Fribourg: Journée Edith Stein au Carmel de Montrevers

Suivre le Christ avec Thérèse Bénédicte de la Croix

Fribourg, 18 octobre 2011 (Apic) Plus de huitante personnes se sont retrouvées, le 16 octobre chez les Carmes de Fribourg, pour la Journée Edith Stein. Sophie Binggeli, professeur aux Bernardins à Paris, a invité les participants à «Suivre le Christ avec Edith Stein». Ils ont découvert une petite partie de la spiritualité de la sainte carmélite, décédée dans les chambres à gaz d’Auschwitz en 1942.

La petite chapelle du couvent des Carmes de Montrevers à Fribourg était comble, le dimanche 16 octobre. Après la célébration de la messe, Sophie Binggeli, professeur au Collège des Bernardins à Paris, a donné une conférence sur le thème «Suivre le Christ avec Edith Stein». La fribourgeoise a emmené les auditeurs à la suite de la carmélite dans sa quête sinueuse et ardue. «La jeune et brillante étudiante se meut avec aisance dans un milieu jusque-là réservé aux hommes. L’Université fait son bonheur. Un avenir prometteur s’ouvre à elle en 1916. Au vu de l’excellence de son doctorat sur l’empathie, elle devient l’assistante du grand maître de la phénoménologie, Edmond Husserl», a-t-elle relaté.

Cependant, les déceptions n’ont pas épargné la jeune intellectuelle juive, issue d’un milieu libéral. «La première Guerre mondiale bouleverse sa vie. La jeune étudiante brillante et trop sûre d’elle-même est purifiée de sa suffisance et de son orgueil. Elle se retrouve sans aucun appui humain. Il ne lui reste plus rien. Parce qu’elle a été totalement dépossédée d’elle-même, le Christ peut la saisir. ’C’est la vérité!’, aurait-elle dit, suite à la lecture de la vie de Thérèse d’Avila, durant l’été 1921.»

Le baptême et la première communion suivent rapidement, le 1er janvier 1922. Le 2 février de la même année, Edith reçoit le sacrement de confirmation. «A celle qui a cherché passionnément la vérité, le Christ se révèle vérité», a souligné Sophie Binggeli. «Edith écrira à propos de Husserl, au moment de sa mort: Dieu est la vérité. Celui qui cherche la vérité, cherche Dieu, que cela lui soit clair ou non.»

Le lien vital qui nous unit au peuple juif

Selon Sophie Binggeli, la suite du Christ à l’école d’Edith Stein a des conséquences pastorales importantes et concrètes. «Edith, comme plus tard le Concile Vatican II, invite chacun à prendre conscience du lien vital qui l’unit au peuple juif. Si bien qu’Israël est pour les chrétiens son frère aîné dans la foi, son frère aimé. L’alliance de Dieu avec Israël s’accomplit dans le sacrifice de la Croix. Le Christ, grand-prêtre éternel, par son cœur transpercé, introduit toute l’humanité dans le Saint des Saints. Il lui apprend à parler au Père à partir de son propre cœur.»

La conférencière a relevé que c’est l’homme tout entier qui est personnellement concerné par le grand mystère de l’Eucharistie. «Corps et âme doivent être formés à la vie eucharistique, le plus tôt possible et le plus souvent possible. L’Eucharistie et la liturgie contribuent à former littéralement ’les enfants des hommes en enfants de Dieu’ – ’en forme de Dieu (Gott-förmig), en forme du Christ (Christus-förmig)’. Dieu devient principe de formation intérieure, plus intérieure que l’âme elle-même. Edith discerne comme ’principe de formation le plus intérieur de l’âme féminine, l’amour tel qu’il s’écoule du cœur divin’. La parenté entre l’âme féminine et le cœur divin trouve son excellence dans la maternité de Marie au pied de la Croix. Edith rejoint les considérations de Jean Paul II sur La Mère du Rédempteur au pied de la Croix», a constaté Sophie Binggeli.

