BICE: Le plaidoyer des enfants sans voix

APIC – REPORTAGE

Sur le front de la guerre contre l’exploitation des enfants

Par Pierre Rottet, de l’Agence APIC

Genève, 23 mars 1998 (APIC) Le Bureau International catholique de l’enfance fête cette année son 50e anniversaire. Fondé après la guerre pour venir en aide aux enfants, il maintient aujourd’hui son cap un peu partout dans le monde. Le pape Jean Paul II ne s’y trompe pas en saluant dans un message qu’il vient d’adresser à Genève le travail réalisé au cours de ce demi-siècle par cette organisation «proche des réalités locales». En octobre 1994, l’APIC s’était penchée sur ces réalités. Nous reproduisons en partie ce reportage. Une manière de souffler aussi les bougies, en compagnie du BICE.

Prostitution enfantine, exploitation des enfants, gosses de la rue… Depuis 50 ans, le Bureau international catholique de l’enfance (BICE), qui a son secrétariat général à Genève, est en guerre contre ces fléaux. Contre les injustices qui frappent des millions d’enfants dans le monde. Partenaire de l’ONU, notamment, le BICE reste pourtant bizarrement inconnu des services de la ville et du canton de Genève.

Fondé en 1948 dans la mouvance de l’après-guerre pour venir en aide aux orphelins, le BICE a acquis depuis une belle réputation. Reconnu par l’ONU, l’UNESCO, l’UNICEF et le Conseil de l’Europe, cet organisme est l’un des principaux artisans de la mise sur pied, par l’ONU, des Années internationales de l’Enfant, en 79, et de la Famille, en 94.

Les photos et dessins de mômes de toutes races accrochés aux murs des couloirs et bureaux du 7e étage du numéro 63 de la rue de Lausanne, à Genève, interpellent d’emblée le visiteur. Comme pour mieux lui rappeler l’ampleur de la tâche que l’organisation résume en une phrase: «Le BICE au service de tout l’enfant et de tous les enfants».

Une foi qui renverse les montagnes

L’ampleur de la tâche? Les 13 employés au siège central et les quelque 30 autres répartis dans les bureaux européens de Paris, Bruxelles, Vienne, et continentaux de New York, Montevideo (Uruguay), Abidjan (Côte d’Ivoire) et Manille, aux Philippines, ont la foi qui renverse les montagnes. Car il en faut pour déclarer la guerre à l’exploitation sexuelle des enfants, à la prostitution de gamines et de gamins qui croupissent à la «disposition» des «touristes» dans les maisons closes de Thaïlande, des Philippines et d’ailleurs, pour s’attaquer aux problèmes des enfants de la rue et combattre l’esclavage auquel ceux-ci sont soumis, pour aider les enfants de détenus et de réfugiés. Pour faire admettre leurs droits de gosses. Simplement.

Un travail de titan. Auquel s’attache le BICE, en sensibilisant l’opinion publique, les instances internationales et les gouvernements de la planète. Par la recherche, l’élaboration et la coordination de programmes concrets pensés et créés à Genève et appliqués grâce au concours de ses partenaires – communautés religieuses, organisations laïques, ONG – qui travaillent sur le terrain. Grâce aussi à des membres actifs et associés:

125 associations, 40 pays, 150’000 donateurs réguliers et son réseau de correspondants, composé de 3’000 responsables dans le monde entier, sans statut particulier.

Trois papes pour parrains

Reconnu par le Saint-Siège comme Organisation internationale catholique, le BICE entretient des liens privilégiés avec plusieurs dicastères romains. Il jouit d’un statut spécial auprès du Vatican, au même titre qu’une trentaine d’autres organismes internationaux catholiques (OIC). En accord avec l’Eglise et les valeurs qu’elle défend – le BICE a trois papes pour parrains: Pie XII, Jean XXIII et Paul VI -, cette organisation internationale au service de l’enfance n’en est pas moins indépendante, même si l’élection de son président doit recueillir l’assentiment de Rome.

