Présidence d'une assemblée synodale à Berne : (de g. à dr.) Henri Bérard, G. Athanasiades, Alois Sustar, Mgr Adam, Ivo Fürer, le nonce Marchioni, Anton
Cadotsch, et Amédée Grab au pupitre (modérateur du Synode de Lugano) | DR - Archives André Kolly
Dossier

Le Synode 1972: une mobilisation de toute l’Église suisse 1/2

26 avril 2022 | 17:00
par Rédaction
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Cinquante ans ont passé, mais le souvenir demeure vif. Réuni entre 1972 et 1975, le «Synode 72» a suscité un réel engouement dans l’Église catholique en Suisse. Stimulés par le concile Vatican II, les catholiques ont réfléchi intensément au type d’Église qu’ils souhaitaient. Retour sur un mouvement vaste.

Bernard Litzler pour cath.ch

«Le Synode diocésain qui paraissait, pour certains, un risque et une aventure fut une grâce»: c’est ainsi que Mgr Pierre Mamie, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg préface le document établi pour son diocèse à l’issue de trois ans de travail intense, entre fin 1972 et fin 1975.

Appliquer Vatican II, telle est la tâche dévolue au Synode. De fait, sept sessions successives de réflexion sont organisées en Suisse, durant trois ans. Mais notre pays n’est pas le seul: la mise en œuvre de la dynamique conciliaire, après 1965, engage plusieurs pays. Consultations et débats se déroulent au niveau de diocèses (Autriche, Yougoslavie, Allemagne de l’Est) ou au niveau d’un pays (Luxembourg, Danemark, Pays-Bas, Allemagne Fédérale). La Suisse adopte une stratégie «moitié-moitié»: d’abord des sessions à l’échelle des diocèses, puis une assemblée synodale nationale.

«Le Synode diocésain qui paraissait, pour certains, un risque et une aventure fut une grâce»

Mgr Pierre Mamie
André Kolly, ici en 2019, a été l’attaché de presse du Synode 1972 | © B. Hallet

André Kolly, président du comité du Centre catholique des médias Cath-Info, est l’ancien attaché de presse du Synode LGF. Il se souvient: «Les vicaires généraux des diocèses de Bâle, Coire et Saint-Gall ont impulsé l’idée du synode en Suisse. Et ils ont voulu y associer les autres diocèses». A Fribourg, Mgr Charrière ne semble pas convaincu. «Il a envoyé l’abbé Albert Menoud, professeur de philo au Collège St-Michel de Fribourg, à une réunion nationale de coordination à Olten. Et l’abbé Menoud est revenu enthousiaste!». Le train est lancé.

Le 10 mars 1969, la Conférence des évêques suisses annonce officiellement la tenue du Synode pour tous les catholiques du pays. On commence alors à consulter les fidèles. Le nombre de réponses est impressionnant: 335’638 questionnaires à cocher sont retournés à la CES ainsi que 10’413 lettres. «Ce premier tour d’horizon a permis de dégager 300 thèmes de discussion. On les a réunis en douze chapitres, traités par des commissions nationales», indique André Kolly.

Délégués laïcs pour moitié

L’ouvrage présente les 12 rhèmes, débattus en commissions à l’abbaye de St-Maurice, et leur synthèse | DR

Deuxième temps, la désignation des délégués. La Suisse adopte un type de représentation original. «L’engagement des laïcs a fait parler de lui jusqu’au Vatican, dit André Kolly. Pour la Suisse, le Saint-Siège a accepté que la proportion des laïcs atteigne 50%, tandis que l’autre moitié des sièges serait attribuée aux ecclésiastiques, prêtres, religieux et religieuses».

Ainsi, pour le diocèse LGF, l’assemblée synodale comptera 180 délégués. Et la deuxième tranche composée de laïcs comprend au moins un tiers de jeunes de 16 à 25 ans, un tiers d’étrangers et un tiers de femmes. Une percée décisive dans un pays où le droit de vote des femmes est tout récent.

Discussions vives

Les 6 et 7 mai 1972, le Synode entre dans sa phase active avec des élections à deux tours. Les grands électeurs élus par les paroisses se réuniront par régions pour élire les quelque 500 laïcs qui prendront part aux assises synodales des six diocèses suisses et de l’Abbaye de Saint-Maurice.

Les discussions en session commencent: elles sont sérieuses, passionnantes souvent, vives parfois. Car la participation forte de membres de la société civile, de personnalités de mouvements d’Eglise, ainsi que d’invités d’autres confessions chrétiennes donnent aux débats un piment particulier. «Les évêques ont été confrontés à des débats auxquels ils n’étaient pas toujours préparés. La richesse de ce Synode a été de faire se rencontrer, par exemple, un patron et un syndicaliste, au nom de leur foi commune», relève André Kolly.

Statut des saisonniers

«Les laïcs ont pris la parole comme on a, autrefois, pris la Bastille!», commentera l’abbé Menoud, très engagé dans la démarche synodale. Du côté de l’Action de Carême est publié un livret titré Expression libre (en français) et Sehr geehrter Herr Bischof («cher Monseigneur» – photo) en allemand pour interpeller les évêques suisses. Les douze thèmes de discussion choisis pour le Synode y sont illustrés de témoignages et de textes officiels. Parmi ces thématiques: l’annonce de la foi, mariage et famille, Église et politique, Monde du travail et économie, notamment.

«Les laïcs ont pris la parole comme on a, autrefois, pris la Bastille!»

Abbé Menoud

Si la prise de parole large suscite quelques surprises, elle engendre également une cohésion de la catholicité suisse. Le processus suivi y contribue: afin de coordonner les résultats, les sessions diocésaines sont entrecoupées de brèves sessions nationales. «Car certaines décisions relèvent de la compétence diocésaine, tandis que d’autres thématiques regardaient l’ensemble des catholiques suisses», précise l’ancien attaché de presse. Exemples: le statut des saisonniers ou l’hospitalité eucharistique, ou l’instauration du diaconat permanent.

Effets sur l’œcuménisme

Les effets sur le dialogue œcuménique sont également positifs. La présence de représentants protestants, catholiques-chrétiens et orthodoxes stimule les relations entre Églises. La reconnaissance des sacrements – comme le baptême – célébrés au sein d’autres Églises chrétiennes se développent.

Au final, chaque diocèse va publier les résultats de sa consultation synodale. Les thèmes abordés y sont résumés de manière à garder une trace des débats. Ces documents font encore foi, aujourd’hui, de la pertinence d’une démarche qui a profondément marqué l’Eglise catholique en Suisse. (cath.ch/bl)

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Présidence d'une assemblée synodale à Berne : (de g. à dr.) Henri Bérard, G. Athanasiades, Alois Sustar, Mgr Adam, Ivo Fürer, le nonce Marchioni, Anton Cadotsch, et Amédée Grab au pupitre (modérateur du Synode de Lugano) | DR – Archives André Kolly
26 avril 2022 | 17:00
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Cinquante ans ont passé, mais le souvenir demeure vif. Réuni entre 1972 et 1975, le «Synode 72» a suscité un réel engouement dans l’Église catholique en Suisse.

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