Corinne Zaugg (à dr.), présidente de l'Union des femmes catholiques du Tessin, et Beatrice Brenni, membre,  entourent Mgr Valerio Lazzeri, évêque de Lugano | © catt.ch
Suisse

Tessin: 100 ans d’engagement pour les droits des femmes

En présence de Mgr Valerio Lazzeri, dimanche 29 août 2021, l’Unione Femminile Cattolica Ticinese (UFCT) s’est réunie a Camperio (TI) pour célébrer le 100e anniversaire de sa fondation. Créée en 1920 par Mgr Aurelio Bacciarini, cette branche féminine de l’Action Catholique Tessinoise (ACT) a marqué la lutte pour les droits civiques et ecclésiaux des femmes au sud des Alpes.

Redaction catt.ch / traduction et adaptation Davide Pesenti

L’Union Féminine Catholique Tessinoise (UFCT) est synonyme d’un long engagement en faveur de la place des femmes dans le diocèse de Lugano. Nombreuses sont les figures féminines liées à l’UFCT qui au cours des cent dernières années ont œuvré pour la promotion de la condition féminine, tant au sein de l’Eglise catholique que dans la société civile.

Une délégation de la Communauté Romande de l’Apostolat des laïcs (CRAL) a partagé la journée jubilaire en Suisse italienne.

Une délégation de la Communauté Romande de l’Apostolat des laïcs (CRAL), du «Frauenbund«, la ligue des Femmes catholiques de Suisse, ainsi que Mgr Valerio Lazzeri, évêque de Lugano, étaient également présents à la journée festive. Dans son homélie, l’évêque de Lugano s’est adressé aux femmes présentes avec des mots de gratitude et un regard sur le présent, reconnaissant dans les femmes une force et un ferment pour la vie du diocèse.

Pionnières de l’émancipation

Au cours du siècle de vie, beaucoup de tessinoises ont puisé force et courage dans cette association catholique, pour affronter les défis de la famille et s’engager en faveur de la société de leur époque.

À l’instar de Concettina Croci, qui en 1914 déjà crée et dirige la revue Vita femminile à Mendrisio. Une entreprise prioritaire, à une époque où les femmes étaient à peine considérées d’un point de vue social, politique et même, à certains égards, ecclésiastique.

«De nos jours, il faut encore se battre contre les stéréotypes. Et il y a encore beaucoup de chemin à faire!»

Corinne Zaugg, présidente de l’Union des Femmes Catholique du Tessin

Dès sa fondation, en octobre 1920 par Mgr Aurelio Bacciarini, évêque de Lugano à l’époque, l’association féminine soutient notamment les jeunes femmes contraintes de quitter les vallées alpines pour aller travailler dans les villes. À partir des années 1930, elle œuvre de plus en plus en faveur du droit de vote des femmes.

Pendant des décennies, les membres de l’UFCT contribuent à la vie des paroisses tessinoises. Pour beaucoup d’entre elles, ces activités représentent la première occasion de quitter leur foyer et de s’engager sur la voie de l’émancipation.

Premières députées

Convaincues de l’importance d’un engagement des laïcs au sein de l’Église, ainsi que de la formation des femmes en vue d’assumer des responsabilités tant sociales qu’ecclésiales, au cours des années 1970 et 1980, l’UFCT joue un rôle-clé dans la renaissance de l’Action catholique tessinoise.

L’Union des Femmes Catholiques a marqué l’histoire de l’émancipation féminine dans le diocèse de Lugano. Ici, le cercle des jeunes filles de Minusio en 1940. | © catt.ch

Parmi les pionnières de ce mouvement se retrouvent Rosita Genardini, Ilda Rossi et Dionigia Duchini, trois des huit premières femmes à être élues au Grand Conseil tessinois en 1971 – l’une des grandes réussites de l’UFCT en 100 ans d’existence. 

Après les démissions de Carmen Pronini, la présidente historique qui a guidé l’association durant plusieurs décennies, dès 2010 l’UFCT place son avenir entre les mains de Corinne Zaugg. Reconnaître et promouvoir la spécificité des femmes au sein de l’Église catholique est devenu aujourd’hui l’axe principal de l’association.

