Série Apic: Lieux de pèlerinage moins connus de Suisse (3) Jura: Sainte Colombe a-t-elle vraiment vécu à Undervelier?

Visite d’une grotte rafraîchissante et revivifiante

Undervelier, 22 mai 2013 (Apic) Undervelier, petit village jurassien enfoncé dans la vallée de la Sorne, à quelques kilomètres en aval des Gorges du Pichoux. C’est sur les hauteurs de ce lieu de transit qu’aurait vécu la sainte espagnole Colombe au 3e siècle, selon la légende. Avec son ours protecteur, elle se serait rendue fréquemment auprès d’une petite chute d’eau jaillissant dans une grotte, qui porte toujours son nom.

Depuis le centre du village d’Undervelier, le pèlerin doit suivre sur 500 mètres une route très fréquentée pour rejoindre la Grotte de Sainte-Colombe. Arrivé sur place, l’œil peu habitué à la pénombre ne distingue qu’un crucifix marquant l’entrée du lieu de pèlerinage.

Le visiteur pénètre peu à peu dans un endroit sombre et mystérieux. La première grille franchie, il aborde une esplanade herbeuse et fleurie, encore ensoleillée aux heures de midi malgré les pitons rocheux qui l’entourent. Une 2e grille donne accès à un espace qui devient de mois en moins sombre à mesure que l’œil s’accoutume à la pénombre ambiante. L’immense grotte arrondie, creusée naturellement dans la roche, offre un peu de fraîcheur humide au visiteur.

Le silence n’est rompu que par le bruit constant de l’eau qui coule dans le bassin miraculeux et par les quelques paroles échangées à voix basse par un couple venu méditer un moment sur le temps de midi. Les deux visiteurs concluent leur présence priante en trempant la main dans l’eau vivifiante et en se marquant du signe de la croix.

A peine partis, ils sont relayés par une jeune femme qui s’assied devant la cascade et médite en silence. Durant la pause de midi, ce jour de printemps, ce seront sept pèlerins, venus en voiture, en moto, à vélo ou à pieds, qui se succéderont dans la Grotte de Sainte-Colombe.

Trier les objets de dévotion

André Simon, vice-président de la Bourgeoisie d’Undervelier, propriétaire de la grotte, est gardien des lieux depuis qu’il a pris sa retraite il y a 7 ans. Les pèlerins y déposent régulièrement des cierges, des lumignons, des fleurs, des inscriptions, … «Je suis obligé de trier un peu, sinon ils amènent n’importe quoi», affirme-t-il.

Autour de la statue de la patronne des lieux, des ex-votos, en grande majorité en espagnol, témoignent de la reconnaissance de nombreux pèlerins pour l’aide prodiguée par la sainte.

«GRACIAS SANTA COLOMBA»

«GRACIAS PER TODO»

«TE DAMOS GRACIAS POR LA AYUDA QUE NOS DAS SANTA COLOMBA»

Peu de ces messages ne précisent le motif de ces remerciements. Apparemment, aucun ne fait référence à une guérison miraculeuse. Mais intervention de Sainte-Colombe il y a eu, si l’on se réfère à ce texte figurant sur une simple feuille plastifiée:

«Les deux souhaits que je t’ai adressés étaient que mon mari trouve du travail et que j’ai un enfant. Mon mari a trouvé du travail et je suis enceinte de bientôt 7 mois. Merci de tout cœur.

Ö.D.A

Je t’ai adressé un vœu pour trouver du travail et cela s’est réalisé. Merci de tout cœur.

S.A.»

Apparaissent également quelques autres vœux en français et un «Danke für die Hilfe».

L’espoir d’une guérison

La grotte a-t-elle été le lieu d’une guérison miraculeuse? «Quelques miracles sont relatés», assure André Simon, mais sans pouvoir attester personnellement d’une telle intervention. «Il arrive que des gens viennent à la grotte dans l’espoir d’une guérison», affirme-t-il.

André Simon assure l’entretien du lieu et des alentours. Il s’occupe du gazon, ramasse les déchets et trie les objets de piété exposés par les pèlerins. A gauche et à droite de la statue de Sainte Colombe se trouvent des billets, quelques tableaux, des chapelets, des bougies, … «On les laisse un moment, puis je les emmène», affirme-t-il en montrant les objets les moins précieux ou au goût quelque peu douteux.

La Bourgeoisie gère les coûts d’équipement et d’entretien du lieu, qui sont en grande partie couverts par les dons des pèlerins dans les troncs. Mais le mur extérieur, refait en 1940, commence à s’effriter. «Encore des dépenses en vue», lance le gardien des lieux.

