«Le chant a quelque chose de fondamental qui relie les hommes»
Série Apic «Bâtisseurs de ponts» (7)
Winterthour: Le musicien Matthias Gerber veut «construire des ponts en chantant»
Winterthour, 24 juin 2014 (Apic) Le musicien Matthias Gerber ne fait pas que de rêver d’une société dans laquelle le chant ferait partie de la vie quotidienne, il travaille concrètement à la créer. C’est dans cet élan que l’association «StimmVolk» (la voix du peuple) est née il y a cinq ans. Elle s’efforce de construire des ponts par la musique.
«Nous voulons apporter quelque chose à ce monde», assure l’artiste de Winterthour. «Nous trouvons aussi important que les gens s’engagent en politique, mais ce n’est pas notre voie», souligne Matthias Gerber. Dans ce «nous», il inclut sa partenaire, Karin Jana Beck.
Les deux musiciens égayent depuis 20 ans, avec leur formation «Duenda», des fêtes et célébrations où règne, comme ils disent, «un supplément d’âme». Ils dirigent des groupes vocaux et des chorales et rassemblent des chants issus de diverses cultures. «Il y a plusieurs années, nous avons développé ensemble l’impulsion d’utiliser de façon plus consciente le chant comme que force positive et unificatrice et de la faire vivre encore davantage dans l’espace public. Dans notre environnement, cette idée a trouvé un écho. De là, a été créée, il y a cinq ans, l’association «StimmVolk», qui utilise de façon créative cette expression politique.
Le Leitmotiv de «StimmVolk» est «construire des ponts en chantant». Entre-temps, des groupes de chants partenaires se rencontrant de façon régulière sont apparus dans de nombreuses villes de Suisse. «Avec les choix de chansons, nous essayons de créer un pont avec la diversité culturelle en Suisse», explique Matthias Gerber. «Il y a un souvenir qui me tient particulièrement à cœur: nous avions interprété une chanson turque dans la rue principale de Winterthour. Je remarquai soudain un Turc âgé qui avait les larmes aux yeux. Une autre fois, deux jeunes filles des Balkans s’étaient mises à danser sur un air de Bosnie-Herzégovine. De cette manière, des contacts tout à fait inattendus peuvent se créer».
Une musique emplie de spiritualité
Indépendamment du type de chanson, le chant en groupe possède en lui-même une force unificatrice, estime Matthias Gerber. «Si vous chantez dans un groupe sur une période prolongée et que vous pouvez relâcher l’attention que vous portez à la prestation, vous pouvez vous sentir comme faisant partie d’un ensemble sonore. La même chose peut se produire au plan personnel. Quand je chante pleinement, je peux construire un pont vers mon for intérieur, vers mon âme».
La composante spirituelle est bien sûr très présente dans le travail de Matthias Gerber. «Quand je chante et que je me relie à la vision d’un monde en paix, qui doit naturellement commencer à naître en moi-même, cela peut aussi être une forme de prière. Nous sommes cependant discrets avec les chants clairement étiquetés religieux».
La même prudence s’exerce dans le domaine de la politique sociale. «C’est important pour nous de ne pas prendre position contre quelque chose en particulier. Cela ne veut pas dire que nous sommes des béni-oui-oui. Nous évitons seulement de gaspiller notre énergie dans une formes d’opposition. Quand je chante en faveur de quelque chose, c’est également une façon de prendre position. Avec notre éthique de la non-violence, comprise dans toute son extension, nous cherchons le dialogue sans jugement avec tout ce qui existe».
Quand on parle avec Matthias, on ressent que ce qu’il dit vient réellement du cœur. Et, quand il parle des belles expériences vécues ses dernières années à travers le chant, son enthousiasme est contagieux. Il raconte comment le grand rassemblement de chant pour la paix, à la Münsterplatz de Berne, l’année dernière, a réuni dans un élan vocal commun plus de 1’000 femmes, hommes et enfants. Il évoque également le «Stadtruf» de Winterthour, inspiré de la manifestation traditionnelle de la Bénédiction de l’Alpe (Alpsegen), et comment le chant a uni d’une mystérieuse et apaisante manière les chœurs, l’assistance et la cité.
Un art communautaire
Matthias Gerber concède qu’il y a un seul pont que «StimmVolk» n’a pas réussi à bâtir: celui qui devrait le relier aux donateurs. Son groupe ne répond en effet pas aux critères classiques de promotion culturelle. «’StimmVolk’ est une forme d’art communautaire, il n’est pas relié à la scène, mais à la vie quotidienne des gens. Jusqu’à présent, il a été difficile d’obtenir un soutien financier des fondations et des institutions de promotion culturelle.» Et pour Matthias Gerber, il y aurait encore tant à faire, tellement d’idées à développer. Il pense notamment à des groupes de chant interculturels ou multi-générationnels…des projets qui demandent, bien sûr, davantage de participants. «Les ‘ponts-vocaux’ qu’a façonnés ‘StimmVolk’ ont trouvé dans le public une résonance particulièrement positive, à laquelle on ne s’attendait pas. Ainsi, notre projet n’a cessé de croître, même si le noyau actif est resté de la même taille. Après cinq ans, nous voulons maintenant trouver une base de fonctionnement plus large.»
Matthias Gerber se réjouit d’être relevé des tâches administratives pour pouvoir être à nouveau plus actif dans le domaine musical. Il compte ainsi mener encore plus loin son idée d’une culture du chant vivante et ancrée dans le quotidien, en vue de célébrer la beauté, mais aussi pour vaincre les difficultés et les défis de l’existence. «Le chant en groupe peut spécialement développer son potentiel dans les événements tragiques. Il change la perception de l’espace, il sort de la torpeur. Le chant peut former un réceptacle qui soutient et qui porte», assure le musicien.
Encadré 1
Le 6 septembre 2014, une nouvelle «marée humaine» chantante se produira à Berne, à la Münsterplatz, dans le cadre de la quatrième édition de la rencontre chorale «La Paz Cantamos».
Plus d’infos sur: www.stimmvolk.ch
«StimmVolk» a enregistré plusieurs disques de musique populaire du monde, dont on peut entendre les extraits sous le lien:
http://www.tschatscho.ch
Encadré 2
De tout temps, des gens se sont engagés pour bâtir des ponts: entre les personnes, mais aussi entre les confessions, religions, générations, races, langues ou entre différents milieux. Ces bâtisseurs de ponts peuvent réussir, mais il arrive que leur entreprise soit difficile, pénible, épuisante ou même compromise. La série d’été 2014 de l’Apic/Kipa donne la parole à des femmes et des hommes qui bâtissent des ponts dans différents domaines.
Des photos de Matthias Gerber sont disponibles auprès de l’apic au prix de 80.– la première, 60 les suivantes.(apic/re/job)