Strasbourg : Selon l’aumônier au Parlement européen, le pape se rend dans un «temple de la sécularisation»
Un certain essoufflement des valeurs européennes
Strasbourg, 24 novembre 2014 (Apic) Le pape François, qui se rendra le 25 novembre 2015 au Parlement européen et au Conseil de l’Europe à Strasbourg, visitera les «temples de la sécularisation», où il devrait rappeler les grandes valeurs de l’Union européenne. C’est ce qu’a confié à I.MEDIA, à la veille de cette visite, le Frère Bernard Senelle, dominicain français, aumônier au Parlement européen.
Q. : La visite du pape François intervient 26 ans après celle de Jean-Paul II, en 1988. En quoi le contexte a-t-il énormément changé ?
Frère Bernard Senelle: Le plus évident c’est bien sûr l’élargissement de l’Union européenne. Il y a aujourd’hui 28 pays au Parlement européen, 751 députés, et à travers eux le pape va s’adresser à 500 millions de citoyens européens. Et cela sans parler des 47 pays que concerne le Conseil de l’Europe avec 800 millions d’Européens et de non Européens : il suffit de penser à la Turquie ou à l’Azerbaïdjan. Par ailleurs, ce qui est marquant, c’est la sécularisation galopante qui, en dépit des efforts louables de la nouvelle évangélisation, ne cesse de gagner du terrain. Le Parlement européen, et plus encore le Conseil de l’Europe, sont des temples de la sécularisation et des lieux farouchement anti-cléricaux.
Q. : Les dernières élections européennes ont vu émerger des partis anti-européens. En quoi cela inquiète-t-il l’Eglise ?
B.S.:Le cardinal Reinhard Marx, président de la Commission des épiscopats de la communauté européenne (COMECE), a bien dit que «certains de ces partis ne sont pas seulement populistes mais nationalistes et xénophobes, une attitude qui est inacceptable pour les chrétiens et qui menace la coexistence pacifique des peuples». Ainsi, je crois que la visite du pape arrive au bon moment parce que c’est le début d’une nouvelle législature qui marque un certain essoufflement de l’Union européenne et de ses grandes valeurs. Il suffit de penser à des valeurs comme le principe de participation, le principe de subsidiarité, la solidarité, qui sont issues de la doctrine sociale de l’Eglise et sont inscrites comme telles dans le droit européen. Le pape va sans doute axer son discours sur les questions de chômage, d’immigration, de la traite des êtres humains.
Q. : La visite du pape à Strasbourg met-elle en danger, comme l’ont dit certains, la laïcité des institutions européennes ?
B.S.:Un observatoire chrétien de la laïcité a même écrit une lettre ouverte au président du Parlement européen, considérant que la venue du pape n’était pas opportune, qu’il ne fallait pas confondre Saint-Siège et Etat du Vatican. Je ne suis pas d’accord avec cette prise de position. La laïcité est une valeur ouverte dont l’Alsace Moselle est un exemple, une valeur qui donne la parole à toutes les confessions et aux convictions humanistes. Il ne faut pas confondre les tenants de la laïcité et les laïcards. La venue du pape ne touche en rien à la séparation entre pouvoir religieux et pouvoir civil.
Q. : Dans ce contexte, que signifie être aumônier au Parlement européen ?
B.S.:C’est une présence très modeste, mais repérée comme telle. Une présence cultuelle car il y a une demande de la part d’un certain nombre de personnes pour une célébration lors des sessions parlementaires, plus suivie semble-t-il qu’à Bruxelles où une proposition semblable est faite. C’est aussi une présence d’écoute puisqu’il m’arrive de célébrer le sacrement de réconciliation avec des députés avant ou après la messe. J’ai pu mesurer en outre, lors de rencontres amicales, la grande solitude des députés, qui ont une vie extrêmement mouvementée. Et puis il y aussi un contact permanent avec les membres du Bureau du parlement, qui travaillent à l’année à Strasbourg. (apic/imedia/ami/mp)