Funérailles de Violeta Chamorro, San Jose, Costa Rica, 16 juin 2025. Sa fille Cristiana et des proches tiennent une photo de l'ex-présidente  | © Keystone/EPA/Jeffrey Arguedas
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Nicaragua: décès de Violetta Chamorro, ancienne présidente en exil

Présidente du Nicaragua de 1990 à 1997, Violeta Barrios de Chamorro est décédée le 14 juin 2025 à l’âge de 95 ans, des suites d’une maladie, à San José au Costa Rica. Opposante à Daniel Ortega, proche de l’Église catholique, elle a été une figure essentielle du temps de la démocratie au Nicaragua. Elle est reconnue en Amérique centrale comme la «présidente de la paix».

Première femme présidente du Nicaragua, et même du continent américain, Violeta Barrios de Chamorro a mené son pays dans les années 1990 sur le chemin de la pacification et de la réconciliation après dix ans de guerre civile. Contrainte à l’exil par le président sandiniste Daniel Ortega, à qui elle s’est opposée, elle a fini sa vie loin de son pays, à San José au Costa Rica, avec ses quatre enfants.

L’hommage de l’évêché de Managua

Suite à l’annonce de son décès, l’évêque auxiliaire de Managua, Silvio José Báez, lui aussi en exil entre Rome, Madrid et Miami, a déclaré: «Mes pensées affectueuses, ma gratitude et mes prières vont à Doña Violeta. Une femme intègre, courageuse et croyante. Elle vit désormais éternellement dans le cœur de Dieu, en qui elle croyait et qu’elle aimait. Mes condoléances à ses enfants et à toute sa famille en ce moment de douleur. Merci, Doña Violeta!»

La guerre froide sur sol nicaraguayen

Issue d’une famille de propriétaires terrien, «Doña Violeta», comme l’appellent les Nicaraguayens, avait épousé en 1950 le journaliste Pedro Joaquin Chamorro, dirigeant du quotidien La Prensa et opposant au dictateur Anastasio Somoza (1925-1980). Elle s’était lancée en politique en 1978, après l’assassinat de son époux, et avait repris la direction du journal.

A l’issue de la révolution sandiniste, qui amené en 1979 à la chute de Somoza, elle intègre la Junte de reconstruction nationale, avant de rapidement quitter le mouvement et d’entrer en opposition avec le gouvernement socialiste du Front sandiniste de libération nationale (FSLN).

Elle est élue présidente en 1990, à l’âge de 60 ans, sous la bannière de l’Union Nacional Opositora. Le pays venait de traverser dix ans d’une violente guerre civile entre les Sandinistes et les Contras, soutenus par les États-uniens. Représentatif de la «guerre froide» qui divisait alors le monde, le conflit avait été assorti d’un embargo américain contre le Nicaragua. Il avait fait au moins 50’000 morts et laissé une économie en ruines.

Dans son autobiographie Rêves du cœur, Violeta Barrios de Chamorro écrit, rapporte le journal Le Temps: «Lorsque je suis devenue présidente, j’ai senti une énorme angoisse dans mon cœur d’hériter d’un pays en guerre et détruit.»

Des mesures de désarmement

Sa première décision en tant que présidente est alors d’abolir le service militaire obligatoire. Elle œuvre alors au désarmement de 23’000 Contras et réduit les forces armées de 85’000 soldats à 15’000. Elle s’attachera ensuite, durant son mandat, à renforcer les institutions et à promouvoir la liberté d’expression.

Sur le plan économique et social, par contre, ses décisions et résultats sont plus contestés. Son programme de réformes économiques libérales réalise de sévères coupes dans les dépenses sociales, alors même que l’extrême pauvreté est prégnante. Des grèves générales paralysent le pays, la réforme agraire est stoppée. L’Église catholique, pour sa part, avec à sa tête l’archevêque de Managua, le cardinal Miguel Obando y Bravo, la soutient.

Expulsion par Ortega des opposants et des prêtres

Violeta Chamorro quitte le pouvoir en 1996 après un seul mandat, conformément à la constitution alors en vigueur. Son adversaire à la présidentielle de l’époque, Daniel Ortega, a finalement été élu en 2007 et n’a plus quitté le pouvoir depuis. Début 2025, le parlement du Nicaragua a même validé la réforme constitutionnelle donnant un pouvoir total sur l’État et la société civile, à Daniel Ortega et à son épouse Rosario Murillo, en tant que président et «coprésidente».

Subissant les attaques de Daniel Ortega, l’ex-présidente décédée avait trouvé refuge au Costa Rica. Son quotidien La Prensa a été investi en août 2021 par la police et ses comptes bancaires bloqués. Une partie de son personnel a pris lui aussi le chemin de l’exil au Costa Rica d’où il publie toujours ses informations en ligne.

Plus largement, le régime de Daniel Ortega s’attelle à museler toute opposition. Il a fermé la quasi-totalité des universités privées et des médias et contraint à l’exil de nombreux hommes d’affaires, politiciens et activistes. Il s’en est aussi pris ces dernières années à l’Église, sorte de contre-pouvoir dans un pays à majorité catholique, emprisonnant des prêtres et des évêques (voir l’article ci-dessous). (cath.ch/alb)

Funérailles de Violeta Chamorro, San Jose, Costa Rica, 16 juin 2025. Sa fille Cristiana et des proches tiennent une photo de l'ex-présidente | © Keystone/EPA/Jeffrey Arguedas
17 juin 2025 | 14:52
par Lucienne Bittar
Temps de lecture : env. 3  min.
Contra (2), Daniel Ortega (53), Etats-Unis (590), Nicaragua (110), politique (176), sandiniste (2)
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