800 pèlerins partent du Valais le 21 octobre 2016. Ils iront passer la Porte sainte de la basilique Saint-Pierre. (Photo: B. Hallet)
Suisse

«La Porte sainte n'est pas une ligne d'arrivée mais un nouveau départ»

800 pèlerins suivront Mgr Jean-Marie Lovey, le 21 octobre 2016, pour passer la Porte sainte de la miséricorde. L’évêque de Sion évoque le déplacement intérieur que doit être un pèlerinage dont le but «n’est pas l’arrivée mais un nouveau départ».

800 pèlerins du diocèse de Sion vont vous suivre à Rome. Vous attendiez-vous à autant de participants ?
Franchement, c’est une très bonne surprise. Je n’avais pas une idée précise du nombre de participants. Pour un pèlerinage à Rome, j’aurais été très content avec cinq ou six bus. Environ 200 personnes viennent du Haut-Valais et 600 du Bas-Valais, c’est une très belle participation.

Un tel engouement vous surprend-il, notamment de la part des jeunes, nombreux à faire le déplacement?
C’est une belle réalité que les gens se laissent interpeller par cette démarche de la miséricorde.  Le «pourquoi» et le «comment» ne peuvent pas être tout le temps analysés. Il y a une grâce de l’Année de la miséricorde. Il y a aussi des attentes plus ou moins explicites chez les uns et les autres, l’Esprit fait son œuvre dans les cœurs. Les gens répondent, les jeunes y compris. Je m’en réjouis.

 

 

Qu’est-ce qui peut motiver les jeunes à partir en pèlerinage à Rome pour y  passer une Porte sainte?
Le fait de vivre des expériences en commun. Un certain nombre de ceux qui viennent à Rome étaient à Cracovie, ils ont peut-être participé à des JMJ antérieures, ces jeunes se retrouvent assez régulièrement dans des mouvements paroissiaux. Ils sont sensibles à une expérience d’Eglise et de communion. Ils ne se sentent ainsi pas seuls dans leur démarche, y compris spirituelle. Il faut être assez solide intérieurement pour vivre une démarche spirituelle. Les jeunes ont envie de se sentir appuyés par d’autres qui partagent les mêmes soucis et le même enthousiasme. Cela les libère et les encourage à enreprendre un pèlerinage. Je ne pense pas que l’idée de l’Année sainte, de Rome, de la Porte sainte les ait d’abord attirés. Je ne suis pas sûr qu’ils connaissent beaucoup la réalité de cette démarche. Ils la découvriront sûrement avec joie.

Votre définition de ce que doit être un pèlerinage.
Un déplacement. Dans tous les sens du terme. Je crois que beaucoup vivent un déplacement intérieur qui est bien plus gigantesque que de parcourir 800 kilomètres pour passer la Porte sainte de la basilique Saint-Pierre. Ce pèlerinage est une démarche. Le déplacement géographique que nous vivrons petitement à travers les rues de Rome est symbolique d’une démarche intérieure, qui nous met en mouvement et qui nous laisse nous déranger. Un pèlerinage doit nous emmener à la conquête de ce qui nous habite intérieurement et de ce que nous n’avons pas souvent l’occasion de laisser monter à la surface.

Un pèlerinage doit nous emmener à la conquête de ce qui nous habite intérieurement.

Qu’est-ce qui, selon vous, est le plus difficile dans le pèlerinage?
Aller jusqu’au bout. Le «bout» n’étant pas le terme géographique ou chronologique d’un pèlerinage. Il s’agit d’aller jusqu’au bout de ce que l’expérience permet de vivre. On a très souvent un objectif sur lequel on focalise tout, et qui peut finalement s’avérer décevant. Ce n’est pas tellement Rome, Jérusalem ou Lourdes qui est important. C’est d’y aller avec d’autres et de se laisser interroger sur la route. Je pense aux pèlerins d’Emmaüs. «Notre cœur n’était-t-il pas tout brûlant tandis que nous marchions et qu’Il nous expliquait». A la relecture de l’événement, le plus important est de reconnaître le compagnonnage tout au long de la route.

