Iran: La ville de Qom abrite une bibliothèque avec des manuscrits de valeur inestimable

Apic reportage

Un Gandhi iranien a rassemblé 25’000 manuscrits

Georges Scherrer, Apic / traduction: Bernard Bovigny

Qom, 16 novembre 2006 (Apic) Deux spécialités ont contribué à la célébrité de Qom: ses délicieuses pâtisseries et le fait que cette cité fasse partie, avec Machhad et Najaf, des plus importantes villes saintes des musulmans chiites.

A Qom a vécu un ayatollah considéré comme le Gandhi iranien en raison de ses choix de vie modestes. Qom, cette ville située à près de 100 kilomètres au sud ouest de Téhéran, est une ville intellectuelle. Les savants chiites s’y rencontrent dans les écoles théologiques, afin de prodiguer des conseils et proposer des enseignements sur les saints écrits de l’islam, et sur le Coran en particulier.

Le principal centre d’attraction de la ville est le tombeau de Fatima, la soeur de Rizah, le 8e imam dans la tradition chiite. Un flot ininterrompu de pèlerins se rend dans la mosquée qui l’abrite. Qui veut enseigner en ce lieu doit être un ayatollah. Les autres professeurs doivent se contenter d’écoles situées hors des murs de la mosquée.

Les enseignants locaux peuvent compter sur un incroyable trésor de connaissances: la «Grande bibliothèque». Le visiteur qui y pénètre se trouve, en accédant au hall d’entrée, devant un reliquaire dont l’intérieur est illuminé de la couleur de l’islam, le vert. C’est là que repose l’Ayatollah al-Uzma Mar’ashi al-Najafi, le collectionneur minutieux des dizaines de milliers d’ouvrages rassemblés en ces lieux.

Les chercheurs passent devant son tombeau

L’Ayatollah al-Uzma a demandé dans son testament d’être «enseveli à l’entrée de la bibliothèque, afin que les pas des chercheurs en sciences islamiques passent devant mon tombeau». Il convient de préciser que ce vieux barbu, décédé en 1990 à l’âge de 96 ans, ne pouvait pas léguer grand-chose d’autre, dans son testament, que ses livres. Lui qui a vécu toute sa vie de façon pauvre n’a laissé que quelques sous: huit tumans. Ce qui représente quelques francs. Il a investi tous ses biens dans l’achat de livres.

Qui veut maintenant consulter ses ouvrages doit contourner le tombeau du Grand-ayatollah al-Uzma, entrer dans la bibliothèque et passer par des couloirs de surveillance électroniques. Le religieux a rassemblé près de 25’000 manuscrits durant sa vie. Il a débuté dans son entreprise à l’âge de 25 ans. Selon des proches, il a voulu empêcher que des vieux trésors d’écriture parviennent en mains d’Européens et d’Américains, lesquels les auraient fait sortir du pays. On raconte qu’une dispute au sujet d’un manuscrit avec un Anglais qui voulait l’acheter l’a amené en prison.

Il n’y a pas que ses conditions de vie modestes qui rappellent Gandhi. Il prenait également garde à ne consommer que des produits locaux, souligne le président de la «Grande bibliothèque de l’Ayatollah Al-Uzma Mar’ashi Najafi», Dr. M. Mar’ashi.

Aujourd’hui, la bibliothèque abrite 37’000 manuscrits et miniatures dans plusieurs locaux blindés. 65% concernent le Coran et ses enseignements, les 35 autres pourcents touchent des sciences comme la géométrie, les mathématiques et l’astronomie. Parmi eux figurent des ouvrages vieux de 900 ans rédigés en langue arabe ou persique, raconte le président de la bibliothèque.

Certains livres étaient dans un état déplorable à leur réception. Des pages rongées ou moisies ont été assainies, des livres déchirés ont été recollés, alors que des miniatures ou d’autres écrits ont été complétés au mieux. La bibliothèque a créé à cet effet un département de restauration de livres, parchemins et sous-mains en cuir. Le docteur Mar’ashi est fier de présenter les techniques les plus modernes utilisées par son établissement. Ainsi, la bibliothèque de Qom – une ville sainte dans laquelle n’accèdent des groupes de visiteurs qu’avec une autorisation – travaille en collaboration avec des universités en Europe et en Amérique du Nord.

Le livre sacré sous toutes ses formes

La bibliothèque possède des très vieux manuscrits du Coran. L’un d’eux date de 1’300 ans. Dans une vitrine se trouve un autre exemplaire, vieux de 900 ans, richement orné de miniatures. Le livre sacré est représenté dans une grande variété de formes. On trouve le Coran rédigé à l’aide de crins de cheval ou encore sur un rouleau long de quatre mètres.

