Eglise et démocratie en Suisse

Abbé Nicolas Betticher

Mgr Karl-Josef Rauber a été créé cardinal par le Pape François. Il a été reçu samedi 14 février 2015 au sein du collège cardinalice.

L’ancien Nonce en Suisse (1993-1997) avait découvert cette «Eglise helvétique» et l’avait souvent décrite comme unique au monde. Unique, car contenant des éléments démocratiques. Aucune autre Eglise locale ne connaît cette réalité qui trouve ses racines notamment à l’origine même de la Confédération suisse. Soucieux de leurs droits et devoirs, les habitants de ce pays ont toujours craint toutes les formes d’oligarchie. Le peuple veut assumer lui-même ses droits et devoirs.

Ceci explique cela. Sans parler de la forte tradition protestante qui a également forgé l’esprit d’indépendance des catholiques au travers d’une forme de collaboration démocratique à la vie de l’Eglise locale.

Aujourd’hui 24 sur 26 cantons suisses reconnaissent (sous diverses formes) certaines communautés religieuses, comme par exemple l’Eglise catholique. L’Etat de droit confère ainsi des droits et devoirs auxdites communautés.

Parce que cette réalité est justement peu connue, on peine parfois à Rome à comprendre ce «pouvoir» donné à la base, aux laïcs.

En y regardant de plus près, on constate que cette forme de prise en charge par des laïcs de certains domaines de la vie des diocèses et des paroisses conduit à d’excellents résultats. Pourquoi ne pas laisser «gérer» certains champs d’activité par des personnes qualifiées, comme l’administration des biens de l’Eglise, la gestion des statuts administratifs du personnel engagé, etc. Ces laïcs ne le font pas d’abord parce qu’ils sont compétents, mais bien plus parce que leur vocation de baptisés les y invite!

Ces formes de collaboration démocratique font sens, quand les rôles ne sont pas mélangés. Il ne saurait être question de vider le droit de l’Eglise universelle de son contenu (même partiellement) pour le conférer à des pouvoirs laïcs qui alors s’érigeraient en pseudo Magistère. Le risque existe parfois. On peut le constater dans certains diocèses. Cela n’est pas sain et conduit malheureusement à des revendications visant la séparation Eglise – Etat, pour contrecarrer ce «pouvoir» laïc.

Et cela serait dommage, dommage de devoir se passer de la contribution efficace et hautement évangélique de ces laïcs qui offrent leur savoir-faire et savoir-être à l’Eglise.

C’était le message de Mgr Rauber lorsqu’il quitta la Suisse. En faisant de l’ancien Nonce en Suisse un Cardinal, le Pape François confirme un souffle évangélique, voire prophétique. Et c’est bien ainsi.