Vous avez dit, à la réunion des Conseils de communauté, en février dernier, que le pèlerinage est un arrachement.
C’est en tout premier lieu un arrachement à nos activités quotidiennes. Les jeunes qui prendront la route de Rome sont scolarisés et seront en congé d’automne. Ils ont d’autres projets que le pèlerinage. Il leur faudra s’arracher à ces projets, à leurs parents, à un quotidien bien organisé, bien rempli et à leur rythme aussi. Nous devons également nous arracher à ce qui nous habite, à ce que l’on porte de grandeur ou de misère en soi. Cela nous permet d’accueillir, à travers la thématique du pèlerinage, la grâce du moment qui peut être imprévisible. Que va-t-il se passer dans le cœur de chacun, dans le mien, durant ce chemin? Nous devons avoir une disponibilité à la grâce du pèlerinage. C’est difficile. Chacun vit avec sa réalité mais ne doit pas rester en arrière-plan de ce que Dieu peut lui apporter.

Nous devons avoir une disponibilité à la grâce du pèlerinage

Parmi les pèlerinages, celui conduisant à une Porte sainte tient-il une place à part?
Nous vivons une Année sainte extraordinaire avec, à la clé, la possibilité de passer géographiquement et intérieurement une Porte sainte. La thématique de la miséricorde situe le lieu de la Porte sainte comme l’entrée dans un acte de miséricorde, la possibilité d’accueillir la miséricorde, l’invitation à offrir cette miséricorde. Nous allons orienter la catéchèse autour de cette notion de passage. Passer la Porte sainte nous ouvre d’autres passages humain, intérieur et spirituel que nous avons à vivre à l’occasion de ce jubilé.

Le passage de la Porte sainte doit-il être une ouverture dans la vie spirituelle de chacun
Oui. Il faut décloisonner dans le cœur et l’esprit des gens l’idée que l’arrivée à Rome et le passage de la Porte signifient la fin du parcours. Il en va ainsi des sacrements: ce n’est pas parce que l’on est passé par le baptême, l’eucharistie ou la confirmation que tout est accompli et qu’il ne reste plus qu’à attendre l’éternité les bras croisés. Ce sont des passages qui ont une grâce particulière pour continuer à vivre notre vie. On ne passe pas une ligne d’arrivée. On prend au contraire un bon départ pour un élan nouveau de vie et, pourquoi pas, une nouvelle orientation. Il va falloir éveiller les pèlerins de Rome à cette dimension pour qu’ils n’imaginent pas que tout s’arrête au passage de la Porte sainte.

Passer la Porte sainte nous ouvre d’autres passages humain, intérieur et spirituel.

Vous avez assimilé la vie de Jésus à un pèlerinage terrestre avant qu’il retourne au Père. En tant que croyants, pouvons-nous comparer notre vie à un pèlerinage terrestre qui nous amène à la rencontre avec le Père?
Oui. Je pense à ce que Saint-Augustin portait très fort et qu’il enseignait: cette notion du pèlerin en marche vers la Patrie, une notion également présente dans la Lettre aux hébreux. Augustin entend par «Patrie», le ciel, le salut total. Notre vie terrestre est comme un entraînement. Nous allons passer notre éternité à accomplir en plénitude ce qu’on nous aurons mis en place ici bas. Nous sommes en route vers un accomplissement. Pour cette raison aucun de nos pèlerinages terrestres ne peut être considéré comme un terme en soi. Le terme est la Patrie. Nous venons du Père et nous retournons au Père, comme le Christ.  Si nous sommes ses disciples, nous avons à vivre le même itinéraire.

Quels sont le ou les objet(s) que vous emportez toujours en pèlerinage?
Non seulement en pèlerinage mais dans mon quotidien, j’ai toujours dans ma poche une petite médaille. J’ai eu une médaille qui représentait Marie que j’ai malheureusement perdue il y a quelques années, je l’ai remplacée par la tête d’un petit ange. Lors des pèlerinages en montagne que j’ai entrepris, j’ai systématiquement mis la bible au fond de mon sac à dos. Pour Rome, j’ai d’autres supports de la parole de Dieu. La parole de Dieu fait de toute manière partie de l’équipement du pèlerin. (cath.ch/bh)

800 pèlerins partent du Valais le 21 octobre 2016. Ils iront passer la Porte sainte de la basilique Saint-Pierre.
21 octobre 2016 | 08:30
par Bernard Hallet
Temps de lecture: env. 5 min.
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