Notre-Dame de Genève, la Basilique qui touche le cœur des croyants
Série Apic: Lieux de pèlerinage moins connus de Suisse (2)
Genève: Haut lieu de l’identité catholique genevoise, Notre-Dame a survécu à Calvin et au «Kulturkampf»
Genève, 14 mai 2013 (Apic) A première vue, la cité de Calvin ne se prête guère aux pèlerinages. Pourtant, les critiques du réformateur n’ont pu empêcher le développement d’un pèlerinage à la Vierge Marie dans la Basilique Notre-Dame, édifice néo-gothique consacré en 1859. Les catholiques genevois sont très attachés à ce symbole des luttes pour affirmer leur foi. Mais pas seulement … Les diplomates en poste à Genève disent y retrouver une seconde paroisse.
Dédiée à l’Immaculée Conception de la Vierge Marie, la Basilique Notre-Dame de Genève bruisse d’un va-et-vient continu de fidèles venus de tous horizons en quête de recueillement. A deux pas de la gare Cornavin, le contraste est saisissant. Du brouhaha de la ville, de sa circulation et de ses badauds, on passe à un monde de silence et de pénombre.
Certes, la proximité avec la gare favorise la fréquentation de ce qui est considéré comme un lieu genevois de pèlerinage à la Vierge Marie. Mais il existe une raison plus imperceptible à cette dévotion: Notre-Dame touche le cœur des croyants, selon les dires de l’abbé Pierre Jaquet, curé de Notre-Dame. Après le silence de la vie catholique pendant plusieurs siècles à Genève, suite à la Réforme, cette église évoque de manière parlante une réalité catholique profonde.
«Beaucoup de personnes qui passent à Notre-Dame sont, quelque part, touchées d’être en ce lieu», relève l’abbé Jaquet, ajoutant:»Il n’y a pas une grâce particulière ou magique, mais c’est un lieu au cœur de Genève, où les gens, malgré le bruit, aiment se retrouver».
Un attachement qui se retrouve aussi dans la population multiculturelle qui habite Genève. «Pour les employés des organisations internationales en poste ici, la norme, c’est plutôt une église comme Notre-Dame qu’une église plus moderne, où ils se reconnaîtraient moins. Ils savent qu’ils ont leur place ici», relève Pierre Jaquet. «Un jour, un Africain m’a dit: ‘moi quand je vais dans la paroisse où j’habite, je pousse la porte, et je vois deux ou trois personnes qui me regardent et je comprends à leur regard qu’ils ne me connaissent pas et me prennent pour un étranger. Tandis que, quand je viens à Notre-Dame, personne ne me regarde et j’ai l’impression d’être chez moi».
Une longue lutte pour affirmer sa foi
Pour comprendre l’affection particulière que portent les Genevois à Notre-Dame, il faut plonger dans son histoire. Après l’introduction de la Réforme à Genève en 1535, les catholiques romains sont privés de leurs églises et de toute expression officielle d’une autre foi que celle de Calvin pendant trois siècles. Ce n’est qu’en 1801 qu’un Concordat signé entre le pape Pie VII et Napoléon oblige les autorités à tolérer l’existence d’une église catholique romaine sur le territoire de la Ville. Ce sera l’église Saint-Germain.
En 1850, après bien des tractations, l’Etat de Genève, sur proposition d’un de ses conseillers, James Fazy, fait don de terrains pour ériger des lieux de cultes pour les religions minoritaires. En 1851, le curé de Genève, l’abbé Dunoyer, et l’abbé Gaspard Mermillod mandatent l’architecte français Alexandre Grigny pour édifier une seconde église en ville de Genève. Notre-Dame est ainsi bâtie sur l’emplacement d’un ancien bastion des fortifications démolies à Cornavin, à l’écart de la communauté protestante. Les travaux se terminent en 1857. La messe, célébrée le 4 octobre de la même année, est la première sur la rive droite de Genève depuis 322 ans. L’église est consacrée le 8 septembre 1859 sous le vocable de «Notre-Dame de l’Immaculée Conception». L’abbé Gaspard Mermillod, futur vicaire épiscopal de Genève puis cardinal, en devient le premier curé.
Et l’orage du Kulturkampf éclata
Après des années paisibles, sous la direction du curé Mermillod, la vie harmonieuse est rompue par l’orage du «Kulturkampf» (»combat pour la civilisation») et de son anticléricalisme, dans les années 1870 à 1880. Le «Kulturkampf», venu d’Allemagne, illustre la lutte menée par le chancelier Otto von Bismarck contre l’Eglise catholique à partir de 1871. Le mouvement gagne la Suisse. Il aboutit à Genève à l’interdiction d’une scolarité religieuse et de tout acte religieux sur la voie publique, à la limitation des ordres religieux, et même à l’incarcération d’ecclésiastiques rétifs.
En 1873, le «Kulturkampf» est à son comble. Mgr Mermillod est nommé vicaire apostolique de Genève, mais le Conseil fédéral refuse de le reconnaître comme tel. Le 17 février 1873, Mgr Mermillod est arrêté en son église, expulsé du territoire de la Confédération et conduit à la frontière française, contraint à l’exil.
