Illustration de la Campagne oecuménique de Carême 2018
Suisse

«Prenons part au changement»: campagne œcuménique de Carême 2018

Après la dénonciation des situations injustes et des atteintes à l’environnement, au cours des dernières années, la Campagne oecuménique de Carême met l’accent en 2018 sur la dynamique de changement. Face aux défis climatiques, environnementaux et humains, une transition vers un système alternatif s’impose, explique Michel Egger, de Pain pour le Prochain.

«Prenons part au changement, créons ensemble le monde de demain!» Tel est le slogan de la campagne 2018 des œuvres d’entraide catholique et protestante, Action de Carême et Pain pour le Prochain. Michel Egger, responsable du laboratoire sur la «transition intérieure» à Pain pour le prochain, explicite le fondement de la démarche.

Après le constat sur la situation de la planète, la campagne œcuménique entend mettre en avant cette année la nécessité d’un changement de paradigme.
Michel Egger: Globalement trois possibilités s’ouvrent devant nous. La première histoire est celle de continuer le «business as usual», c’est-à-dire de ne rien changer à nos comportements en espérant que nos problèmes seront résolus grâce à l’évolution des techniques. C’est en fait un déni de réalité. Le sentiment d’impuissance, le découragement, la peur, la tristesse dominent la deuxième histoire. ‘De toute façon, on ne peut rien faire’. La troisième histoire, celle que nous proposons, est celle de la transition. Il s’agit de s’engager personnellement dans un changement de paradigme, pour passer d’un système socio-économique basé sur la croissance à un système de partage pour sauver notre planète.» Cela va plus loin que le développement durable qui consiste, dans le système existant, à prendre davantage en compte l’écologie et le social. Dans la transition, il faut prendre conscience des limites de la biosphère et les respecter. Il s’agit donc de remettre l’économique et le social dans ces limites.

Michel Maxime Egger, responsable du laboratoire sur la «transition intérieure» à Pain pour le prochain |
© PPP Philippe Pache

Il s’agit donc d’un questionnement en profondeur.
Derrière la démarche de transition, nous trouvons un système de valeurs et un nouvel idéal d’accomplissement humain, celui de la sobriété heureuse développé par le pape François dans l’encyclique Laudato si’. Ce questionnement plus profond concerne aussi bien le Nord que le Sud. Cela commence par la résistance et la lutte contre la destruction de l’environnement et les inégalités sociales, mais cela se poursuit par le développement d’une société plus écologique et plus résiliente. Comme l’illustrent les initiatives citoyennes décrites dans le film Demain, il s’agit de créer des alternatives, en partant de la base, car les solutions ne viendront pas d’en haut. Cette dynamique ne peut être que collective et communautaire. Il s’agit de rêver ensemble le monde de demain.

Comment ne pas penser aux «lendemains qui chantent» chers aux régimes communistes?
Au contraire du marxisme, nous ne rêvons pas d’une société idéale fondée sur une idéologie, mais nous prônons une mise en mouvement issue d’un acte de lucidité. Il s’agit de se mettre en marche vers quelque chose qui reste à définir, mais qui n’est à priori ni de gauche ni de droite, qui se base sur des valeurs de respect, de coopération, de liberté, de solidarité. Selon les régions et les cultures, cette vision peut prendre des formes différentes. La démarche est portée par une forte dimension d’espérance.

«En détruisant la planète, la croissance est en train de détruire les bases mêmes du progrès»

Les plus pauvres dans les pays du Sud ne peuvent pas vivre d’espérance. Il attendent un progrès dans leurs conditions de vie, pour la nourriture, la santé, l’éducation …
En détruisant la planète, la croissance est en train de détruire les bases mêmes du progrès. En se basant sur des dynamiques locales, la transition est aussi créatrice de revenus et d’emplois. Il s’agit de développer les capacités et les initiatives individuelles pour redynamiser l’économie locale. Cela vaut au Sud comme au Nord.

