Philippe Aymon

Les trois interventions du Pape lors du pèlerinage des familles

Le samedi 26 et dimanche 27 octobre le Saint-Père recevait à Rome des familles du monde entier. Organisé dans le cadre de l’Année de la Foi, ce pèlerinage a rassemblé une foule impressionnante sur la place Saint-Pierre et dans la via Conciliazione. À deux reprises, pour la veillée du samedi et pour la messe du dimanche, le pape François s’est adressé aux pèlerins, rappelant la place unique de la famille et l’importance de la prière et des sacrements au service de cette dernière.
Avant ce temps fort de l’année de la foi, le vendredi 25 octobre, le pape avait rencontré les participants à la 21ème Assemblée du Conseil pontifical pour la famille.
Vous trouverez ci-dessous le texte intégral des deux messages du Souverain Pontife aux familles et celui adressé au Conseil pontifical pour la famille.
Abbé Philippe AYMON

 

«Avec cette confiance en la fidélité de Dieu on peut tout affronter, sans peur, avec responsabilité. Les époux chrétiens ne sont pas naïfs, ils connaissent les problèmes et les dangers de la vie. Mais ils n’ont pas peur d’assumer leurs responsabilités, devant Dieu et la société; sans s’échapper, sans s’isoler, sans renoncer à la mission de former une famille et de mettre au monde des enfants. – Mais aujourd’hui, mon Père, c’est difficile…–. En effet, c’est difficile. C’est pour cela que la grâce est nécessaire, la grâce que nous donne le Sacrement!» (Extrait)

Discours du pape François aux familles

Chères familles,

Bonsoir et bienvenue à Rome !

Vous êtes venus de plusieurs régions du monde, en pèlerins, pour professer votre foi devant la tombe de saint Pierre. Cette place vous accueille et vous prend dans ses bras : nous sommes un seul peuple, avec une seule âme, appelés par le Seigneur qui nous aime et nous soutient. Je salue aussi toutes les familles qui sont reliées par la télévision et par l’Internet : c’est une place qui s’élargit sans limites.

Vous avez voulu appeler ce moment : « Famille, vis la joie de la foi ». Ce titre me plaît. J’ai écouté vos expériences, les histoires que vous avez racontées. J’ai vu beaucoup d’enfants, beaucoup de grands-parents… J’ai entendu la douleur des familles qui vivent une situation de pauvreté et de guerre. J’ai écouté les jeunes qui veulent se marier malgré mille difficultés. Et maintenant nous nous demandons : comment est-il possible de vivre la joie de la foi, aujourd’hui, en famille ? Mais je vous demande aussi : « est-ce possible de vivre cette joie ou ce n’est pas possible ? »

1. Il y a une parole de Jésus, dans l’Evangile de Matthieu, qui nous éclaire : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos » (Mt 11, 28). La vie souvent est pénible, souvent aussi tragique ! Nous avons entendu récemment… Travailler est pénible, chercher un travail est pénible. Et trouver du travail aujourd’hui nous demande beaucoup d’effort. Mais ce qui est le plus pénible dans la vie ce n’est pas cela : ce qui est plus pénible que toutes ces choses c’est le manque d’amour. C’est pénible de ne pas recevoir un sourire, de ne pas être accueilli. Ils sont pénibles certains silences, parfois aussi en famille, entre mari et femme, entre parents et enfants, entre frères. Sans amour, la peine devient plus pesante, insupportable. Je pense aux personnes âgées qui sont seules, aux familles qui peinent de ne pas être aidées à soutenir ceux qui, à la maison, ont besoin d’attentions spéciales et de soins. « Venez à moi vous tous qui peinez sous le poids du fardeau », dit Jésus.

Chères familles, le Seigneur connaît nos fatigues : il les connaît ! Et il connaît les poids de notre vie. Mais le Seigneur connaît aussi notre profond désir de trouver la joie du repos ! Vous vous rappelez ? Jésus a dit : « que votre joie soit complète »  (Jn 15, 11). Jésus veut que notre joie soit complète. Il l’a dit aux apôtres et il nous le répète aujourd’hui. Alors, ceci est la première chose que, ce soir, je veux partager avec vous, et c’est une parole de Jésus : Venez à moi, familles du monde entier – dit Jésus – et je vous donnerai le repos, afin que votre joie soit complète. Et cette parole de Jésus, portez-la chez vous, portez-la dans votre cœur, partagez-la en famille. Il nous invite à venir à lui pour nous donner, pour donner à tous la joie.

2. La seconde parole, je la prends du rituel du Mariage. Celui qui se marie dans le Sacrement dit : « Je promets de te rester fidèle, dans le bonheur et dans les épreuves, dans la santé et dans la maladie, et de t’aimer tous les jours de ma vie ». Les époux, à ce moment, ne savent pas ce qui arrivera, ils ne savent pas quelles joies et quelles peines les attendent. Ils partent, comme Abram, ils se mettent en route ensemble. Et c’est cela le mariage ! Partir et marcher ensemble, main dans la main, s’en remettant entre les mains du Seigneur. Main dans la main, toujours et pour toute la vie ! Et ne pas prêter attention à cette culture du provisoire, qui morcèle notre vie !

