Mgr Hinder, évêque d'Abou Dhabi, revient sur le voyage du pape en Irak

Que restera-t-il du voyage du pape François en Irak? Pour le capucin suisse Mgr Paul Hinder, évêque à Abou Dhabi, le dialogue interreligieux fait partie de la vie quotidienne. Il espère que les gens écouteront le message de fraternité et de paix de François.

Raphael Rauch, kath.ch / traduction adaptation Maurice Page

Quel bilan tirez-vous du voyage du pape François en Irak?
Mgr Paul Hinder*: Je le vois très positivement. Bien sûr, je ne m’attends pas à ce que le royaume de la paix s’établisse en Mésopotamie et dans l’ensemble du Moyen-Orient. Mais ce que nous avons vu ces derniers jours devrait avoir plus qu’une valeur symbolique. Le pape est venu en pèlerin, tendant les mains dans toutes les directions de cette région multireligieuse et multiethnique avec un seul message: par-dessus toutes les différences, nous sommes frères et sœurs.
C’est en cela que réside une mission impérative pour tous. Le message a été entendu et rapporté. Ici aussi, aux Émirats, la visite a rempli les journaux de reportages pleine page et de commentaires riches en contenu.

Quelle moment du voyage du pape vous a-t-il le plus touché?
J’ai été touché par le fait que la visite se soit déroulée de manière étonnamment harmonieuse dans une région pleine de conflits et d’oppositions. J’ai été particulièrement heureux que, pour une fois, il n’y ait pas seulement des images d’attaques terroristes et des rapports sur la corruption en provenance d’Irak.

«En Irak, nous sommes au berceau de nos propres cultures et religions.»

Cette visite a montré que les habitants de l’Euphrate et du Tigre aspirent à une paix juste et à une vie commune comme les habitants d’autres régions du monde.
Les rencontres du pape avec des croyants de différentes religions et des Eglises de tradition antique m’ont fait prendre conscience que nous nous trouvons en Irak au berceau de nos propres cultures et religions. La rencontre simple et discrète du pape François et de l’ayatollah al-Sistani ou la prière dans les ruines de Mossoul, où les traces de la haine meurtrière sont encore visibles, m’ont également profondément touché.

Comment le pape François poursuit-il ce qu’il a signé à Abou Dhabi en 2019?
Si vous regardez, vous verrez facilement que de la déclaration d’Abou Dhabi à l’encyclique «Fratelli tutti» en passant par la visite en Irak avec les différentes rencontres, il y a un fil conducteur, à savoir: nous sommes tous des créatures du Dieu unique et des frères et sœurs. Notre mission est de faire en sorte que cette condition de notre existence prenne forme dans la vie individuelle et sociale. Pour cela, il faut des hommes et des femmes infatigables et courageux, qui construisent des ponts et œuvrent pour la paix. Le pape François est l’un d’entre eux.

«Abraham est considéré comme le «père de la foi» dans les trois religions monothéistes»

Votre siège épiscopal se trouve à Abou Dhabi, ville dominée par les sunnites. Comment y est perçu le rapprochement du pape François avec les chiites?
Les médias locaux ont accordé une attention supérieure à la moyenne à la visite du pape en Irak et lui ont donné une évaluation largement positive.
Je considère cela comme un signe que les différences politiques et les lignes de fracture dans la région n’ont pas effacé l’unité plus profonde entre sunnites et chiites. Il n’est pas nouveau en outre que l’Église catholique et son Conseil pour le dialogue interreligieux entretiennent des relations intensives avec les chiites.

Des chiites vivent-ils aussi dans les Émirats?
Nous avons également un assez grand nombre de chiites aux Émirats arabes unis. Dans l’ensemble, il y a un besoin de détente à Abou Dhabi également, et d’espoir que les conflits régionaux ne dégénèrent pas en guerre.

Quelles sont les autres étapes possibles du dialogue interreligieux?
Même si nous devons veiller à ne pas élever indûment Abraham au rang d’ancêtre interreligieux, la visite du pape à Ur a montré qu’il y a là une racine profonde dont le potentiel peut être exploité dans une plus large mesure. C’est également ce qui est à l’origine de l’initiative de construire le Centre Abrahamique à Abou Dhabi, où juifs, chrétiens et musulmans seront en contact.

«Le pape François a semé les graines de la paix»

Abraham est considéré comme le «père de la foi» dans les trois religions monothéistes. Confiant en Dieu, il se lance dans un voyage dans une région qui lui est inconnue. Se laisser guider par Dieu, tout en examinant sa propre situation à la lumière de Dieu, est une condition préalable importante pour un dialogue interreligieux fructueux.

Comment ce dialogue doit-il se poursuivre?
En tant que fils de paysan, je sais que les processus de croissance ne peuvent être contrôlés artificiellement ou accélérés que dans une mesure très limitée. Cette croissance a besoin de soins patients. C’est semblable pour toute forme de dialogue. Le pape François a semé les graines de la réconciliation, de la paix et de la justice. Mais pour que «la justice et la paix s’embrassent et que la vérité germe de la terre», comme le dit le Psaume 84 (11-12), cela ne dépend pas seulement des personnes. Le même psaume dit: «La justice marche devant lui, et ses pas traceront le chemin.» (kath/rr/mp)

*Paul Hinder (78 ans) est un capucin suisse évêque d’Abu Dhabi. Son diocèse comprend le Bahreïn, le Yémen, le Qatar, le Koweït, Oman, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis.

Rédaction

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