Lutte contre les stéréotypes

«De nos jours, il faut encore se battre contre les stéréotypes. Et il y a encore beaucoup de chemin à faire!», souligne Corinne Zaugg.

L’actuelle présidente souligne comme la plupart des membres actuelles font encore partiellement partie d’une génération de femmes qui sont nées et ont grandi avec une vision masculine de la théologie et des Écritures.

«Le Concile Vatican II s’est achevé il y plus de 50 ans, en proposant une nouvelle approche au monde des femmes et en leur donnant la possibilité d’accéder aux études théologiques», précise la journaliste tessinoise. Un mouvement qui a encouragé de nombreuses femmes théologiennes, capables de lire la Bible avec un regard nouveau. Le regard de l’autre moitié du ciel, qui jusqu’à présent n’avait pas les outils pour le faire».

De cette évolution résulte une lecture différente et complémentaire de celle des hommes, considérée jusqu’à cette époque comme la seule. «C’était une nouvelle perspective, à bien des égards sans précédent, qui a beaucoup apporté à la théologie».

À l’écoute de toutes les femmes

L’Union des femmes catholiques du Tessin organise des moments de formation, de prière et de réflexion sur des thèmes liés au rôle des femmes au sein l’Église catholique ainsi que dans la société civile. Elle assure aussi une présence régulière d’écoute et d’aide au Centre de réfugiés de Chiasso et organise une marche spirituelle hebdomadaire.

Nous sentons que l’Église est notre maison. Comme nous le rappelle le pape François, nous devons aimer l’Église même dans son imperfection».

Corinne Zaugg

«Notre association s’adresse aussi à toutes ces femmes – et elles sont nombreuses – qui, sur la pointe des pieds, ont lentement abandonné l’Eglise catholique ces dernières années, ajoute Corinne Zaugg. Le vie et la décision de ces sœurs ne nous laissent pas indifférents. Au contraire. Nous restons dans l’Eglise parce que nous sentons que l’Église est notre maison, parce que, comme le pape François nous le rappelle souvent, nous devons aimer l’Église même dans son imperfection».

Lieu de dialogue

L’association se propose comme un lieu de réflexion pour poursuivre le dialogue entre les hommes et les femmes dans l’Église catholique.

«Nous prônons le dialogue, non pas pour affirmer que nous sommes égaux – en fait nous sommes, et heureusement, très différents! – mais pour nous dire que nous sommes équivalents. Et d’aider l’Église, habituée depuis des siècles à être masculine, à s’ouvrir à la richesse du féminin».

Les femmes qui ont fait l’histoire récente de l’UFCT rassemblées pour les 100 ans de l’association. | © catt.ch

Après dix ans à la tête de l’association, le constat de Corinne Zaugg ne laisse pas de doutes: «Lorsque les femmes sont invitées à participer à une activité ou une conférence, ce ne sont que des femmes qui répondent. En revanche, lorsque ce sont des hommes qui le font, la proposition est ressentie comme s’adressant à tout le monde. Il s’agit-là d’un mécanisme qui pénalise beaucoup les femmes et qui se produit souvent, sans qu’il y ait de mauvaise foi».

Partage entre femmes et hommes

Un automatisme qui selon la président de l’UFCT repose sur l’habitude invétérée d’entendre ce que les hommes soutiennent comme générique et objectif, tandis que lorsque les femmes s’expriment, elles le font à partir d’un parti pris subjectif.

«Il est difficile de faire comprendre que la base de notre parcours, de notre rencontre et de notre discussion n’est pas l’envie d’aller ›contre’, mais de pouvoir participer ›ensemble’», conclut avec un brin de déception Corinne Zaugg. 

Ce n’est pas que nous pensons avoir les réponses pour l’avenir de l’Église, mais simplement que nous aimerions ensemble, hommes et femmes, créer, y réfléchir, en rêver.» (cath.ch/catt.ch/cv/kg/dp)

Corinne Zaugg (à dr.), présidente de l'Union des femmes catholiques du Tessin, et Beatrice Brenni, membre, entourent Mgr Valerio Lazzeri, évêque de Lugano | © catt.ch
30 août 2021 | 16:39
par Davide Pesenti
Temps de lecture: env. 5 min.
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