En Occident où la société de consommation domine largement, ce message a-t-il une chance d’être reçu?
On ne change pas facilement de paradigme. Je me demande si la consommation n’est, en fin de compte, pas liée avec la peur du manque et la désorientation du désir. Nous devons prendre conscience que certains de nos actes de consommation sont très destructeurs pour la planète. Or ces actes sont légitimés par le principe de la liberté de l’individu ou la recherche du bien-être. Typiquement: je vais une semaine à Noël, en avion à l’autre bout du monde, pour passer mes vacances au soleil. Comment satisfaire mes besoins sans détruire la planète? Je pourrais résumer la réponse en: ‘moins de biens pour plus de bien’. Le bonheur dépend plus de mes relations à l’autre que de l’accumulation de marchandises. C’est un chemin. Je suis aussi convaincu qu’une minorité peut changer le monde. Il s’agit de toucher le tiers ou le quart de la population qui adhère à ces idéaux d’une vie plus simple, plus saine et plus sobre, mais peine à adopter un comportement plus cohérent. Nous espérons avoir un effet de cristallisation.

La campagne de Carême vise aussi la récolte de fonds pour le développement. Quêter pour les Africains qui souffrent de la faim serait probablement plus facile que de prôner un changement aussi radical.
Notre démarche s’accompagne très bien de la solidarité directe. L’Action de Carême et Pain pour le Prochain soutiennent depuis toujours de nombreux projets au Sud qui participent à ce changement. Si le terme de transition est nouveau, l’idée de renforcer les ressources et les forces locales ne l’est pas. Par exemple, nos campagnes précédentes défendaient le principe de la souveraineté alimentaire et du droit à la terre.

 

Pour les chrétiens, le temps du carême est aussi celui de la conversion et de la repentance.
Nous sommes dans l’esprit de Laudato si’ du pape François. Il parle d’une révolution culturelle courageuse contre le consumérisme compulsif. Conversion signifie retournement de l’être, c’est ce que nous découvrons aussi dans le passage de Pâques, de la mort à la résurrection. Je pense au texte biblique du Deutéronome (30,15-20): «Vois, je mets aujourd’hui devant toi la vie et le bonheur, la mort et le malheur […] Tu choisiras la vie pour que tu vives toi et ta descendance». L’autre exemple évangélique est celui de la parabole de l’enfant prodigue qui a gaspillé tous les biens de la terre et qui descend en lui-même pour retrouver son désir profond. L’espérance est cet acte de foi qui croit que le vieil homme est capable de changer, car Dieu ne l’abandonne pas. (cath.ch/mp)

 


Cultures en transition

Outre les éléments habituels d’animation, tous disponibles sur le site voir-et-agir.ch, la campagne oecuménique de Carême propose deux nouveautés pour 2018.

La première est un événement national le 22 février, à Berne, avec conférences-débats et ateliers sur le thème «une journée sous le signe de la transition».

La seconde est une série de conférences réunissant dans chaque canton romand l’hôte de la campagne, la Malienne Alimata Traoré et des acteurs suisses d’une agriculture écologique et de proximité.


Michel Egger

Détenteur d’un master en sociologie de l’Université de Neuchâtel (1981), Michel Maxime Egger travaille en tant que lobbyiste pour le développement durable et des relations Nord-Sud plus équitables. Il a travaillé de 1993 à 2002 à l’œuvre d’entraide protestante Pain pour le prochain (PPP) puis à Alliance Sud, la communauté de travail des œuvres d’entraide suisses, dont il a fait partie du comité de direction. En 2016, il a rejoint PPP avec pour mission de créer et de développer un laboratoire de la transition intérieure, dans l’interface entre la société civile et les milieux d’Eglise. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages consacrés à la spiritualité et à l’écologie.

Illustration de la Campagne oecuménique de Carême 2018
31 janvier 2018 | 10:20
par Maurice Page
AdC (23), Campagne de Carême (44), Ecologie (132), Laudato si (216), PPP (22)
Partagez!