Caritas Fribourg tire la sonnette d'alarme

Fribourg: Le manque de loyers abordables dans le canton, véritable «bombe à retardement»

Fribourg, 25 avril 2013 (Apic) La précarité du logement touche de plus en plus de monde dans le canton de Fribourg. C’est même une véritable «bombe à retardement», a souligné Caritas Fribourg lors de son assemblée générale tenue le 24 avril 2013, à la paroisse du Christ-Roi à Fribourg.

L’oeuvre d’entraide catholique fribourgeoise tire la sonnette d’alarme: l’accès à des logements à loyers abordables pour les personnes à revenu modeste devient de plus en plus difficile dans le canton, même si la crise n’atteint pas les mêmes proportions que sur l’Arc lémanique ou à Genève. Le monde politique est interpellé !

Caritas, organisme important pour l’Eglise, doit être soutenue par les paroisses

Près de 80 personnes, représentant notamment les congrégations religieuses, la Corporation ecclésiastique catholique, les paroisses et les Conférences St-Vincent de Paul, ont participé à l’assemblée, dont la partie thématique portant sur la problématique du logement pour les personnes en situation de précarité.

Saluant les participants au nom de Mgr Charles Morerod et du dicastère diocésain en charge de la solidarité, Mgr Rémy Berchier, vicaire épiscopal, a souligné l’importance de Caritas Fribourg comme service de la diaconie de l’Eglise catholique. Cet organisme intervenant en complément aux autres institutions actives dans le domaine. «Vous êtes ici des convaincus», a-t-il lancé, en leur demandant de se faire les avocats de Caritas Fribourg auprès du public et des paroisses qui ne sont pas encore membres de l’association.

Mgr Berchier va prendre son bâton de pèlerins dès l’automne pour visiter toutes les unités pastorales (UP) du canton, afin de convaincre les paroisses d’adhérer à Caritas Fribourg qui représente la diaconie de l’Eglise. A côté de l’annonce de la Parole et de la célébration des sacrements, la diaconie est en effet une des trois tâches fondamentales de l’Eglise, a-t-il insisté.

Léger bénéfice aux comptes 2012 et nouveaux membres du comité

Au cours de l’assemblée générale 2013, les participants ont pris connaissance des résultats de l´exercice financier 2012 de Caritas Fribourg, qui présente un léger bénéfice de 8’700 francs pour un total de charges de 1,4 million de francs. Le budget 2013, d’un montant de près de 1,5 million de francs, montre un léger déficit de 7’000 francs. Comptes et budget ont été acceptés à l’unanimité.

Deux nouveaux membres sont entrés au comité: Philippe Pillonel, 60 ans, de Cheyres, chef du Service de probation du canton de Fribourg, depuis longtemps engagé sur les plans social et ecclésial, et Pietro Fabrizio, 45 ans, de Marsens, directeur de la Clinique générale à Fribourg, qui participe déjà à l’Accueil du samedi de Caritas au Couvent des Cordeliers. Ils remplacent Gérard Appetito, élu au comité en 2007, et Maria-Dolores Stadelmann, élue en 2009, qui va s’engager en catéchèse paroissiale.

Pénurie de logements accessibles dans les centres

Lors de la partie thématique sur les difficultés d’accès au logement, Caroline Vannay, Joëlle Renevey et Nicolas von Muhlenen Carrel, collaborateurs de Caritas Fribourg, ont fait part de leurs expériences du terrain. Leurs propos ont été largement confirmés par André Sallin, chef du Service social régional de la Gruyère. Tous se sont accordés à dire que la problématique du logement, amplifiée par l’essor démographique du canton de Fribourg, est devenue une véritable «bombe à retardement», et qu’il serait nécessaire que les responsables politiques se penchent sur ce problème de plus en plus aigu. Caritas Fribourg joue dans ce secteur un rôle d’observatoire et de témoignage.

Dans leur exposé intitulé «Regards croisés sur la problématique du logement pour les personnes en situation de précarité», les assistants sociaux n’ont pas hésité à parler de «situation préoccupante». Les locataires à bas revenus ou à l’aide sociale, dans leur recherche de logement, doivent s’engager dans un «parcours du combattant» à l’issue incertaine. Dans les centres, il reste essentiellement des appartements de haut standing, presque plus rien pour les revenus modestes et encore moins pour les personnes qui ont des poursuites.

