Evêque depuis 100 jours, Mgr Bonnemain ne se tourne pas les pouces

Cent jours après son installation sur le siège de Coire, Mgr Joseph Maria Bonnemain est un évêque pressé mais heureux. Car si sa nouvelle fonction ne lui laisse pas beaucoup de temps libre, elle lui donne pleinement l’occasion d’aller à la rencontre du peuple de son diocèse.

«Je dors certes moins bien qu’avant», lance Mgr Bonnemain. A son sourire franc et à ses yeux qui pétillent, on devine pourtant qu’il sait faire face aux défis. L’évêque âgé de 72 ans, qui reçoit cath.ch dans une salle du Centrum 66 de l’Eglise dans le canton de Zurich, en a vu d’autres. Il a notamment été pendant 36 ans aumônier d’hôpital dans la capitale économique de la Suisse. Une expérience qui l’a mis en face de bien des situations d’urgence et parfois dramatiques.

Un évêque non-conformiste

Consacré évêque le 19 mars 2021, cet adepte de la musculation savait plus que quiconque à quoi il se confrontait en acceptant la mission confiée par le pape François. Il travaille en effet dans la pastorale de Coire depuis qu’il est devenu prêtre, en 1978. Il a donc assisté de près à tous les soubresauts qui ont secoué l’histoire récente de ce diocèse, déchiré entre conservateurs et progressistes.

Est-il la personnalité idéale pour le poste? L’avenir le dira. Mais il possède de nombreux atouts.

«Je peux comprendre les personnes qui ont une opinion négative de l’Opus Dei»

Son sens aigu de la complexité, tout d’abord. Lui-même est issu de l’union insolite entre un Jurassien et une Catalane. «Deux peuples séparatistes», s’amuse Mgr Bonnemain. De cette influence parentale, il a hérité une attitude non-conformiste. «Quand je suis face à un état de fait, mon premier réflexe est de me demander si on pourrait faire autrement».

L’enfance barcelonnaise de Joseph Bonnemain lui a donné le goût de la diversité et de la culture. Comme son père était directeur d’un grand studio de cinéma, il avait l’occasion de voir des films plusieurs fois par semaine. Des œuvres visionnées, il lui reste en mémoire que l’homme est fondamentalement un être de relation. C’est également cette vision positive de l’humanité qui l’amènera dans la voie du Christ.

La découverte de l’Opus Dei

Enfant, ses parents lui offraient des biographies illustrées de grands hommes. Des bienfaiteurs et inspirateurs de l’humanité, des saints, des politiciens, des scientifiques ou des médecins. La découverte de figures telles qu’Albert Schweitzer, qui ont mis leur vie au service des autres, lui donnera l’envie de s’orienter vers la médecine .

Mgr Bonnemain a passé son enfance à Barcelone, en Catalogne | © Walkerssk/Pixabay

Mais aucune «illumination» soudaine pour Joseph Bonnemain. Alors que ses parents étaient «normalement» pratiquants, il assure avoir trouvé sa vocation religieuse «petit à petit». Un chemin sur lequel il s’est engagé également à travers la relation.

A l’école secondaire, à Barcelone, il fréquente d’autres jeunes liés à l’Opus Dei. Pas attiré, au début, par ce milieu, il accepte finalement d’assister, en 1967, à une messe célébrée par Josemaría Escrivá de Balaguer, le fondateur de la prélature personnelle. «J’ai été emballé, se souvient le nouvel évêque de Coire. Ce qui m’a particulièrement touché était son message selon lequel, ce qui se passe dans le monde ne nous éloigne pas de Dieu, mais nous en rapproche».

Médecin et prêtre

Cette vision du monde comme un espace où tout concourt à la rencontre avec Dieu, où la matière, le corps, sont des lieux où se manifeste l’Esprit, le fascine. C’est ainsi qu’après être rentré dans la patrie de son père, il entreprend des études de médecine, à Zurich. Alors qu’il continue à fréquenter l’Opus Dei, Josemaría Escrivá de Balaguer le persuade d’aller étudier la théologie à Rome. Il y obtiendra son doctorat en droit canonique en 1980, deux ans après être devenu prêtre, à Zurich.

Son côté non conformiste l’amène aussi à résister aux critiques qu’il peut entendre face à son choix d’appartenir à l’Opus Dei, une organisation qui n’a pas toujours eu bonne presse. «Je peux comprendre les personnes qui ont une opinion négative de l’Opus Dei. Je pense qu’elle doit assumer ce qu’elle a pu faire de faux, avoir le courage de se pencher sur son côté obscur. Mais je crois que l’Opus Dei a fait énormément pour expliquer ce qu’elle est réellement et quels sont ses buts, qui sont, comme son nom l’indique, de poursuivre ‘l’œuvre de Dieu'».