La Croix au centre de l’histoire du monde

«Au centre de l’histoire du monde se dresse la Croix du Christ. L’Agneau a vaincu, mais le combat continue de faire rage, portant l’anxiété à son comble. Edith a participé avec beaucoup de lucidité au combat spirituel de son temps entre le Christ et l’Antéchrist. Elle a subi en sa chair l’arrogance et le triomphe des puissances du mal. Elle a perçu combien la Croix est signe de contradiction», a expliqué la philosophe.

«’Le monde est en feu’. Le cri prophétique de Thérèse d’Avila traverse les temps. Il déchire la surdité du cœur endurci, bouscule la paresse, ébranle la médiocrité, disperse la langueur. Edith, prophète du 20e siècle, nous presse de répondre, non pas en nous appuyant sur nos propres forces, mais en regardant la Croix, en concluant une nouvelle fois l’alliance de notre baptême, de notre consécration, de notre engagement personnel, en vivant une relation sponsale de pur amour avec le Crucifié».

Le temps du pique-nique terminé, les participants ont étudié un texte de Thérèse Bénédicte de la Croix. Par petits groupes, ils se sont penchés sur un extrait de la méditation d’Edith Stein intitulée «Exaltation de la Croix, du 14 septembre 1939». Cette seconde Journée Edith Stein – la première a eu lieu l’an dernier au Carmel du Pâquier en raison de la rénovation de celui de Fribourg – s’est terminé par la prière de none. (Véronique Benz, e+m)

Encadré

Edith Stein (1891-1942)

Philosophe et carmélite, Edith Stein vient au monde dans une famille juive, le 12 octobre 1891. Malgré une éducation marquée par le judaïsme, elle s’éloigne pendant un temps de toute croyance religieuse. Sa vive intelligence l’engage à rechercher la vérité et à mener une vie respectueuse de tous et de chacun.

Edith est l’une des rares femmes de son époque à fréquenter l’Université. Elève de Husserl, ses travaux philosophiques la rendent attentive au phénomène religieux, et la question de la foi en Dieu s’impose progressivement à elle. En 1921, la lecture de l’autobiographie de Thérèse d’Avila la décide à entrer dans l’Eglise catholique. Unissant ses compétences philosophiques à la lumière que lui donne la foi, Edith Stein se consacre pendant une dizaine d’années à l’enseignement. Son principal souci est de mettre en valeur une vision chrétienne de la personne humaine.

Pleinement lucide sur la signification de la montée du nazisme, elle entre au Carmel de Cologne en 1933 et y prend le nom de Thérèse Bénédicte de la Croix. Elle poursuit son combat contre le mal qui se déchaîne dans le monde à un niveau de radicale profondeur: avec le Christ, sous le signe de la Croix. Le 9 août 1942, Edith Stein meurt dans les chambres à gaz d’Auschwitz, à la fois victime de la Shoah et témoin du Christ.

Elle sera canonisée par le pape Jean Paul II le 11 octobre 1998 et proclamée co-patronne de l’Europe le 1er octobre 1999. (Source: http://www.carmel.asso.fr/-Edith-Stein-.html)

Encadré

Sophie Binggeli

La fribourgeoise est considérée comme une spécialiste d’Edith Stein. Sophie Binggeli étudie d’abord la pharmacie à l’Université de Fribourg. Durant ses études, elle rejoint un groupe de prière animé par des séminaristes de l’Institut Notre-Dame-de-Vie. Peu à peu, elle découvre «l’importance que ce groupe prend» dans sa vie.

A la fin de ses études de pharmacie, elle entre comme laïque consacrée à l’Institut Notre-Dame de Vie. Puis elle part à Lyon pour commencer de nouvelles études d’allemand et d’histoire des idées. Elle décide en 1995 de travailler sur la figure d’Édith Stein et choisit comme sujet de thèse: «La femme chez Edith Stein». Elle participe en outre à l’édition des œuvres complètes d’Edith Stein en allemand.

Pour compléter son travail philosophique et littéraire, Sophie Binggeli part étudier la théologie à Bruxelles. (vb)

18 octobre 2011 | 18:01
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 5  min.
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