Il arrive fréquemment que des personnes recherchent un appartement depuis plusieurs mois. «Elles ont déposé leur dossier auprès des régies sans obtenir aucune réponse positive, restant ainsi en situation de précarité», a relevé Nicolas von Muhlenen Carrel.

Joëlle Renevey, responsable du Service de gestion de dettes et désendettement, a dénoncé les bureaux d’encaissement qui font pression sur les personnes endettées. «Apeurées, ces dernières changent de priorité de paiement pour pouvoir rembourser les créanciers les plus menaçants. Les loyers ne sont plus payés, sans qu’elles se rendent compte des conséquences», souligne-t-elle, en prévenant que dans nos régions, on expulse

hiver comme été, «même si c’est une famille!»

Aucun dispositif d’accueil approprié pour les familles avec enfants

Caritas Fribourg a pour priorité d’éviter la résiliation du bail pour assurer le maintien du logement et éviter une expulsion pour les personnes ayant pris du retard dans le paiement de leur loyer. Pour ces personnes, retrouver un logement devient une gageure. Face à des événements courants de la vie (naissance, séparation, divorce, décès, perte d’emploi) qui peuvent nécessiter un changement de logement, le déménagement devient quasi impossible en cas de précarité financière ou de risque d’insolvabilité. Caritas Fribourg doit faire de plus en plus souvent appel à des fondations pour aider à payer les loyers en retard.

Cela représente désormais le 40% des demandes que Caritas adresse aux fondations. Quand la perte de l’appartement n’a pu être évitée, Caritas dispose de peu de moyens pour venir en aide, et le canton de Fribourg n’a aucun dispositif d’accueil approprié pour les familles avec enfants. Certains sont même contraints de dormir dans leur voiture.

Caritas Fribourg, dans son combat quotidien pour éviter les expulsions et la perte de l’appartement, prend contact avec le propriétaire ou la régie pour suspendre la procédure de résiliation ou d’expulsion, si possible l’annuler, et proposer un arrangement de paiement réaliste pour le locataire», indique Caroline Vannay, assistante sociale. Mais parfois, les propositions d’arrangement arrivent trop tard, quand les négociations ne sont plus possibles ou parce que certains propriétaires ou régies refusent de discuter.

Manque de logements à loyers modérés

Dans un district dynamique qui approche les 50’000 habitants, la cherté des loyers devient problématique, relève André Sallin, responsable du Service social régional de la Gruyère. «Outre les prix élevés, il y a le manque de logements à loyer modéré de 2 ou 3 pièces. Sans parler du refus de certaines régies de louer à des personnes à l’aide sociale», a-t-il relevé.

Très présente en Gruyère, la régie Foncia propose le «Passe location», qui offre des garanties aux propriétaires d’immeubles. «Malgré toutes ces précautions, il y a des cas où l’on ne trouve pas de logement, même après 40 demandes. Quand bien même il y a des appartements vides», déplore André Sallin. Parfois, pour décrocher un contrat de bail, il ne reste au locataire que la solution de signer un «Contrat Privilège», qui oblige à débourser une somme de quelques centaines de francs, en plus des frais d’établissement du dossier.

«L’aide sociale enrichit pas mal de propriétaires»

Les régies ont souvent «la gâchette facile» pour expulser des locataires qui ont des difficultés, constate-t-il, et le relogement devient vite un casse-tête. En raison de la pénurie de logements, le Service social régional de la Gruyère a dû augmenter les normes pour les personnes assistées de 100 francs par mois pour 2013. Il est même parfois contraint d’accepter des exceptions aux normes, notamment pour pouvoir loger des femmes seules ou divorcées avec enfants. Son service prend en charge des loyers pour des personnes à l’aide sociale pour un montant mensuel de quelque 250’000 francs, soit dans les 3 millions de francs par an. Il conclut que l’aide sociale «enrichit pas mal de propriétaires!» (apic/be)

25 avril 2013 | 11:26
par webmaster@kath.ch
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