«Que ces combattants portent l'étendard de l'islam est un blasphème»
Zoug: L’imam Hasan Övmek dénonce la terreur véhiculée par l’Etat islamique
Baar, 12 septembre 2014 (Apic) Les milices de l’Etat islamique sèment la terreur au nord de l’Irak. Même des jeunes occidentaux combattent à leurs côtés, au nom d’Allah. L’imam Hasan Övmek, 31 ans, anime la communauté islamique à Baar, dans le canton de Zoug.
L’imam de Baar ne mâche pas ses mots pour dénoncer toute forme de terrorisme. Ces agissements n’ont rien à voir avec l’islam, affirme-t-il dans la page «Christ und Welt» du 12 septembre 2014, éditée par l’Association Catholique Suisse pour la Presse (ACSP).
Christ und Welt: Monsieur Övmek, chaque jour paraissent des nouvelles sur les milices de l’Etat islamique (EI). Que provoquent en vous ces images si brutales?
Hasan Övmek: Peu importe de quel côté de la terre on se trouve. Peu importe la religion à laquelle on appartient. Personne au monde ne peut accepter des actes aussi effroyables. Ces milices terroristes n’ont rien à voir avec l’islam, car l’Islam est une religion qui signifie «la paix». Que les combattants de l’EI portent l’étendard de l’islam constitue en réalité un blasphème. C’est une infâme tromperie.
C&W: Et pourtant le djihad, la «guerre sainte» existe. Et dans le verset de l’épée, sourate 9, du Coran, il est dit: » Après que les mois sacrés expirent, tuez les polythéistes (terme désignant les chrétiens / ndr) où que vous les trouviez». Est-ce compatible avec une religion de la paix?
H.Ö.: Non, le djihad n’est pas le combat arbitraire par lequel on peut simplement abattre n’importe qui. Le djihad consiste plutôt à pouvoir se défendre lorsque l’on est attaqué. Dans une guerre, on devrait au moins préserver les femmes, les enfants et tous les civils. Et ce n’est pas ce que fait l’EI. Le djihad signifie également que l’on doit s’efforcer d’avoir une bonne formation afin d’être conscient de ses actes.
C&W: De nombreux jeunes fanatiques des pays occidentaux ne semblent pas avoir compris cela.
H.Ö.: En ce qui concerne ma communauté du Fatih Cami à Baar, je peux mettre ma main au feu que personne n’a combattu en Irak. Nous parlons régulièrement de ces événements avant la prière. Je ne cesse de prêcher que l’islam ne peut pas être un groupe de terroristes, mais signifie la paix. Pour autant que je sache, jusqu’à présent aucun combattant ne provient de la Suisse.
Il est difficile de comprendre pourquoi beaucoup de jeunes des pays occidentaux participent aux actions de l’EI. Un des aspects du problème est qu’ils ne savent pas beaucoup de choses sur l’islam, et en tous cas moins que leurs parents. Il apparaît clairement que l’énorme propagande islamique, liée à des promesses financières, amène des jeunes à se laisser instrumentaliser. Tout comme des jeunes se laissent aussi tenter par la consommation de drogues.
C&W: Comment les musulmans sont-ils intégrés chez nous, à votre avis?
H.Ö.: Je pense que la plupart sont bien intégrés s’ils ont une bonne formation. Cela concerne surtout la deuxième et la troisième génération. La première génération, celle de nos parents et grands-parents, était peut-être moins bien intégrée, notamment parce qu’elle ne savait pas si bien parler allemand. Moi-même, je fréquente depuis 5 mois un cours de langue, pour mieux maîtriser l’allemand.
C&W: A quels problèmes êtes-vous confronté avec vos fidèles, lorsque vous discutez avec eux?
H.Ö.: Ce sont surtout des questions de la vie de tous les jours. Ils me parlent de leur travail. Certains disent par exemple qu’ils sont fatigués car ils doivent travailler en équipe de nuit.
C&W: Tout comme les chrétiens d’ailleurs. Et pourtant l’impression selon laquelle les chrétiens et les musulmans ne se comprennent pas persiste. Que faut-il faire?
H.Ö.: Je pense que l’on pourrait développer encore plus le dialogue interreligieux entre chrétiens et musulmans. Notre mosquée est ouverte à tout le monde. On pourrait prier ensemble. On devrait parler davantage entre nous et soigner les contacts, en ayant notamment pour but d’aider davantage nos jeunes, afin qu’ils ne plongent pas et ne se perdent pas dans des groupes radicaux. En ce qui concerne la tolérance religieuse, dans l’enseignement coranique à nos enfants, je ne cesse de prôner un comportement respectueux à l’école, et de ne pas dire quoi que ce soit de négatif sur les autres religions. Mais en même temps, ils ne doivent pas renier leur propre culture.
C&W: Chaque société a ses fondamentalistes. Cela est apparu en Suisse avec l’interdiction des minarets. Cette votation vous a-t-elle blessé?
H.Ö.: A cette époque, je ne vivais pas encore en Suisse. Mais lorsque j’en ai pris connaissance, je me suis effectivement senti un peu blessé. En Turquie, les cloches des chrétiens peuvent sonner et les clochers peuvent être bâtis. Il ne faut pas avoir peur de l’islam.
C&W: C’est un point de vue très libéral. Les femmes occidentales ont toujours l’impression que l’islam reste une religion autoritaire.
H.Ö.: La femme n’est pas opprimée dans l’islam. Le prophète Mohammed a dit: «Le paradis se trouve sous les pieds de la mère» et «Le meilleur d’entre vous est celui qui s’occupe le mieux de sa femme». Le prophète a également déclaré: «Le monde entier est une institution réjouissante, mais ce qui est le plus réjouissante au monde est une femme honnête».
C&W: Quel regard portez-vous sur le catholicisme? Vous êtes un imam marié et père de deux filles. Cela ne serait pas possible pour un prêtre catholique.
H.Ö.: Je ne critiquerais jamais une autre religion. Il faut accepter les choses comme elles sont.
Encadré:
Hasan Övmek est né et à grandi à Ordu en Turquie. Il a terminé ses études de théologie à l’Université d’Istanbul en 2005. Il est actuellement imam à Baar, dans le canton de Zoug. Il et marié et père de deux filles.
(apic/wh/bb)