«Le phénomène religieux se rappelle sans cesse à nous»

Fribourg: Darius Rochebin se confie à la faculté de théologie

Fribourg, 24 octobre 2014 (Apic) Le présentateur vedette de la Radio Télévision Suisse (RTS) était l’invité de la faculté de théologie de Fribourg, ce vendredi 24 octobre 2014. Pendant plus d’une heure, Darius Rochebin, présentateur du 19:30, s’est entretenu du phénomène religieux, mais aussi de ses convictions de journaliste avec les étudiants de l’université venus en nombre découvrir celui qui, du lundi au jeudi, s’invite dans plus de 60% des foyers de Suisse romande. Invité par les étudiants, le journaliste s’est retrouvé dans une posture peu habituelle. Une fois n’est pas coutume, c’est lui qui répondait aux questions de son public.

D’emblée, Darius Rochebin explique que le phénomène religieux occupe une place de choix dans le paysage médiatique romand. «Il se rappelle sans cesse à nous», souligne-t-il, ce qui ne va pas sans difficulté puisque le monde – et donc les rédactions – «peinent à le comprendre». Et le journaliste d’en retracer la trajectoire récente. «Dans mon métier, plus les années passent, plus je suis impressionné par la force du phénomène religieux. Dans les années 80, nous avions tendance à le sous-estimer en nous intéressant à des questions comme le préservatif ou la maladie de Jean-Paul II. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. La foi est une réalité puissante. Dans une société comme la nôtre, où nous sommes en général tous plus ou moins sociaux-démocrates, les gens qui ont des convictions profondes étonnent. Ils ont une force extraordinaire».

«Nous nous devons d’être critiques»

Or ces convictions, si ancrées soient-elles chez certains, demeurent relativement étrangères aux yeux du journaliste. «Lorsque le pape Jean-Paul II est mort, en 2005, j’étais sur la place Saint-Pierre. Dans la foule, il y avait beaucoup de jeunes. L’ambiance de foi collective était particulièrement forte. En tant que journaliste toutefois, nous traitons cette réalité d’un point de vue laïc. Nous nous devons d’être critiques, ce qui implique d’ordonner toute vérité supérieure à la vérité du fait».

Dans cette perspective, la presse est devenue «un monstre d’objectivité». A l’intérieur des médias, «elle est presque mécanique», indique Darius Rochebin. «La rigueur avec laquelle l’information est traitée est telle que la marge d’opinion est devenue très faible. Nous sommes loin de la presse d’antan où l’opinion de l’éditorialiste primait sur le fait. La technique permet aujourd’hui une force de vérité extrêmement puissante, mais également extrêmement relativiste».

L’objectivité et ses nuances

L’ultime critère qui délimite le travail et la zone d’investigation du journaliste est, selon Darius Rochebin, l’opinion générale. «Aucune pression n’existe sur le journalisme en Suisse si ce n’est l’opinion commune du public. Dans les médias, si vous allez trop loin dans des positions partisanes, le public vous le rappelle. La censure du peuple fonctionne très bien».

Loin d’être un obstacle, cette «objectivité intégrale» est un terrain dans lequel il se meut avec un certain plaisir. «Regarder le monde avec objectivité peut aller très loin». Dans une approche «racinienne» du journalisme, qui cherche à décrire le réel dans ce qu’il porte de lumineux, mais également dans sa part d’ombre, il importe de tenir toute la rigueur des nuances. Ainsi avoue-t-il chercher jusqu’à «l’humanité d’un djihadiste».

L’Eglise et l’opinion générale

Reste que cette objectivité peut frustrer les gens «qui soutiennent une vérité supérieure à la petite vérité factuelle». L’opinion générale, qui peut prendre la forme du politiquement correct, tendrait-elle à étouffer toute conviction «hétérodoxe»? «Même l’Eglise est contrainte par cette opinion commune, affirme Darius Rochebin. Aujourd’hui, il est par exemple politiquement incorrect de parler de conversion. Lorsque je demande à des responsables religieux s’ils souhaitent ou non convertir des gens, très peu me répondent ‘oui’».

L’Eglise serait-elle pour autant déterminée à suivre les différentes formes que prend cette opinion commune qui «se transforme plus rapidement qu’un carriériste ne tourne sa veste»? La question reste ouverte. Pour autant, l’antique institution demeure «une machine de communication tout à fait impressionnante qui arrive à se renouveler de règne en règne» capable même d’une certaine influence sur l’opinion générale. Ainsi en a-t-il été de la vieillesse et de la mort de Jean-Paul II. «Il est intéressant de relever la séquence. Au début les gens trouvaient cela indécent. Le fait de montrer la maladie, la vieillesse puis la mort étaient autant d’actes politiquement incorrectes. Or, ultimement, c’est un sentiment de fascination qui dominait», conclut Darius Rochebin. (apic/pp)

24 octobre 2014 | 18:06
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
Partagez!