Une nouvelle vision de la curie et de l’Eglise
Rome: Interviewé par «La Repubblica», le pape François critique les «courtisans» au Vatican
Rome, 1er octobre 2013 (Apic) L’Eglise catholique est trop «vaticano-centrique» et les chefs de l’Eglise ont souvent été «narcissiques, flattés (…) par leurs courtisans», estime le pape François dans une interview accordée à Eugenio Scalfari, fondateur du quotidien italien «La Repubblica» et publiée le 1er octobre 2013. Et d’affirmer, lapidaire, que «la cour est la lèpre de la papauté».
La réforme de la curie, l’héritage du Concile Vatican II, les «courtisans» du souverain pontife, la mission de l’Eglise ou encore le conclave de mars 2013 sont autant de thèmes que le pape François aborde lors de cet entretien qui a eu lieu le 24 septembre dernier à la Maison Sainte-Marthe, au Vatican.
Le pape promet d’apporter des changements
A cette occasion, le souverain pontife utilise des termes très durs pour définir ce qu’a été et ce qu’est encore d’une certaine manière la curie romaine. «Dans la curie, il y a parfois des courtisans, mais la curie dans son ensemble est une autre chose, poursuit le pape François, elle est ce qu’on appelle, dans l’armée, l’›intendance’; elle gère les services du Saint-Siège». Le pape pointe alors le principal «défaut» de la curie, à savoir qu’elle est trop «vaticano-centrique», qu’elle «voit et s’occupe des intérêts du Vatican, qui sont encore en grande partie des intérêts temporels».
Cette vision centrée sur le Vatican «néglige le monde qui l’entoure», regrette le pape François, annonçant qu’il ne partage pas cette vision et fera tout pour la changer. En revanche, explique-t-il, les membres du Conseil de cardinaux chargés de l’aider dans le gouvernement de l’Eglise et la réforme de la curie ne sont pas des «courtisans» mais «des personnes sages et animées par les mêmes sentiments» que lui.
Renouer avec l’héritage de Vatican II
«C’est le début d’une Eglise organisée non seulement de façon oligarchique mais aussi horizontale», confie-t-il. Peu après, le pape François souligne que les pères du Concile Vatican II (1962-1965) «savaient que l’ouverture à la culture moderne voulait dire œcuménisme religieux et dialogue avec les non-croyants».
«Après quoi, très peu de choses ont été faites dans cette direction», déplore-t-il, avant d’affirmer avoir «l’humilité et l’ambition de vouloir le faire».
Dans la longue interview accordée à Eugenio Scalfari, avec lequel il avait déjà eu un échange épistolaire qui avait rencontré un large écho, le pape François reconnaît être par moments «anticlérical» lorsqu’il rencontre quelqu’un de «clérical», à la façon de son interlocuteur, ouvertement athée.
Par ailleurs, le souverain pontife revient sur ce qu’il estime être le rôle principal de l’Eglise dans le monde, à savoir «identifier les besoins matériels et immatériels des personnes et chercher à les satisfaire le mieux possible».
Le fait d’être une minorité est une force
«Personnellement, je pense que le fait d’être une minorité est une force», affirme le pape, selon lequel l’objectif de l’Eglise «n’est pas le prosélytisme, mais l’écoute des besoins, des souhaits, des déceptions, du désespoir, de l’espérance».
«Nous devons redonner de l’espoir aux jeunes et aider les personnes âgées», soutient alors le pape François dans cette interview. Il estime en effet que les maux les plus graves qui affligent le monde aujourd’hui sont le chômage des jeunes et la solitude dans laquelle se retrouvent les personnes âgées. «Celles-ci ont besoin de soins et de compagnie; les jeunes de travail et d’espérance», juge encore le pontife.
Le rôle des jésuites salué
Par la suite, le pape ne cache pas l’estime qu’il a du rôle de la Compagnie de Jésus dans l’Eglise à travers l’histoire. «Les jésuites ont été et sont encore le levain – pas le seul, mais peut-être le plus efficace – de la catholicité: culture, enseignement, témoignage missionnaire, fidélité au pape», se félicite-t-il ainsi.
Enfin, le souverain pontife, qui refuse de se considérer comme un mystique à l’image de deux de ses modèles, saint François d’Assise et saint Ignace de Loyola, reconnaît néanmoins avoir vécu une expérience mystique au moment de son élection, le 13 mars dernier.
Ce jour-là, raconte-t-il, avant d’accepter d’être élu pape, il demanda à ses pairs de pouvoir se retirer quelques instants. «Ma tête était complètement vide et je fus pris d’une grande angoisse, (…) j’ai fermé les yeux et je n’ai plus eu aucune angoisse», relate le pape François. Et de poursuivre: «A un certain moment une grande lumière m’a envahi, cela a duré un instant, mais cela m’a semblé très long. Puis elle s’est dissipée et je me suis dirigé vers la salle où m’attendaient les cardinaux et la table où se trouvait l’acte d’acceptation. Je l’ai signé, le camerlingue l’a contresigné, et puis il a y eu l’’Habemus papam’ sur le balcon». (apic/imedia/cp/be)