«L'exode final des chrétiens de Syrie n'est plus qu'une question de temps»

Syrie: Eglises profanées par les islamistes dans le village chrétien de Sadad

Homs, 31 octobre 2013 (Apic) Alors que l’armée gouvernementale syrienne, après plusieurs jours de féroces combats, a repris en début de semaine le contrôle du village chrétien de Sadad, à une septantaine de kilomètres l’est de la ville de Homs, le bourg, vidé de ses 15’000 habitants, est dévasté et les familles restantes traumatisées. Les éléments du Front al-Nosra, un groupe terroriste lié à al-Qaïda, ont profané les églises chrétiennes de ce village des montagnes du Qalamoun où l’on parle encore l’araméen, la langue du Christ.

Le Patriarcat syro-orthodoxe de Damas a communiqué le 31 octobre que 45 civils chrétiens ont été tués par les jihadistes à Sadad, dont des femmes et des enfants. L’agence d’information vaticane Fides, qui relaie la nouvelle, parle de la découverte de deux fosses communes contenant les corps de 30 civils chrétiens tués par les milices islamistes dans cet antique village syriaque remontant à 2000 avant Jésus-Christ.

Les représentants du Patriarcat et les familles des victimes, une fois rentrés dans la ville libérée par l’armée syrienne, y ont trouvé, «dans l’horreur générale, deux fosses communes dans lesquelles ont été trouvés les cadavres des membres de leurs familles et de leurs amis. Dans une atmosphère de deuil, d’indignation et de grande émotion, les obsèques des 30 chrétiens ont été célébrées par l’archevêque Selwanos Boutros Alnemeh, métropolite syro-orthodoxe d’Homs et Hama». Ce dernier a fourni à Fides la liste des victimes.

Graffitis hostiles au christianisme

«Les églises sont endommagées et profanées, privées de livres antiques et de mobilier précieux, recouvertes de graffitis hostiles au christianisme. Les écoles, les édifices gouvernementaux et communaux ont été détruits tout comme le bureau de poste, l’hôpital et la clinique. Les enfants de Sadad se sont vus voler leur avenir. De nombreuses maisons ne pourront pas même être reconstruites», dénonce l’archevêque Selwanos Boutros Alnemeh.

Le Père jésuite syrien Ziad Hilal, qui a pu se rendre le 29 octobre 2013 dans le village libéré des jihadistes, parle de l’exode vers Homs ou d’autres localités des familles de Sadad prises en otages par les militants armés. Le prêtre du village a déjà enterré une trentaine de chrétiens tués dans les combats ou sommairement abattus par les rebelles.

Le Père Ziad, directeur du «Centre éducatif Saint-Sauveur» et de 10 autres centres du même genre dans la métropole syrienne et la campagne environnante, constate que de nombreux bâtiments ont été détruits ou endommagés, notamment l’école principale du village, des bâtiments officiels et les quatre églises, à savoir trois églises syro-orthodoxe et une syro-catholique. Les rebelles ont écrit partout des slogans, également sur les murs des églises. Ils s’en sont pris au Saint-Sacrement sur les quatre autels des églises et ont signé leur acte aux noms du Front al-Nosra et d’autres groupes armés.

«On ne sait pas si les voyous vont revenir…»

Sur les ondes de Radio Vatican, le religieux jésuite déplore que les hommes armés aient utilisé les églises comme logement: «Il y avait des matelas et des couvertures pour les fanatiques, les voyous qui sont venus au village». Il doute que les habitants reviennent, car ils ont été traumatisés par l’occupation de la localité: «Les maisons ont été fouillées, pillées, beaucoup sont endommagées. Les poteaux électriques sont par terre. On voit partout des traces de combat. La situation est vraiment difficile. On ne sait pas si les voyous vont revenir…».

Pour le Père Ziad, la situation en Syrie ne peut pas être résolue par des moyens militaires, «il n’y a que la solution pacifique pour arrêter la guerre, pour arrêter la violence». Il encourage la mission de Lakhdar Brahimi «afin d’associer tous les côtés et trouver un chemin, une solution pour notre pays».

Appel de la Fédération des Araméens d’Allemagne

La Fédération des Araméens d’Allemagne a pour sa part dénoncé les campagnes d’»épuration ethnique» visant les chrétiens de Syrie, en particulier l’attaque par les jihadistes de Maaloula, l’îlot chrétien du Qalamoun, patrimoine de l’humanité, vidé lui aussi de ses habitants. Elle déplore que cette «épuration ethnique qui se poursuit sous les yeux de la communauté internationale» continue sans grande réaction des gouvernements occidentaux.

Dans un appel intitulé «Après Maaloula, Sadad», Daniyel Demir, président de la Fédération araméenne, a interpellé le gouvernement d’Angela Merkel afin qu’il s’engage davantage pour les chrétiens sans défense en Syrie. L’organisation araméenne basée à Heidelberg se déclare très inquiète pour les habitants d’Hofar, un village chrétien voisin de Sadad, toujours occupé par les jihadistes. Daniyel Demir affirme que 500’000 chrétiens syriens ont déjà dû abandonner leur patrie. Les islamistes s’emparent de plus en plus de territoires et veulent dénier aux chrétiens leur droit à l’existence de la manière la plus brutale, dénonce-t-il. «Le christianisme araméen des origines en Syrie est menacé d’extinction, et l’exode final n’est plus qu’une question de temps». (apic/com/fides/kna/be)

31 octobre 2013 | 14:46
par webmaster@kath.ch
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