Les méthodes de travail ne sont certes pas très connues du grand public. Et même si peu que tant les administrations de la ville et du canton de Genève, contactées par téléphones, disent tout ignorer du BICE. Et jusqu’au nom. Un comble. Elles n’en sont pas moins particulièrement efficaces. Les études et recherches sur l’enfance dans le monde, des enfants de la rue aux enfants prostitués, en passant par les enfants et le sida, les enfants et la drogue, la famille ou autres thèmes brûlants font autorité et servent de réfé-rence auprès des organismes internationaux et des ONG notamment. Ses nombreux congrès et colloques internationaux organisés partout dans le monde réunissent les meilleurs spécialistes de la planète. Et pourtant… «C’est vrai que nous ne sommes pas très connus par l’homme de la rue, reconnaît-on au siège à Genève. Cela tient au fait que nous n’occupons pas le terrain au même titre que les oeuvres d’entraide».

Le BICE, précise-t-on, n’est pas une agence de financement. Il participe certes matériellement, mais en partie seulement, à certains de ses projets, à la formation d’éducateurs par exemple, à l’aide aux enfants toxicomanes de la rue en Colombie. Laissant généralement à d’autres, à ses partenaires privilégiés (Caritas Internationalis ou autres ONG), le soin de s’occuper de l’intendance, de pourvoir à ce qui touche le côté matériel. Le Bureau apporte ce pourquoi il est conçu: fournir des outils de travail, élaborer des concepts et des méthodes, former les intervenants sociaux pour mieux répondre aux besoins psycho-sociaux des enfants, diffuser les informations nécessaires aux ONG qui, sur place, sont chargées de les répercuter au plan local.

Pas très aidé en Suisse

Avec un budget annuel oscillant entre 5 et 6 millions de francs, une infrastructure somme toute modeste, le BICE accomplit un travail qui n’est pas toujours visible, note son secrétaire général, François Rüegg. Aucune subvention de Rome, si ce n’est une modeste somme octroyée annuellement par la Fondation Pie XII, et encore moins des Conférences épiscopales d’Europe, à l’exception de la Belgique et de l’Italie, . Rien, en revanche, de l’Eglise en Suisse – hormis de plusieurs paroisses – ou de l’Action de Carême. Rien non plus du canton et de la ville de Genève, précise-t-on. D’où proviennent les fonds? «De nos partenaires, des dons en provenance de nos campagnes de financement en France, en Suisse, en Belgique et aux Etats-Unis; de diverses Caritas en Europe pour des projets, d’Institutions internationales et du Conseil de l’Europe».

D’un point de vue pratique, un Conseil formé d’une quinzaine de personnes représentant les membres actifs, brosse les grandes lignes de l’action, à partir des besoins perçus par les bureaux régionaux. Ce Conseil garantit en outre la bonne marche de l’organisation, actuellement présidée par la Française Mijot Beccariat.

Un investissement de tous les instants

Le travail de conscientisation, les diverses campagnes de sensibilisation à partir de projets pilotes ont incontestablement fait avancer la cause des enfants. Le BICE s’est en effet considérablement investi pour que soit proclamée l’Année internationale de l’Enfant décrétée par l’ONU en 1979, et que soit adoptée, en 1989, la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant. On ne compte plus aujourd’hui les interventions des milieux politiques, d’Eglises, des organisations internationales et les écrits de presse pour dénoncer la prostitution des enfants, le tourisme sexuel, les enfants de la rue ou autres fléaux.

Des tâches auxquelles s’attache aujourd’hui le BICE, en mettant sur pied des sessions d’information, en formant des gens de terrain. De l’Europe en Amérique, en passant par l’Afrique et l’Asie. Tout un programme. Ne serait-ce que pour dénoncer les Etats-Unis incapable de répondre, sinon par l’indifférence, à l’invitation de ratifier la Conventions des Nations Unies relative aux droits de l’enfant. (apic/pr)

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