L'initiative 'anti-burqa' exige un vrai débat | Photo:Charles Roffey/Flickr/CC BY-NC-SA 2.0
Suisse

La Suisse bannit les visages dissimulés de son espace public

Le peuple suisse a approuvé, le 7 mars 2021, l’initiative populaire «Oui à l’interdiction de se dissimuler le visage», à 52% des voix. La burqa et le niqab ne seront plus tolérés dans l’espace public en Suisse, comme cela se pratique déjà en France, en Belgique et en Autriche.

Lancé par le Comité d’Egerkingen, le texte exige l’interdiction de toute forme de dissimulation, tant la burqa ou le niqab que les cagoules de casseurs ou de hooligans. Paradoxalement, la campagne en vue de la votation s’est déroulée sur fond de pandémie, obligeant tout le monde à se masquer dans l’espace public.

«Certains musulmans ont compris que le niqab est une manifestation ostentatoire de l’islam radical», s’est réjouit Jean-Luc Addor, député UDC/VS. Interrogé à la RTS, le politicien a estimé que le texte est passé parce qu’il a rassemblé un front bien plus large que des rangs de son parti.

Partis politiques divisés

À l’exception de l’UDC, tous les partis s’opposaient à une interdiction de la burqa, ainsi que les Églises nationales et plusieurs ONG.

Certains musulmans libéraux ont apporté leur soutien au texte. Mohamed Hamdaoui, député du Centre (ex-PDC) au Grand Conseil bernois, fait part de son «immense soulagement». Pour lui, il s’agit de «dire stop à l’islamisme» et non «aux musulmans [comme lui] qui ont évidemment toute leur place dans ce pays».

Les jeunes Verts vont faire appel, car l’initiative enfreint deux articles de la Constitution fédérale. Il s’agit d’une «incursion dans la liberté individuelle, la liberté confessionnelle et de conscience», s’indigne Oleg Gafner, coprésident des jeunes Verts.

Militantes féministes divisées

Au sein des militantes féministes, le sujet de votation a divisé. Pour Tamara Funiciello, députée et coprésidente des Femmes socialistes suisses, le fait de dire aux femmes comment elles doivent s’habiller ne lui plaît pas. Quant à l’interdiction de la burqa, elle ne résout en rien les vrais problèmes tels que le sexisme, le racisme ou la violence. Tamara Funiciello craint aussi que l’initiative anti-burqa soit «mauvais signal» et ne stigmatise davantage les musulmans de Suisse.

De son côté, Myriam Mastour, membre du collectif Les Foulards Violets et de la grève féministe, reconnaît que l’initiative est «clairement sexiste et raciste». Elle s’est toutefois réjoui du faible ‘oui’, car la campagne a permis de sortir «du débat purement émotionnel» et d’apporter des faits: les quelques femmes qui portent le voile intégral le font par conviction et non par contrainte.

Tourisme encore davantage fragilisé

La Fédération suisse du tourisme (FST) regrette l’acceptation de l’initiative anti-burqa, alors que le secteur souffre déjà beaucoup du fait de la pandémie de Covid-19. Par des actions de sensibilisation, elle va tenter d’accueillir le plus possible de touristes «socialement plus progressistes» en provenance de ces États. Selon Barbara Gisi, directrice de la FST, l’interdiction de la burqa a un impact sur le tourisme. Depuis son interdiction au Tessin, en 2016, le canton a perdu 30% de visiteurs des pays du Golfe. (cath.ch/rts/gr)

Après les minarets, la burqa
Le groupement à l’origine du projet, issu de la droite conservatrice, avait déjà réussi à faire passer l’interdiction de la construction de minarets en 2009. Comme celle sur la burqa, l’initiative anti-minarets visait avant tout un symbole de la communauté musulmane. Le débat fut vif, alors que la Suisse ne comptait que quatre minarets. Ce 7 mars 2021, les Suisses ont décidé d’interdire le voile intégral, alors qu’une trentaine de femmes seulement le portent, selon les statistiques. GR

L'initiative 'anti-burqa' exige un vrai débat | Photo:Charles Roffey/Flickr/CC BY-NC-SA 2.0
7 mars 2021 | 18:46
par Grégory Roth
Temps de lecture: env. 2 min.
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