L’Ayatollah Al-Uzma aurait dit une fois à son fils: «Les manuscrits conduisent à l’amour de l’expression du Coran. Rien ne peut remplacer cet amour». Le religieux ne s’est toutefois pas montré totalement conséquent en collectionnant des ouvrages scientifiques, des livres d’origine chrétienne et occidentale, ainsi que d’autres religions. La bibliothèque possède notamment un livre de prière catholique en latin richement orné, chez qui un simple regard sur la couverture en bois richement décorée suffit à provoquer un sentiment de vénération.

Les manuscrits – sur les marges desquels étaient souvent rédigés des remarques et des commentaires de lecteurs – sont catalogués et enregistrés électroniquement. Ils peuvent être consultés sur place par des professeurs et des étudiants. Les exemplaires sont mis gratuitement à disposition. La bibliothèque est soutenue par une fondation créée par l’Ayatollah Al-Uzma lui-même. Elle reçoit également un soutien financier de l’Etat. GS

Note: Des photos sont disponibles à l’agence Apic: www.kipa@kipa-apic.ch

(apic/gs/bb)

16 novembre 2006 | 00:00
par webmaster@kath.ch
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BICE: Le plaidoyer des enfants sans voix

APIC – REPORTAGE

Sur le front de la guerre contre l’exploitation des enfants

Par Pierre Rottet, de l’Agence APIC

Genève, 23 mars 1998 (APIC) Le Bureau International catholique de l’enfance fête cette année son 50e anniversaire. Fondé après la guerre pour venir en aide aux enfants, il maintient aujourd’hui son cap un peu partout dans le monde. Le pape Jean Paul II ne s’y trompe pas en saluant dans un message qu’il vient d’adresser à Genève le travail réalisé au cours de ce demi-siècle par cette organisation «proche des réalités locales». En octobre 1994, l’APIC s’était penchée sur ces réalités. Nous reproduisons en partie ce reportage. Une manière de souffler aussi les bougies, en compagnie du BICE.

Prostitution enfantine, exploitation des enfants, gosses de la rue… Depuis 50 ans, le Bureau international catholique de l’enfance (BICE), qui a son secrétariat général à Genève, est en guerre contre ces fléaux. Contre les injustices qui frappent des millions d’enfants dans le monde. Partenaire de l’ONU, notamment, le BICE reste pourtant bizarrement inconnu des services de la ville et du canton de Genève.

Fondé en 1948 dans la mouvance de l’après-guerre pour venir en aide aux orphelins, le BICE a acquis depuis une belle réputation. Reconnu par l’ONU, l’UNESCO, l’UNICEF et le Conseil de l’Europe, cet organisme est l’un des principaux artisans de la mise sur pied, par l’ONU, des Années internationales de l’Enfant, en 79, et de la Famille, en 94.

Les photos et dessins de mômes de toutes races accrochés aux murs des couloirs et bureaux du 7e étage du numéro 63 de la rue de Lausanne, à Genève, interpellent d’emblée le visiteur. Comme pour mieux lui rappeler l’ampleur de la tâche que l’organisation résume en une phrase: «Le BICE au service de tout l’enfant et de tous les enfants».

Une foi qui renverse les montagnes

L’ampleur de la tâche? Les 13 employés au siège central et les quelque 30 autres répartis dans les bureaux européens de Paris, Bruxelles, Vienne, et continentaux de New York, Montevideo (Uruguay), Abidjan (Côte d’Ivoire) et Manille, aux Philippines, ont la foi qui renverse les montagnes. Car il en faut pour déclarer la guerre à l’exploitation sexuelle des enfants, à la prostitution de gamines et de gamins qui croupissent à la «disposition» des «touristes» dans les maisons closes de Thaïlande, des Philippines et d’ailleurs, pour s’attaquer aux problèmes des enfants de la rue et combattre l’esclavage auquel ceux-ci sont soumis, pour aider les enfants de détenus et de réfugiés. Pour faire admettre leurs droits de gosses. Simplement.

Un travail de titan. Auquel s’attache le BICE, en sensibilisant l’opinion publique, les instances internationales et les gouvernements de la planète. Par la recherche, l’élaboration et la coordination de programmes concrets pensés et créés à Genève et appliqués grâce au concours de ses partenaires – communautés religieuses, organisations laïques, ONG – qui travaillent sur le terrain. Grâce aussi à des membres actifs et associés:

125 associations, 40 pays, 150’000 donateurs réguliers et son réseau de correspondants, composé de 3’000 responsables dans le monde entier, sans statut particulier.

