L'abbatiale de Payerne est devenue un espace muséal en 2020 | © Maurice Page
Suisse

Payerne: une croix sera installée dans l'abbatiale

Une croix sera installée dans l’abbatiale de Payerne, devenue en septembre 2020 un espace muséal. La municipalité a accepté une requête en ce sens de la Fraternité œcuménique de la ville vaudoise.

L’abbatiale de Payerne doit-elle être davantage un musée ou une église? La question est discutée depuis un certain temps entre les autorités civiles et des groupes religieux de la région. Ces derniers plaident pour davantage d’intégration de symboles chrétiens dans l’édifice. Une volonté tempérée par la municipalité de la ville, qui possède le lieu et qui tient à préserver son statut culturel.

Dimension religieuse limitée

Mi-juillet 2021, les autorités payernoises ont cependant accepté une requête de la Fraternité œcuménique locale. Elle concerne l’installation d’une croix dans la nef de l’édifice, rapporte le quotidien romand La Liberté du 31 juillet. Le crucifix en métal, fabriqué sur mesure, marquera le retour d’un symbole chrétien dans l’abbatiale. La date de l’installation n’est pas encore précisée.

L’abbatiale, dont la construction remonte au 11e siècle, a été rouverte au public en juillet 2020, après de longs travaux de rénovation. Elle est devenue principalement un musée, bien que sa dimension religieuse ait été reconnue. Une convention avec l’Eglise catholique romaine et l’Eglise évangélique réformée vaudoise (EERV) a fixé des limites précises aux offices dans ses murs.

Un lieu de communion entre chrétiens?

Dans le cadre de la Fraternité œcuménique de Payerne, des chrétiens protestants et catholiques se réunissent ainsi chaque semaine pour des célébrations dans l’édifice. «Même si elle est devenue un musée, l’abbatiale reste un lieu fort de la chrétienté. Autrefois signe de division entre les confessions chrétiennes, elle pourrait devenir le lieu d’une communion», explique Luc de Raemy, curé modérateur de Payerne.

«Pour l’instant, notre ambition est d’animer des célébrations chaque jeudi soir, un samedi par mois et cinq dimanches par année», explique l’abbé. Le jeudi, à 18 h 15, un pasteur célèbre la cène protestante ou un prêtre l’eucharistie catholique, en alternance. «Le but est d’arriver, un jour peut-être, à une célébration identique. La prochaine étape sera une reconnaissance de nos Eglises respectives et un mandat officiel».

Activité historique prioritaire

La concession accordée pour une croix dans l’abbatiale ne signifie pas que le bâtiment redevient une église, précise Anne-Gaëlle Villet, directrice et conservatrice de l’abbatiale: «En tant que musée, nous avons une fonction laïque car nous accueillons des visiteurs qui ont des convictions diverses. L’activité patrimoniale et historique est prioritaire.» Pas question, par exemple, de remettre dans le chœur des bougies, une bible ou d’autres pièces de mobilier liturgique, comme le souhaitaient certains membres de la Fraternité oecuménique.

Pas de retour de la croix d’origine

La croix ne cherchera pas à imiter le style médiéval. Si l’ancienne croix de procession de l’abbatiale existe toujours, il n’est pas non plus question de la réinstaller dans l’église vaudoise. Elle se trouve dans le trésor de la cathédrale de Fribourg, où elle est arrivée suite au partage, entre Berne et Fribourg du trésor du couvent de Payerne, au 16e siècle.

Un retour à Payerne «ne serait pas envisageable», selon Aloys Lauper, chef adjoint du Service des biens culturels de l’Etat de Fribourg. Un prêt pour une exposition ne serait en revanche pas exclu. (cath.ch/lib/arch/rz)

L’abbatiale de Payerne

La fondation de l’abbaye Notre-Dame sur l’emplacement de la villa romaine de la famille Paterniacus se situe entre 961 et 965.

Les travaux de construction de l’église actuelle, qui remplace l’édifice carolingien, débutèrent vers le milieu du XIe siècle. Une nouvelle nef fut construite vers 1070-1080 suivie de la construction du chœur. L’édifice fut surmonté plus tard du clocher gothique avec ses quatre tourelles et sa couronne au pied de la flèche, qui caractérise son aspect extérieur. Deux incendies la ravagent en 1235 et en 1420, mais à chaque fois elle est reconstruite.

Le prieuré de Payerne était un site clunisien d’importance, disposant de nombreuses dépendances et autour duquel se développa un bourg médiéval. Lors de l’invasion du Pays de Vaud en 1536, les Bernois prirent possession du couvent ainsi que d’une partie de ses droits et de ses biens fonciers. Fribourg accueillit les moines restés fidèles à la foi catholique. En 1562, l’abbaye fut fermée.

L’abbatiale est alors successivement transformée en grenier, fonderie de cloches, cantonnement militaire, prison, puis local des pompes à incendie.

La renaissance de l’abbatiale date de la fin du XIXe siècle. Les historiens s’insurgent contre l’utilisation peu respectueuse de ce monument de style roman et plaident pour sa rénovation. L’abbatiale est classée monument historique en 1900. Le processus de restauration est enclenché dès 1920.Des fouilles et des travaux sont entrepris pour restituer l’abbatiale dans son état originel.

Après un nouvel incendie qui touche une partie des bâtiments en 1987, l’abbatiale présente, au début des années 2000 des signes inquiétants de détérioration, fissures dans les voûtes et les murs, dégâts à la toiture. Ce qui provoque la mise en route d’un nouveau chantier de rénovation qui s’achève en 2020.

L’abbatiale de Payerne est considérée, avec Romainmôtier et Grandson, comme l’un des sites d’architecture romane les plus significatifs de Suisse. MP

L'abbatiale de Payerne est devenue un espace muséal en 2020 | © Maurice Page
2 août 2021 | 11:11
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture: env. 4 min.
Abbatiale (14), Laïcité (99), Patrimoine religieux (119), Payerne (27), Vaud (117)
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