Chaque année, le 15 août, lors de la fête de l’Assomption, la grotte et l’esplanade qui la précède se remplissent de patients, d’accompagnants et de fidèles de la région. Les hôpitaux de la région (Saignelégier, Delémont, Moutier, …) organisent à cette occasion le transport des malades. La Bourgeoisie les accueille avec thé et gâteaux et organise la messe. L’événement attire généralement près de 200 malades, dont plusieurs en chaise roulante.

La grotte accueille également le pèlerinage de la Chandeleur, en janvier, ainsi que plusieurs célébrations sur demande, notamment des messes célébrées par des communautés portugaises et espagnoles. S’y déroulent parfois des mariages, «mais pas souvent, car le lieu est très sombre», affirme André Simon.

Selon la tradition, Sainte Colombe a résidé en compagnie d’un ours protecteur dans une autre grotte en face, sur les hauteurs, à environ une heure et demie de marche. Elle se serait rendue régulièrement dans l’actuel lieu de pèlerinage pour prier et pour s’approvisionner en eau. Mais il s’agit bien là d’une tradition, sans aucune certitude historique, admet André Simon.

Encadré 1:

La vie de Sainte Colombe, entre tradition et réalité

Colombe serait née à Saragosse, en Espagne, au 3e siècle dans une famille noble mais païenne. Convertie au christianisme, elle part avec quelques compagnons en Gaule, où le culte chrétien est plus répandu, mais toujours interdit dans l’Empire romain. Ils reçurent le baptême à Vienne, au sud de Lyon. Ils furent dénoncés et tous moururent à l’exception de Colombe, qui fut graciée en raison de ses origines nobles. Elle déclara ouvertement sa foi devant l’empereur Aurélien, ennemi juré des chrétiens, et demanda la mort. Elle fut miraculeusement protégée par l’apparition d’un ours alors qu’elle était livrée à un débauché, puis sauvée par une pluie salvatrice lorsqu’elle était livrée au feu dans une cage, en compagnie de son ours. C’est finalement par le glaive qu’elle mourut. Ses reliques reposent à Sens, au sud de Paris, lieu de son martyr.

Encadré 2:

Trois hypothèses sur la grotte de Sainte-Colombe

Colombe a-t-elle vraiment vécu dans les alentours d’Undervelier? Une tradition bien ancrée l’affirme clairement: depuis son lieu de baptême à Vienne, la sainte aurait remonté le cours du Rhône pour échapper aux persécuteurs qui sévissent en Gaule et aurait atteint le Plateau suisse, puis les régions discrètes du Jura. Pour des questions de sécurité, elle se serait réfugiée dans la montagne, sur les hauteurs d’Undervelier. C’est depuis ce gîte qu’elle serait venue régulièrement en compagnie de son ours protecteur s’approvisionner en eau dans la grotte sur les bord de la Sorne. Elle aurait ensuite rejoint Sens, au sud de Paris, pour réaliser son destin.

Une deuxième hypothèse, sans doute plus vraisemblable, fait remonter le nom de la grotte aux Rauraques, un peuple celte qui a occupé la région à l’époque romaine. Leurs familles pratiquaient largement le Culte des Fontaines, et ce fut certainement le cas à Undervelier. Puis l’Eglise, confrontée à cette tradition du culte ancestral de l’eau, a pu remplacer la référence aux idoles par la vénération des saintes et des saints officiels. Le choix de Colombe, avec sa vie marquée par l’eau, s’imposait.

Une troisième hypothèse se réfère au moine irlandais Colomban, qui est sans doute passé par Undervelier. Une erreur de transmission a pu transformer son nom en celui de Colombe. A moins que cette féminisation du saint missionnaire ne soit due à la présence des druidesses, qui rendaient les oracles à l’époque celtique.

Encadré 3:

Série Apic: Lieux de pèlerinage moins connus de Suisse

A côté d’Einsiedeln ou du Ranft, de nombreux lieux de pèlerinage moins emblématiques attirent de nombreux visiteurs en Suisse. Ils sont connus dans leur région, mais souvent très peu au-delà des frontières cantonales. L’agence Apic en présente 13 dans une série consacrée aux «Lieux de pèlerinage moins connus de Suisse».

Indication aux médias: Des photos de ce reportage peuvent être commandées à apic@kipa-apic.ch . Prix pour diffusion: 80 frs la première, 60 fs les suivantes.

(apic/bb)

21 mai 2013 | 08:53
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 6  min.
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