A la rencontre du peuple de Dieu

Fort notamment de sa longue expérience dans la pastorale du diocèse de Coire, Joseph Bonnemain apparaît rapidement comme un «papabile» suite au départ à la retraite de Mgr Vitus Huonder, en 2019.

Mais le processus d’élection ordinaire capote après le rejet par le chapitre cathédral de la Terna (liste de trois candidats) de Rome, en novembre 2020. Finalement, le Saint-Siège décide de lui-même de placer Joseph Bonnemain, alors vicaire épiscopal responsable des relations avec les Corporations ecclésiastique cantonales, sur le siège de Coire.

Mgr Bonnemain est oint par le cardinal Kurt Koch | © Christoph Wider, forum – Pfarrblatt der katholischen Kirche im Kanton Zürich

L’ordination a lieu le 19 mars 2021, en la cathédrale de Coire, le jour de la saint Joseph. Une date grandement symbolique pour Joseph Bonnemain, qui a de sa fonction une vision paternelle. «Je veux être un évêque aussi proche que possible des gens. Comme le pape l’a dit, ‘un berger qui a l’odeur de ses brebis'».

D’où sa présence soutenue, depuis son installation, auprès des fidèles. Un aspect qui lui apporte joie et force. «Je ne me vois pas rester derrière mon bureau à regarder le temps passer. Je veux ressentir les bonheurs et les angoisses du peuple de Dieu. Et j’ai pu rencontrer de nombreuses personnes, notamment des jeunes, cherchant Dieu avec sincérité. J’ai pu échanger avec des paroissiens, mais aussi avec des agents pastoraux, des personnes engagées en Eglise, et j’ai été enthousiasmé par le fait qu’ils font tous ‘peuple’ dans le Seigneur».

Construire des ponts

Une approche certes bienfaisante, mais aussi exigeante. «Le temps» est une denrée trop rare pour tout ce qu’il voudrait faire et face aux importants défis dans son diocèse. L’heure est donc à la définition des priorités. Le plus important pour lui –comme l’exprime sa devise «L’homme est le chemin de l’Eglise» (homo est via ecclesiae) – est de mettre l’humain au centre.

«Il faut que tous les fidèles se mobilisent, avec joie, à la suite du Christ»

Des décisions importantes attendent également au niveau structurel du diocèse. Tout en précisant que le système d’élection particulier de l’évêque n’a pas changé, il rappelle la nécessité de compléter le chapitre cathédral, auquel manque cinq chanoines. «Il est de mon ressort de les nommer, mais le chapitre doit me proposer des noms. Je suis actuellement en attente».

Mgr Bonnemain assure qu’il travaille activement à «construire des ponts» dans le diocèse. Un objectif à portée «si nous nous concentrons en premier sur ce qui nous relie au Christ». Concrètement, il cherche à réactiver les organes de consultation du diocèse. Les Conseils des prêtres, des diacres et des théologiens doivent être reconvoqués. «A travers le renouvellement des institutions, il sera possible de faire en sorte que les différents courants puissent mieux s’accorder».

Appel à la joie

Il tient spécialement à cœur au nouvel évêque de susciter des vocations pour le séminaire et la Faculté de théologie à Coire. Un travail qu’il sait être «en partie au moins du ressort de Dieu». Il s’agit d’assurer la relève et l’avenir du service pastoral. Une gageure qui n’est pas spécifique à Coire, tient-il à préciser, et qui touche aussi tous les autres diocèses de Suisse. Pour y parvenir, «il faut que tous les fidèles se mobilisent, avec joie, à la suite du Christ. C’est dans cet esprit que nous entreprenons le chemin synodal». Une mobilisation qui, pour Mgr Bonnemain, doit se passer d’abord au sein des familles, le lieu par excellence où la foi est découverte et nourrie.

Un programme donc costaud, pour lequel l’évêque aura besoin de toute sa force physique, mentale et spirituelle. Mais, une mission qui en vaut pleinement la peine, puisqu’il est persuadé «qu’à travers le renouvellement de l’Eglise, le monde pourra être plus pacifique, plus humain et plus heureux». (cath.ch/rz)

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

https://www.cath.ch/newsf/eveque-depuis-100-jours-mgr-bonnemain-ne-se-tourne-pas-les-pouces/