Le Musée BIBLE+ORIENT présente une centaine d’objets jusqu’au 30 novembre 2013

Fribourg: Exposition temporaire «Des écritures à l’Ecriture (sainte)»

Fribourg, 11 décembre 2012 (Apic) «L’écriture a été inventée en premier lieu pour l’administration, surtout pour la comptabilité, pour gérer les vivres, pas pour la poésie ou l’amour», relève le dominicain Hans Ulrich Steymans, professeur au Département d’Etudes Bibliques de l’Université de Fribourg. Il présentait à la presse, mardi 11 décembre, la nouvelle exposition «Des écritures à l’Ecriture (sainte)», mise sur pied par le Musée BIBLE+ORIENT dans l’aile 4 de l’Uni Miséricorde.

Cette exposition temporaire, qui se tient du 30 novembre 2012 au 30 novembre 2013, présente dans ses vitrines une centaine d’objets, sur les 15’000 qu’abrite la collection du Musée BIBLE+ORIENT. «Toutes les pièces viennent de notre musée, et ce sont pour l’essentiel des originaux, à part quelques répliques. On ne montre que ce qui est en lien avec lien avec l’Ecriture sainte», poursuit le bibliste.

L’exposition montre comment s’est développée l’Ecriture sainte du point de vue historique et théologique. Le point culminant de l’exposition est la Torah: les 5 premiers livres de la Bible, le Pentateuque. Ils racontent l’histoire du peuple d’Israël, depuis la création du monde jusqu’à la mort de Moïse. Ils constituent dans la religion juive la Torah (la Loi). L’exposition à Miséricorde présente notamment deux formes de la Bible hébraïque: un rouleau de la Torah du 18e siècle et un Pentateuque samaritain du 15e siècle.

«Ces 5 premiers livres, que ce soient le Pentateuque ou la Torah, sont identiques dans la Bible chrétienne et juive. Oecuméniquement, cela veut dire que les juifs et les chrétiens ont la même Ecriture sainte», souligne le Père Steymans. La Torah relie aussi la Bible à l’Egypte ancienne: «La Torah/le Pentateuque est écrit en alphabet hébreu. Or l’alphabet s’est développé à partir des signes en hiératique de l’Egypte ancienne. L’alphabet est un descendant lointain des hiéroglyphes égyptiens».

La Torah livre, en outre, la tradition de la Mésopotamie, le pays des 2 fleuves, écrite à l’origine en écriture cunéiforme, comme le récit du déluge ou les commandements. Entre 1’800 et 1’200 av. J.-C., sur la côte Est de la Méditerranée, c’est-à-dire l’espace culturel dans lequel se sont développés les textes bibliques, on utilisait autant l’écriture cunéiforme que les alphabets qui étaient en train de se développer.

La Torah est le témoignage de la foi du peuple juif en un Dieu qui se révèle aux hommes

Le professeur relève encore que la Torah est le témoignage de la foi du peuple juif en un Dieu qui se révèle aux hommes. Dieu a accompagné la vie d’Abraham, de Sarah, d’Isaac et de Rebecca, de Jacob, Léa et Rachel. «Ces récits racontent comment Dieu veut accompagner la vie de chaque être humain». Cette Révélation est une expérience qui se détache des expériences conditionnées du quotidien. «La Révélation est l’émergence de l’inconditionné, c’est du non causal dans un monde conditionné, causal. C’est l’interprétation d’une expérience qui en fait pour l’humain une Révélation».

Il n’existe pas de circonstances historiques qui expliquent pourquoi la Torah institue le Sabbat, tous les sept jours, une pause dans le travail valable aussi pour les esclaves. Face à des sociétés basées sur l’exploitation, on ne trouve cette différence que dans les religions révélées.

L’alphabet et les écritures saintes se sont développés dans le même espace culturel

Evoquant la naissance de l’écriture, le professeur Steymans situe vers 3’300 avant Jésus-Christ l’apparition de l’écriture cunéiforme en Basse Mésopotamie.

