiter leurs parents qui étaient censés être dans le camp de l’EPP. Les deux victimes avaient été enterrées très rapidement et ressorties de leur sépulture à la demande du gouvernement argentin.

Des explications confuses

« Les procédures de l’opération au cours de laquelle les deux filles ont été tuées sont confuses et ont laissé de nombreux doutes et questions. Les organes institutionnels concernés, le commandement de la défense intérieure et le Ministère public, ainsi que les autres autorités compétentes, doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour clarifier pleinement les faits dans les meilleurs délais », écrit la CEP.

« L’Eglise condamne la violence, quelle que soit son origine, ainsi que la violence structurelle de l’inégalité sociale qui génère l’exclusion et prive de larges secteurs de la population, en particulier les enfants et les personnes âgées, des biens essentiels à une vie digne, et qui menace la paix sociale », écrivent les évêques, qui condamnent également la violence de la part  de « groupes extrémistes agissant en dehors de la loi ».

Tentatives de manipulations

De leur côté, tant le gouvernement argentin que Jan Jarab, représentant du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, ont exigé une « enquête sans délai et de manière impartiale » sur la mort des deux fillettes argentines lors d’une opération menée le 2 septembre contre l’Armée populaire paraguayenne (EPP).

Jan Jarab a déclaré que son bureau avait reçu des « informations inquiétantes » concernant des tentatives de manipulation des preuves de ce qui s’est passé, et a estimé qu’il était « crucial que les normes internationales en matière de droits de l’homme soient prises en compte pendant l’enquête ».

Manipulations de la scène de crime

Les militaires qui ont fusillé les deux fillettes ont affirmé que l’une d’elles leur avait tiré dessus et que toutes deux étaient vêtues d’uniformes de la guérilla. Mais ils ont immédiatement brûlé ces vêtements sous prétexte de lutte contre le Covid-19, éliminant ainsi des preuves. D’autre part, le médecin légiste officiel avait prétendu qu’elles étaient âgées de 15 et 18 ans.

« Il a été possible de déterminer que les personnes décédées étaient deux enfants mineures de nationalité argentine, nées le 29 octobre 2008 et le 5 février 2009, et donc tous deux âgées de 11 ans », a déclaré le Ministère argentin des affaires étrangères dans une déclaration après avoir fait une demande de coopération du Paraguay. (cath.ch/cep/onu/be)

Jacques Berset

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