Huit pages d'exhortation pour faire aimer les sermons

Rome: «Les prédicateurs qui ne se préparent pas sont des malhonnêtes», souligne le pape François

Rome: 28 novembre 2013 (Apic) Durant une homélie, il arrive souvent que les fidèles comme les ministres souffrent. Les uns d’écouter les autres de prêcher. Dans son exhortation apostolique «Evanglii gaudium», parue le 26 novembre 2013, le pape François fait une exégèse approfondie de l’art de la prédication sur pas moins de huit pages. «Un prédicateur qui ne se prépare pas n’est pas ‘spirituel’, il est malhonnête et irresponsable envers les dons qu’il a reçu», tonne le pape François.

Avec sa spontanéité habituelle teintée d’une pointe d’ironie, le pape François livre la quintessence de sa longue expérience pastorale. Comme il le fit depuis le début de son pontificat, il use beaucoup des petites phrases pour faire comprendre son propos. «Le prédicateur a la très belle et difficile mission d’unir les cœurs qui s’aiment celui du Seigneur et ceux de son peuple» (no143). C’est probablement la raison pour laquelle, le pape François y accorde une telle importance. Si sa condamnation de l’avortement et le maintien du refus du sacerdoce des femmes tiennent en deux paragraphes, les questions liées à l’homélie n’en occupent pas moins de 25, développés sur huit pages !

Pas de spectacle, ni de conférence, ni de cours

Les traits d’humour, nombreux pour un texte magistériel, n’ont pour but que de mettre l’accent sur les points saillants de son message. Ce que le pape François fait par oral, il en donne cette fois-ci la recette par écrit.

«Celui qui prêche doit discerner le cœur de sa communauté pour chercher où est vivant et ardent le désir de Dieu, et aussi où ce dialogue qui était amoureux, a été étouffé ou n’a pas pu donner de fruit.»(no 137) Pour le pape François, l’homélie ne peut donc pas être un divertissement, ni ressembler à une conférence ou à un cours. Elle est plutôt le dialogue d’une mère avec son enfant «sachant que l’enfant a confiance que tout ce qu’elle lui enseigne sera pour son bien parce qu’il se sait aimé.» (no 139) Cela passe aussi «la proximité de cœur du prédicateur, la chaleur de son ton de voix, la douceur du style de ses phrases, la joie de ses gestes.» (no 140) Foin d’une prédication purement moraliste ou endoctrinante ou qui se transforme en cours d’exégèse. «Il ne doit pas s’agir de vérités abstraites ou de froids syllogismes».

Le prédicateur qui ne prie pas est un escroc et un charlatan

Le pape François insiste lourdement sur le temps nécessaire à la préparation de la prédication. «La conscience en l’Esprit Saint qui agit dans la prédication n’est pas purement passive mais active et créative. […] Un prédicateur qui ne se prépare pas n’est pas ‘spirituel’ il est malhonnête et irresponsable envers les dons qu’il a reçus.» (no 145)

Le texte biblique doit être le fondement de toute prédication, relève le pontife. Il s’agit alors de «découvrir quel est le message principal, celui qui structure le texte et lui donne son unité.[…] Si un texte a été écrit pour consoler, il ne devrait pas être utilisé pour corriger des erreurs ; s’il a été écrit pour exhorter, il ne devrait pas être utilisé pour instruire; s’il a été écrit pour enseigner quelque chose sur Dieu, il ne devrait pas être utilisé pour expliquer différentes idées théologiques; s’il a été écrit pour motiver la louange ou la tâche missionnaire, ne l’utilisons pas pour informer des dernières nouvelles.» (no 147)

Le prédicateur doit donc tout d’abord acquérir une grande familiarité spirituelle avec la Parole de Dieu. «S’il ne consacre pas du temps pour prier avec la Parole, alors, il sera un faux prophète, un escroc ou un charlatan sans consistance.» (no 151)

«À notre époque aussi, les gens préfèrent écouter les témoins : ‘ils ont soif d’authenticité […] Le monde réclame des évangélisateurs qui lui parlent d’un Dieu qu’ils connaissent et fréquentent comme s’ils voyaient l’invisible’.» (no150), rappelle le pape François citant au passage son prédécesseur Paul VI.

Pas besoin de répondre à des questions que personne ne se pose

«Une autre tentation très commune est de commencer à penser à ce que le texte dit aux autres, pour éviter de l’appliquer à sa propre vie. Il arrive aussi qu’on commence à chercher des excuses qui permettent d’affaiblir le message spécifique d’un texte.» (no 153) avertit le pontife. Or «ce que l’on cherche à découvrir est ce que le Seigneur a à dire dans cette circonstance».

Dans une jolie pique contre les ‘intellectuels’ le pape François rappelle «qu’on n’a jamais besoin de répondre à des questions que personne ne se pose ; il n’est pas non plus opportun d’offrir des chroniques de l’actualité pour susciter de l’intérêt : pour cela il y a déjà les programmes télévisés.» (no 155)

Une idée, un sentiment, une image

Après le pourquoi, le comment. Le pape livre quelques uns de ses ‘trucs’. «Un des efforts les plus nécessaires est d’apprendre à utiliser des images dans la prédication, c’est-à-dire à parler avec des images. […] une bonne homélie, comme me disait un vieux maître, doit contenir «une idée, un sentiment, une image».” (no 157). Le langage utilisé est souvent une pierre d’achoppement. «Il doit être le langage que les destinataires comprennent pour ne pas courir le risque de parler dans le vide. […] Le plus grand risque pour un prédicateur est de s’habituer à son propre langage et de penser que tous les autres l’utilisent et le comprennent spontanément.»(no 158)

Simplicité et clarté sont deux chose différentes. «Le langage peut être très simple, mais la prédication peut être peu claire. Elle peut devenir incompréhensible à cause de son désordre, par manque de logique, ou parce qu’elle traite en même temps différents thèmes.» (no 158)

Comme à son habitude le pape François termine sur une note optimiste. Le prédicateur «ne dit pas tant ce qu’il ne faut pas faire, mais il propose plutôt ce que nous pouvons faire mieux.» (no 159) (apic/mp)

28 novembre 2013 | 13:36
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture: env. 4 min.
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