Elle s’est ensuite répandue dans tout le Proche-Orient ancien. A peu près à la même époque apparaît également l’écriture hiéroglyphique égyptienne. Ces écritures, différenciées, nées dans deux contrées voisines, se développent en même temps que croissent les échanges commerciaux. Les hiéroglyphes égyptiens et les pictogrammes sumériens sont tous les deux formés de petites images propres à leur région.

L’écriture syllabique et l’alphabet apparaissent à partir de 1’800 avant J.-C. Vers l’an 1’000 avant J.-C., voici l’alphabet phénicien, suivi vers l’an 900 avant J.-C. de l’alphabet araméen, et de là l’alphabet arabe classique, et les écritures syllabiques de l’Asie de l’Est, comme le brahmi et le tibétain. Vers 800 avant J.-C. apparaît l’alphabet grec, dont découlent les alphabets latin et cyrillique.

L’alphabet et les écritures saintes se sont développés dans le même espace culturel du Proche Orient, ou plutôt dans la région de l’Est méditerranéen. L’acquis de l’alphabet permit la démocratisation de l’éducation et de la communication écrite. La Bible hébraïque, le nouveau Testament grec et le Coran arabe sont les fleurons de cette évolution.

Grâce à ses collections d’objets du Proche-Orient ancien, le Musée BIBLE+ORIENT met en lumière l’environnement complexe où naissent et évoluent les religions monothéistes (judaïsme, christianisme, islam). L’omniprésence actuelle de l’écriture alphabétique en Occident est un symbole peu reconnu de l’héritage oriental. Le Musée met également en valeur «l’œcuménisme vertical» qui relie les chrétiens et les musulmans avec le judaïsme, et les trois religions avec l’héritage de Canaan. Il met en relief ce lien historique entre cultures et religions souvent considérées à tort de manière isolée et même montées les unes contre les autres. L’exposition rappelle que les racines proches-orientales de la culture européenne sont souvent refoulées. «Même au nord des Alpes, les hommes et les femmes ont appris à lire et à écrire grâce à la Bible».

Encadré

Othmar Keel, toujours fidèle au poste

Parmi les collectionneurs qui ont enrichi le Musée BIBLE+ORIENT, il faut citer Othmar Keel, professeur d’Ancien Testament et d’environnement biblique à l’Université de Fribourg de 1969 à 2000, auquel a succédé Hans Ulrich Steymans. Othmar Keel a rassemblé à l’Institut Biblique une collection archéologique impressionnante, constituée des anciennes collections élargies du théologien lucernois Josef Vital Kopp, du chrétien arabe Fouad Sélim Matouk et de l’industriel soleurois Rudolf Schmidt, mais aussi d’outils, d’armes, de moules et de répliques. Le professeur fribourgeois a commencé sa collection – notamment de nombreux cachets et sceaux-cylindres – dès ses années d’études à l’Ecole Biblique de Jérusalem. Fondateur du Musée et président de son Conseil de fondation, Othmar Keel précise pour l’Apic qu’outre les donateurs mentionnés plus haut, il ne faut pas oublier feu le professeur Herbert Haag, de Lucerne. La propre collection de sceaux-cachets amulettes patiemment rassemblée par Othmar Keel est vraisemblablement la plus représentative en son genre dans le monde entier.

Thomas Staubli, directeur du Musée BIBLE+ORIENT dès ses débuts, quitte à la fin de l’année la direction de cette institution logée dans les locaux de l’Université de Fribourg. Il est déjà à Jérusalem, et sa succession est difficile, admet Othmar Keel. C’est lui qui en assume actuellement la direction avec Aline von Imhoff, administratrice du Musée, Leonardo Pajarola, administrateur des collections et expos, et Florian Lippke: responsable de la formation. Il fait également des visites guidées spécialisées des collections, avec d’autres guides. Pour plus d’infos www.bible-orient-museum.ch (apic/be).

11 décembre 2012 | 18:09
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 5  min.
Fribourg (632)
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