Trois papes pour parrains

Reconnu par le Saint-Siège comme Organisation internationale catholique, le BICE entretient des liens privilégiés avec plusieurs dicastères romains. Il jouit d’un statut spécial auprès du Vatican, au même titre qu’une trentaine d’autres organismes internationaux catholiques (OIC). En accord avec l’Eglise et les valeurs qu’elle défend – le BICE a trois papes pour parrains: Pie XII, Jean XXIII et Paul VI -, cette organisation internationale au service de l’enfance n’en est pas moins indépendante, même si l’élection de son président doit recueillir l’assentiment de Rome.

Les méthodes de travail ne sont certes pas très connues du grand public. Et même si peu que tant les administrations de la ville et du canton de Genève, contactées par téléphones, disent tout ignorer du BICE. Et jusqu’au nom. Un comble. Elles n’en sont pas moins particulièrement efficaces. Les études et recherches sur l’enfance dans le monde, des enfants de la rue aux enfants prostitués, en passant par les enfants et le sida, les enfants et la drogue, la famille ou autres thèmes brûlants font autorité et servent de réfé-rence auprès des organismes internationaux et des ONG notamment. Ses nombreux congrès et colloques internationaux organisés partout dans le monde réunissent les meilleurs spécialistes de la planète. Et pourtant… «C’est vrai que nous ne sommes pas très connus par l’homme de la rue, reconnaît-on au siège à Genève. Cela tient au fait que nous n’occupons pas le terrain au même titre que les oeuvres d’entraide».

Le BICE, précise-t-on, n’est pas une agence de financement. Il participe certes matériellement, mais en partie seulement, à certains de ses projets, à la formation d’éducateurs par exemple, à l’aide aux enfants toxicomanes de la rue en Colombie. Laissant généralement à d’autres, à ses partenaires privilégiés (Caritas Internationalis ou autres ONG), le soin de s’occuper de l’intendance, de pourvoir à ce qui touche le côté matériel. Le Bureau apporte ce pourquoi il est conçu: fournir des outils de travail, élaborer des concepts et des méthodes, former les intervenants sociaux pour mieux répondre aux besoins psycho-sociaux des enfants, diffuser les informations nécessaires aux ONG qui, sur place, sont chargées de les répercuter au plan local.

Pas très aidé en Suisse

Avec un budget annuel oscillant entre 5 et 6 millions de francs, une infrastructure somme toute modeste, le BICE accomplit un travail qui n’est pas toujours visible, note son secrétaire général, François Rüegg. Aucune subvention de Rome, si ce n’est une modeste somme octroyée annuellement par la Fondation Pie XII, et encore moins des Conférences épiscopales d’Europe, à l’exception de la Belgique et de l’Italie, . Rien, en revanche, de l’Eglise en Suisse – hormis de plusieurs paroisses – ou de l’Action de Carême. Rien non plus du canton et de la ville de Genève, précise-t-on. D’où proviennent les fonds? «De nos partenaires, des dons en provenance de nos campagnes de financement en France, en Suisse, en Belgique et aux Etats-Unis; de diverses Caritas en Europe pour des projets, d’Institutions internationales et du Conseil de l’Europe».

D’un point de vue pratique, un Conseil formé d’une quinzaine de personnes représentant les membres actifs, brosse les grandes lignes de l’action, à partir des besoins perçus par les bureaux régionaux. Ce Conseil garantit en outre la bonne marche de l’organisation, actuellement présidée par la Française Mijot Beccariat.

Un investissement de tous les instants

Le travail de conscientisation, les diverses campagnes de sensibilisation à partir de projets pilotes ont incontestablement fait avancer la cause des enfants. Le BICE s’est en effet considérablement investi pour que soit proclamée l’Année internationale de l’Enfant décrétée par l’ONU en 1979, et que soit adoptée, en 1989, la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant. On ne compte plus aujourd’hui les interventions des milieux politiques, d’Eglises, des organisations internationales et les écrits de presse pour dénoncer la prostitution des enfants, le tourisme sexuel, les enfants de la rue ou autres fléaux.

Des tâches auxquelles s’attache aujourd’hui le BICE, en mettant sur pied des sessions d’information, en formant des gens de terrain. De l’Europe en Amérique, en passant par l’Afrique et l’Asie. Tout un programme. Ne serait-ce que pour dénoncer les Etats-Unis incapable de répondre, sinon par l’indifférence, à l’invitation de ratifier la Conventions des Nations Unies relative aux droits de l’enfant. (apic/pr)

3 mai 2001 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture: env. 5 min.
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