En 1875. presque toutes les églises catholiques romaines du canton sont réquisitionnées au profit des catholiques séparés de Rome, après le concile Vatican I. L’église Notre-Dame est fermée, mais l’attachement des fidèles pour ce sanctuaire n’en devient que plus grand. Commence alors le long temps de l’exil pour les catholiques romains qui doivent se cacher pour pratiquer leur foi.
Ce n’est qu’en 1907, lorsque revient l’apaisement, que la promesse est faite de rendre Notre-Dame aux catholiques romains. En 1912, moyennant une somme de 200’000 francs, l’Eglise catholique rachète Notre-Dame. Le 8 mai, après 37 ans de fermeture, les clés sont enfin rendues aux paroissiens. A compter de cette date, le rosaire sera prié chaque jour dans l’église.
En 1954, Notre Dame est élevée au rang de Basilique mineure. Lors de la cérémonie du 5 décembre, «l’ombellino» et le «tintinnabulum», insignes de toute basilique, prennent place dans le choeur de l’église. La devise de l’édifice est choisie: «Nuntia Pacis», autrement dit «Messagère de Paix».
Encadré 1:
Objet de dévotion des fidèles de Notre-Dame de Genève, la statue de la Vierge Marie en marbre blanc de Carrare a été offerte par le pape Pie IX aux catholiques de Genève en 1859. Fier de son église toute neuve, l’abbé Gaspard Mermillod avait apporté, lors d’un voyage à Rome en 1859, une photo de l’édifice au pape Pie IX. En guise de cadeau, le Saint-Père avait offert au jeune curé une statue de Notre-Dame, qu’il aimait particulièrement et qu’il priait chaque jour dans sa bibliothèque. Elle lui avait été donnée par des artistes romains, dont celui qui apposa son nom au pied de notre statue, Forzani, probablement élève du célèbre Pietro Tenerani, à l’occasion de la promulgation du dogme de l’Immaculée Conception en 1854. «J’y tiens beaucoup, cependant par elle, je veux prendre possession de Genève. J’entends ainsi reconnaître l’effort magnifique d’un petit peuple uni pour l’érection d’un sanctuaire à la Sainte Vierge», avait alors déclaré le pape.
La statue est arrivée à Genève en la fête de Saint François de Sales le 29 janvier 1860 avec une bénédiction papale donnée dans toutes les églises du canton. Plus tard, en 1937, la statue de Notre-Dame sera couronnée solennellement par le nonce apostolique, Mgr Bernardini. L’artiste genevois Marcel Feuillat a été mandaté pour fabriquer deux couronnes, dont une en matière précieuse. Pour que l’orfèvre puisse réaliser cette couronne précieuse, demande fut faite à la population catholique genevoise de donner son vieil or et ses vieux bijoux. «Si on la regarde de près, on voit que toute la structure de la couronne rassemble en fait des colliers, des pierres et des bagues», précise l’abbé Jaquet.
Encadré 2:
La richesse artistique de Notre-Dame de Genève tient surtout à la beauté de ses vitraux. «C’est particulièrement beau ici en été, avec la lumière qui passe à travers les vitraux et se reflète sur le sol», s’enthousiasme le sacristain camerounais Richard Batjom.
Les premiers vitraux, de Claudius Lavergne sont posés de 1857 à 1875, les autres après le retour de l’église à la communauté catholique romaine dès 1912. Les artistes Alexandre Cingria, Maurice Denis, Charles Brunner, Gherri Moro, Théodore Strawinsky, Paul Monnier et Jean-Claude Morand vont successivement signer d’autres oeuvres. «Il s’agit-là d’un des ensembles les plus riches de Suisse de par sa diversité», souligne l’abbé Jaquet.
En 2012, pour marquer le centenaire de la prière du rosaire, Notre-Dame s’est offert un polyptyque, qui est venu enrichir le décor de l’église. Installés au-dessus de la «porte Cornavin», quatre panneaux verticaux racontent en vingt tableaux la vie de Marie et de Jésus. La réalisation de l’œuvre a été confiée à trois artistes genevois: les peintres Marie-Dominique Miserez et Jean-Michel Bouchardy, et l’orfèvre François Reusse.
«Ce polyptyque est d’abord un ex-voto pour les grâces reçues à travers la prière du rosaire qui est récitée quotidiennement depuis 1912, date à laquelle les catholiques ont retrouvé Notre-Dame après 37 ans d’exil de leur église», explique l’abbé Jaquet, poursuivant: «Ce polyptyque est aussi un pont. Il s’offre aux générations à venir, les invite à devenir elles aussi passeurs et témoins de la foi et de l’art pour leur temps».
Encadré 3:
A côté d’Einsiedeln ou du Ranft, de nombreux lieux de pèlerinage moins emblématiques attirent de nombreux visiteurs en Suisse. Ils sont connus dans leur région, mais souvent très peu au-delà des frontières cantonales. L’agence Apic en présente 13 dans une série consacrée aux «Lieux de pèlerinage moins connus de Suisse».
Indication aux médias: Des photos de ce reportage peuvent être commandées à apic@kipa-apic.ch . Prix pour diffusion: 80 frs la première, 60 fs les suivantes.
(apic/cw)