Le Landeron (NE) : Un pasteur à la tête du pénitencier de Saint-Jean
Ouvrir les fenêtres pour laisser pénétrer l’espoir
Le Landeron, 30 août 2012 (Apic) Le pasteur bernois Manfred Stuber reprendra dès le 1er septembre la direction des Etablissements de Saint-Jean, au Landeron (NE). Fort de ses connaissances en psychologie et en criminologie, il évoque cette nouvelle étape de sa vie professionnelle. Portrait.
«Ma nouvelle fonction de directeur des Etablissements de Saint-Jean, au Landeron, devrait me permettre de fédérer, de mettre en pratique les connaissances en théologie, psychologie, criminologie et économie que j’ai acquises ces dernières années. J’y vois donc un défi extraordinaire.»Manfred Stuber, pasteur depuis 2007 de la paroisse de l’église du Saint-Esprit, à Berne, aborde le nouveau tournant de son parcours professionnel avec une sérénité mâtinée de sage clairvoyance. Boulimique de découvertes, il arpente avec jubilation moult territoires du savoir: outre la théologie – il a notamment suivi au cours de ces huit ans d’études de la discipline un séminaire presbytérien aux Etats-Unis (1995-1996) où il a dévoré l’œuvre de Calvin –, il a tâté de la criminologie avec le professeur Martin Killias à Zurich et suivi des cours de psychologie psychothérapeutique sur les bords de la Limmat et en Autriche. Sa familiarité avec la psychanalyse freudienne – il a lu presque toute l’œuvre du célèbre Viennois – donne la mesure de sa soif de connaissances. «Et actuellement, j’ai entamé une formation en gestion d’entreprise afin d’obtenir un executive MBA», glisse en toute décontraction Manfred Stuber.
Un zeste de nervosité
D’esprit jovial, volontiers farceur, ce Bernois de 44 ans à la silhouette longiligne n’est pas homme à se faire de la bile, même s’il avoue un zeste de nervosité à l’heure d’enfiler son costume de directeur. Dès le 1er septembre, celui qui a été aumônier militaire au sein de la Swisscoy au Kosovo, de 2010 à 2011, dirigera une institution réputée difficile où sont enfermés des délinquants souffrant de troubles psychiques et de toxicomanie. Pour ne rien arranger, les Etablissements de Saint-Jean noircissent souvent la rubrique des fais divers à coups d’évasions. En août 2009, l’affaire du pédophile récidiviste qui avait agressé une fillette à La Neuveville (BE) avait créé l’émoi dans les chaumières.
Manfred Stuber ne se démonte pas: «Je suis certes conscient des difficultés qu’implique mon nouveau poste, mais j’ai confiance dans l’équipe de Saint-Jean, dans son professionnalisme.»Pour le reste, le pasteur s’en remet à son expérience de vie et à son savoir: «En qualité d’aumônier, j’ai déjà eu l’occasion de côtoyer des délinquants que j’ai soutenus lors de problèmes de dettes ou d’intégration professionnelle.»Et de poursuivre: «Je suis convaincu que mes connaissances en psychopathologie et en psychopharmacologie, notamment, constitueront un plus dans ma fonction. Même si elles ne sont pas comparables à celles des spécialistes de Saint-Jean, elles me permettront de mieux comprendre, de mieux évaluer les situations.»Son rôle de directeur, Manfred Stuber le voit en priorité dans la coordination entre les différents secteurs de l’institution, dans des tâches de gestion: «Pour l’heure, toutefois, j’ai beaucoup à apprendre, je dois rencontrer le personnel, les thérapeutes», souligne-t-il avec modestie.
Réduire la récidive
Le pasteur aborde la délinquance et l’univers pénitentiaire dans une perspective très précise: «Le but, le sens d’une peine consistent à prévenir, à réduire les risques de récidive. C’est d’ailleurs une des missions fondamentales des Etablissements de Saint-Jean. Et le plus important dans la lutte contre la récidive concerne le changement d’attitude du détenu face au délit, aux victimes et au système pénal, ainsi que les conditions objectives qu’il retrouvera à son retour dans la société. Dans ce contexte, la réintégration dans le monde du travail joue un rôle crucial.»Mais quelle est la place de l’espoir dans une institution marquée par tant de noirceur humaine? La rédemption y est-elle possible? «Selon moi, la réalité est dynamique, changeante, en constante évolution. Il en va de même pour les personnes, qui sont en devenir perpétuel. Dieu et Jésus-Christ sont eux-mêmes des forces de nouveauté et de créativité qui transforment le monde, qui l’ouvrent à de nouveaux champs du possible», explique Manfred Stuber. Qui ajoute: «Dieu n’est pas indifférent au sort des hommes. Il peut susciter des changements dans nos vies, dans notre histoire personnelle. Dans des situations très difficiles, même désespérées, des fenêtres peuvent ainsi se décadenasser pour faire pénétrer l’espoir.»
Sur le plan doctrinal, Manfred Stuber, qui se définit comme un «enfant de son temps», refuse d’être réduit à une étiquette, forcément réductrice à ses yeux. «Je ne me reconnais pas dans une mouvance spécifique du protestantisme. C’est tellement vrai que je me passionne pour deux théologiens qui sont aux antipodes de la pensée réformée: le Bâlois Karl Barth et l’Allemande Dorothee Sölle, féministe notoire.»Son intérêt pour la psychologie et la psychanalyse, le Bernois l’explique avec des mots simples: «La théologie et la psychologie s’intéressent aux mêmes questions: les peurs, les difficultés de vie et les conflits. Elles donnent toutefois des réponses totalement différentes.» (apic/eda/mp)