«L’Eglise est souvent en retard» sur le plan de la communication, affirme Mgr Celli

Fribourg: Une centaine de passionnés réunis pour les 40 ans de «Communio et Progressio»

Fribourg, 13 janvier 2012 (Apic) Une Eglise qui ne communique pas n’est pas l’Eglise. Sur le plan de la communication, «l’Eglise est encore souvent en retard», a lancé Mgr Claudio Maria Celli, président du Conseil pontifical pour les communications sociales à Rome. L’hôte du Vatican s’exprimait jeudi 12 janvier à l’Université de Fribourg à l’occasion de la commémoration des 40 ans du document «Communion et Progrès», devant une centaine de professionnels et passionnés des médias venant de toute la Suisse.

Pour lancer le débat – et le pimenter! – , les organisateurs (*) ont eu la bonne idée d’inviter le journaliste Peter Rothenbühler, star de la presse de boulevard, et par ailleurs fils de pasteur réformé. A l’évidence, le monde religieux ne le laisse pas indifférent. Pourtant, à l’ère de YouTube, Twitter et Facebook, l’Eglise de la Bonne Nouvelle, l’Eglise qui fait réfléchir à la propre existence des hommes, qui donne des règles pour la vie en société, est quasiment absente des médias. Sauf parfois dans des pages «ghetto», ou à l’occasion de Noël ou de Pâques, «parce que ces jours-là les journalistes ont pris congé…»

Et pourtant, a-t-il lâché, l’Eglise fait la une des journaux pour tout autre chose que la Bonne Nouvelle. Outre les pénibles cas de pédophilie en son sein, elle parle de préservatifs, d’homosexualité, d’avortement, «de choses finalement dont elle ne comprend pas grand-chose, c’est-à-dire du sexe». Et ceux qui font les journaux le savent: le sexe fait vendre. «Le sexe combiné avec l’Eglise, fait encore mieux vendre!» L’ancien rédacteur en chef du quotidien romand «Le Matin» et actuel membre de la direction d’Edipresse lâche alors une pique contre Mgr Vitus Huonder, évêque de Coire, pour ses récents propos dans la presse dominicale sur l’éducation sexuelle à l’école.

L’Eglise doit se profiler autrement dans les médias

«Par bonheur, l’évêque de Bâle, Mgr Felix Gmür, a réagi très vite… Mais l’on devrait vraiment se demander si les évêques n’ont pas d’autres soucis pastoraux que de veiller strictement sur la morale sexuelle!», interroge le journaliste. Peter Rothenbühler attend de l’Eglise qu’elle reste au milieu du village et non qu’elle se mure dans le silence, car une telle attitude la marginaliserait tout de suite. Face à l’appel du vide, d’autres groupes religieux, sectes ésotériques, charlatans ou guérisseurs, s’engouffreraient aussitôt dans la brèche, n’hésitant pas à se jouer des médias et à les instrumentaliser.

Regrettant la frilosité médiatique de la Conférence des évêques suisses (CES), le journaliste souhaiterait que l’Eglise suisse soit plus active dans sa communication, qu’elle prenne position sur des drames comme Fukushima ou la famine en Afrique de l’Est, sans oublier la crise financière ou les difficultés de l’Union européenne… Car aujourd’hui, qu’on le veuille ou non, le village est devenu planétaire et est largement virtuel.

De ces enjeux, Mgr Celli en est bien conscient. «L’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres, et s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont des témoins». Il plaide donc pour une diaconie dans le monde numérique, car si les évêques ignorent souvent ce qu’est «chatter» sur internet, leurs jeunes prêtres et séminaristes en font déjà un large usage!

Relevant que dans le monde, au début 2011, les abonnés à la téléphonie mobile étaient déjà plus de cinq milliards, et les utilisateurs d’internet plus de deux milliards, le président du Conseil pontifical pour les communications sociales a évoqué les défis que représente pour l’Eglise ce développement fulgurant. Lui-même a appris l’usage de l’iPad au pape Benoît XVI, «un homme ouvert aux nouvelles technologies». Le Vatican s’est aussi mis au goût du jour, mais Mgr Celli est bien conscient que le monde virtuel ne peut pas remplacer une communauté vivante.

Face à cette nouvelle donne, il est nécessaire d’adapter le langage de l’Eglise. Si de nombreux diocèses dans le monde ont une page internet, certains publient encore l’homélie de leur évêque, longue de 10 pages… Les plus avancés sont sur YouTube ou FaceBook. Mais à ses yeux, l’Eglise doit être plus offensive. A la question «Qui est Jésus ?», il n’y a pas une seule réponse catholique dans le top 10 de ’google’. «Quand un jeune cherche quelque chose aujourd’hui, il va d’abord sur ’google’, et nous ne sommes pas là!» Le défi aujourd’hui est d’annoncer Jésus-Christ dans la sphère numérique et d’intégrer le message salvifique dans cette «nouvelle culture», relève-t-il. Ce qu’a commencé à faire le Vatican avec ses sites internet «news.va», le «parvis des gentils» ou «Pope2you» pour les jeunes.

«Communio et Progressio» toujours d’actualité

L’instruction pastorale sur les moyens de communication sociale «Communio et Progressio», née dans le sillage du Concile Vatican II, est aujourd’hui encore tout à fait d’actualité, si l’on y ajoute le monde de l’internet, a rappelé André Kolly, président de la Commission pour la communication et les médias de la CES. L’ancien directeur du Centre catholique de Radio et Télévision (CCRT) à Lausanne relève que la qualité de ce document ecclésial fait que «c’est avec une vraie fierté que les responsables catholiques dans les médias ont pu le présenter à leurs pairs». L’instruction, adressée aux rédacteurs en chef de la presse écrite et audiovisuelle, avait alors été bien reçue.

Certes, a-t-il souligné, «Communio et Progressio» ne parle pas de courriel, de consultation online, de réseaux sociaux, «des moyens qui n’étaient pas imaginables à l’époque», mais les principes d’usage, les finalités, la réception et la participation critique sont parfaitement applicables à l’époque actuelle. La dimension œcuménique était déjà présente. Par contre, le vocabulaire est éminemment masculin, «comme si les journalistes femmes n’étaient pas encore nées et que les lectrices, auditrices et téléspectatrices étaient occupées à d’autres tâches». Ces lacunes, fort heureusement, ajoute-t-il, ont été entre-temps amplement corrigées par le Conseil pontifical pour les communications sociales.

André Kolly a rappelé les qualités de ce document, «un modèle d’ecclésialité, participatif, professionnel, ouvert au monde». «Communio et Progressio» reste pour lui d’actualité. Mais le journaliste regrette qu’en Eglise on n’ait pas encore vraiment tiré parti aujourd’hui de l’esprit qui inspire ce document, en rappelant l’émission de la TV romande «Zone d’Ombre» du 2 novembre dernier. La place de l’Eglise y était symbolisée par une chaise vide ornée d’une étole. Ce qui l’amène à s’interroger: «Peut-être même avons-nous en Eglise 40 ans de retard?»

(*) La Commission pour la communication et les médias de la Conférence des évêques suisses (CES) et la Ligue catholique suisse pour la presse ont organisé le 12 janvier 2012, en lien avec la Faculté de théologie de l’Université de Fribourg, un colloque à l’occasion des 40 ans de la publication de «Communio et Progressio». Au cœur des débats, la question des relations entre l’Eglise et les médias. (apic/be)

13 janvier 2012 | 12:38
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 5  min.
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