Les gréco-catholiques d'Ukraine sacrifiés sur l'autel de l'œcuménisme ?

La pilule est amère à avaler pour les gréco-catholiques d’Ukraine, une Eglise de rite byzantin unie à Rome. Le pape François vient en effet de clairement répéter le rejet de l’uniatisme comme méthode pour obtenir l’unité des Eglises.

Le pontife romain a également douché les aspirations au patriarcat de cette Eglise interdite sur ordre de Staline en 1946 et intégrée de force au sein du patriarcat de Moscou, avant d’être légalisée à nouveau en 1989. Ces catholiques longtemps persécutés sous le régime communiste seraient-ils  sacrifiés sur l’autel de l’œcuménisme ?

Depuis des générations, les gréco-catholiques rêvent de disposer d’un patriarcat à Kiev, mais Mgr Sviatoslav Shevchuk, leur primat depuis 2011, devra se contenter de son titre d’archevêque majeur de Kiev et de Galicie. Le Saint-Siège lui refuse le titre de patriarche, pour ne pas mettre en danger ses relations œcuméniques avec le patriarcat de Moscou. Qui plus est, le pape François vient de répéter qu’à notre époque, le chemin d’unité des Eglises ne passe plus par l’uniatisme, une stratégie pratiquée dans le passé pour attirer des communautés orthodoxes sous l’autorité de Rome (*). Le pontife a toutefois insisté sur le fait que les Eglises de rite byzantin unies à Rome doivent être respectées.

Clair rejet de l’uniatisme

Le pape a réitéré son refus de l’uniatisme, en recevant mercredi 30 mai 2018 au Vatican une délégation orthodoxe russe emmenée par le métropolite Hilarion de Volokolamsk, numéro deux du patriarcat de Moscou et chef du département des relations ecclésiastiques extérieures.

Le pontife romain, s’adressant aux membres de la délégation de l’Eglise orthodoxe russe, a déclaré: «En votre présence et devant vous, cher frère, je tiens à souligner encore une fois que l’Eglise catholique ne se permettra jamais une approche provoquant la division. Nous ne le permettrons jamais. Je ne le veux pas. En Russie, il n’y a qu’un seul patriarcat, c’est le vôtre. Et il n’y en aura pas d’autre! ”

Il a alors estimé que l’uniatisme était une méthode totalement inadaptée aux relations entre orthodoxes et catholiques à l’étape contemporaine, seul le dialogue fraternel permettant d’arriver à une plus grande unité.

«Déclaration de Balamand»

La VIe Rencontre de la Commission mixte internationale pour le dialogue théologique entre l’Eglise catholique romaine et l’Eglise orthodoxe, au monastère Notre-Dame de Balamand, au Liban, avait adoptée le 23 juin 1993 la «Déclaration de Balamand».  Elle soulignait déjà que l’uniatisme était «une méthode d’union du passé» qui ne saurait être «un modèle de l’unité que nos Eglises cherchent».

La déclaration signée le 12 février 2016 à La Havane par le pape François et le patriarche de Moscou Cyrille soulignait, elle aussi,  que «la méthode de l’uniatisme du passé, comprise comme la réunion d’une communauté à une autre, en la détachant de son Eglise, n’est pas un moyen pour recouvrir l’unité». Cyrile et François avaient toutefois reconnu aux uniates le droit d’exister «et d’entreprendre tout ce qui est nécessaire pour répondre aux besoins spirituels de leurs fidèles». Mgr Sviatoslav Shevchuk, répercutant l’amertume de nombre de ses fidèles en Ukraine et dans la diaspora, avait qualifié ce document de «socio-politique», «pas clair et ambigu», servant les intérêts de Moscou.

Mgr Shevchuk silencieux

Mgr Shevchuk n’a pas encore fait connaître sa position sur le site de son Eglise (http://news.ugcc.ua/en) et semble encaisser le coup. En Ukraine, le président  Petro Porochenko prend des mesures pour la création d’une Eglise orthodoxe ukrainienne unifiée, nationale et  indépendante de Moscou, qualifiant ce geste de «question de géopolitique». Dans le même temps, Mgr Shevchuk bénissait le mois dernier à Poltava la première pierre d’une église dédiée à Saint Georges, partagée entre l’Eglise orthodoxe autocéphale ukrainienne (**) et l’Eglise gréco-catholique d’Ukraine. Le primat de l’Eglise gréco-catholique ukrainienne a parlé à cette occasion d’un «symbole profond» du «début d’une véritable unité». (cath.ch/be)

(*) L’Eglise gréco-catholique d’Ukraine était appelée «uniate» dans le passé du fait que cette Eglise de rite byzantin s’est unie à Rome par l’Union de Brest en 1596.

(**) L’Eglise orthodoxe autocéphale ukrainienne est une Eglise non canonique née d’un schisme de l’Eglise orthodoxe russe en 1920, au moment de l’éphémère indépendance de l’Ukraine.

 

 

Ukraine Pose de la première pierre d'une église partagée entre l'Eglise orthodoxe autocéphale ukrainienne et l'Eglise gréco-catholique d'Ukraine à Poltava | © risu.org.ua
6 juin 2018 | 17:30
par Jacques Berset
Temps de lecture: env. 3 min.
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