Le nouvel éclat de la châsse de saint Maurice révélé

Après quatre ans d’une restauration méticuleuse, la Grande châsse contenant les reliques de saint Maurice d’Agaune a été présentée le 21 septembre 2021, à l’Abbaye de St-Maurice (VS). L’occasion de révéler les dessous d’un travail extraordinaire sur un objet historique d’exception.

Dans la salle capitulaire de l’Abbaye de St-Maurice, la Grande châsse chatoie de ses ors et de ses argents. En cette veille de la fête de saint Maurice, la quarantaine de personnes présentes peuvent constater que la restauration débutée en 2017 a pleinement atteint ses buts.

Engagement pour le patrimoine

Ce magnifique objet d’art est aussi «une œuvre d’amour», lance dans son discours d’introduction Mgr Jean Scarcella. Pour l’Abbé de St-Maurice, la châsse a été réalisée « autant grâce à la foi qu’au savoir-faire humain». C’est «une œuvre de l’homme pour la beauté qui vient de Dieu».

Le chanoine rappelle le rôle de «témoin de l’histoire» assuré par le reliquaire. L’objet daté du 13e siècle symbolise ainsi la durabilité de l’Abbaye, active sans interruption depuis le 6e siècle. «Telle une flamme jamais éteinte, à côté de la force religieuse, a grandi l’art », note Mgr Scarcella.

Le monastère est en effet connu pour son engagement au service de la culture et du patrimoine. Outre son trésor abritant une grande variété d’œuvres religieuses d’une valeur inestimable – dont la Grande châsse – elle est un haut-lieu de la musique sacrée.

Un objet vivant

Le travail de restauration s’est inscrit dans cette volonté de transmission du patrimoine aux générations futures.

Une démarche quelque peu extraordinaire, cependant, au vu de la nature particulière de la Grande châsse. «C’est un objet vivant», a ainsi relevé  Pierre-Alain Mariaux, conservateur du trésor abbatial. «Il a fallu d’abord le comprendre avant de savoir comment conserver sa dimension originale marquée par la dévotion». Une valorisation où le matériel s’entremêle avec le rituel et le spirituel. «La châsse sera complètement restaurée seulement après la procession du 22 septembre», souligne l’expert.

La conférence de presse a vu l’intervention de Romain Jeanneret (d.) et Pierre-Alain Mariaux (g.) | © Raphaël Zbinden

Redonner sens

Afin de respecter les dimensions symbolique et religieuse du reliquaire, un dispositif spécial a été mis au point. Des aspects expliqués de façon détaillée par Romain Jeanneret, conservateur-restaurateur du trésor. Si pour certains objets, la patine issue du ternissement des métaux est conservée, notamment dans les musées, les responsables ont voulu que la châsse retrouve l’éclat qu’elle possédait lorsque les reliques étaient vénérées par les premiers fidèles. Pour redonner ce lustre, les restaurateurs ont utilisé un pinceau électrolytique. Cet outil innovant a été développé par l’Abbaye de saint-Maurice en partenariat avec la Haute Ecole Arc de Neuchâtel (Pleco). La méthode permet d’effacer le ternissement sans endommager le métal.  Le premier épisode de la série de vidéos réalisée par cath.ch, qui retrace ces travaux, a été diffusée à l’assistance.

2000 clous

La «compréhension» de l’oeuvre a nécessité une véritable «enquête policière», menée par des spécialistes de disciplines aussi variées que la gemmologie, la dendrochronologie ou l’orfèvrerie et l’histoire. Les recherches ont permis d’éliminer l’hypothèse d’une fabrication de la châsse au 17e siècle, retenue jusque-là par l’historiographie locale. Les indices récoltés portent vers un assemblage dans le premier quart du 13e siècle.

Romain Jeanneret est revenu sur la somme de travail considérable qu’a nécessitée la restauration. L’une des plus grosses manoeuvres a été la dépose complète de «l’épiderme» du reliquaire constitué de plus de 300 ornements et de 2’000 clous.

Où est Maurice?

Les repsonsables présents ont enfin affirmé leur confiance dans le fait que la Grande châsse de saint Maurice recelait effectivement les reliques du martyr. Des traditions les placent effectivement dans d’autres endroits, notamment dans la châsse de l’Abbé Nantelme. La restauration de cette autre pièce importante du trésor abbatial est d’ailleurs le prochain défi de l’équipe. A cette occasion, les experts espèrent en savoir plus sur le contenu réel de ce dernier reliquaire. (cath.ch/rz)

Trois questions au chanoine Olivier Roduit, procureur de l’Abbaye de St-Maurice

Que ressentez-vous en voyant la Grande châsse restaurée?

C’est une grande émotion. Et aussi, il faut le dire, un soulagement qu’une étape soit enfin accomplie. En tant qu’archiviste et historien,  je suis naturellement très intéressé par tout ce qui touche au trésor, qui est un élément central de l’Abbaye.

Quelle importance a cet objet?
Il faut que le trésor vive. Il est de notre responsabilité de transmettre ce patrimoine aux générations futures. Le trésor, et la Grande châsse en particulier, a une importance considérable non seulement pour l’Abbaye, mais aussi pour les habitants de St-Maurice. La population attend avec impatience la procession du 22 septembre avec la châsse.

On a pu entendre qu’avec ce genre d’événements, l’Eglise «exhibe ses richesses». Cela ne va-t-il pas à l’encontre de l’image d’une «Eglise pauvre pour les pauvres»?
Les objets tels que la Grande châsse sont avant tout un témoignage, un témoignage de foi. Si c’est une richesse, ce n’en est certainement pas une comme l’entendent les critiques. Il ne s’agit ici aucunement de richesse pécuniaire. La valeur de la châsse est inestimable de ce point de vue. Sa valeur est uniquement d’ordre historique, symbolique, artistique et surtout spirituel. RZ

Raphaël Zbinden

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