Avec cette confiance en la fidélité de Dieu on peut tout affronter, sans peur, avec responsabilité. Les époux chrétiens ne sont pas naïfs, ils connaissent les problèmes et les dangers de la vie. Mais ils n’ont pas peur d’assumer leurs responsabilités, devant Dieu et la société ; sans s’échapper, sans s’isoler, sans renoncer à la mission de former une famille et de mettre au monde des enfants. – Mais aujourd’hui, mon Père, c’est difficile…–. En effet, c’est difficile. C’est pour cela que la grâce est nécessaire, la grâce que nous donne le Sacrement! Les Sacrements ne servent pas à décorer la vie  – mais quel beau mariage, quelle belle cérémonie, quelle belle fête !… Mais ce n’est pas le Sacrement, ce n’est pas la grâce du Sacrement. C’est une décoration ! Et la grâce ne sert pas à décorer la vie, elle sert pour nous rendre forts dans la vie, pour nous rendre courageux, pour pouvoir avancer ! Sans s’isoler, toujours ensemble. Les chrétiens se marient dans le Sacrement parce qu’ils ont conscience d’en avoir besoin ! Ils en ont besoin pour être unis entre eux, et pour accomplir leur mission de parents. « Dans le bonheur et dans les épreuves, dans la santé et dans la maladie ». Ainsi disent les époux dans le Sacrement et dans leur Mariage ils prient ensemble et avec la communauté. Pourquoi ? Parce qu’on a l’habitude de faire comme cela ? Non ! Ils le font parce qu’ils en ont besoin pour le long voyage qu’ils doivent faire ensemble : un long voyage qui ne s’effectue pas par bout de chemin, mais dure toute la vie ! Et ils ont besoin de l’aide de Jésus pour marcher ensemble avec confiance, pour s’accueillir l’un l’autre chaque jour, et se pardonner chaque jour ! C’est important ! Savoir se pardonner en famille, car tous nous avons des défauts, tous ! Parfois nous faisons des choses qui ne sont pas bonnes et font mal aux autres ! Avoir le courage de s’excuser, quand nous nous trompons en famille… Il y a quelques semaines, sur cette place, j’ai dit que pour conduire une famille, il est nécessaire d’utiliser trois mots. Je veux le répéter. Trois mots : permission, merci, excuse. Trois mots clés ! Nous demandons la permission afin de ne pas être envahissants en famille. « Puis-je faire cela ? ça te plaît que je fasse cela ? ». Par le langage de la demande de permission. Nous disons merci, merci pour l’amour ! Mais dis-moi, combien de fois, par jour, tu dis merci à ton épouse, et toi à ton époux ? Combien de jours passent, sans que tu ne dises ce mot : merci ? Et le dernier : excuse. Tous nous nous trompons et parfois quelqu’un est offensé dans la famille et dans le mariage, et quelquefois – je dis – les assiettes volent, on se dit des paroles violentes, mais écoutez ce conseil : ne pas finir la journée sans faire la paix. La paix se refait chaque jour en famille ! « Excusez-moi », voici, et on recommence. Permission, merci, excuse ! Nous le disons ensemble ? (ils répondent : « oui »). Permission, merci et excuse ! Vivons ces trois mots en famille ! Se pardonner tous les jours.

Dans sa vie, la famille connaît beaucoup de beaux moments : le repos, le repas ensemble, la sortie dans le parc ou à la campagne, la visite aux grands-parents, la visite à une personne malade… Mais s’il manque l’amour, il manque la joie, il manque la fête, et l’amour c’est Jésus qui nous le donne toujours : il est la source inépuisable. Là, dans le Sacrement, il nous donne sa Parole et il nous donne le Pain de la vie, pour que notre joie soit complète.

3. Et pour terminer, devant nous cette icône de la Présentation de Jésus au Temple. C’est une icône vraiment belle et importante. Contemplons-la et faisons-nous aider par cette image. Comme vous tous, les protagonistes de la scène ont leur histoire : Marie et Joseph se sont mis en marche, pèlerins vers Jérusalem, par obéissance à la Loi du Seigneur ; de même le vieux Siméon et la prophétesse Anne, également très âgée, arrivent au Temple poussés par l’Esprit Saint. La scène nous montre cet entrelacement de trois générations, l’entrelacement de trois générations : Siméon tient dans ses bras l’enfant Jésus dans lequel il reconnaît le Messie, et Anne est représentée dans le geste de louange de Dieu et d’annonce du salut à ceux qui attendaient la rédemption d’Israël. Ces deux personnes âgées représentent la foi en tant que mémoire. Mais je vous demande : « écoutez-vous les grands-parents ? Ouvrez-vous le cœur à la mémoire que nous donnent les grands-parents ? Les grands-parents sont la sagesse de la famille, ils sont la sagesse d’un peuple. Et un peuple qui n’écoute pas les grands-parents, est un peuple qui meurt ! Écouter les grands-parents ! Marie et Joseph sont la Famille sanctifiée par la présence de Jésus, qui est l’accomplissement de toutes les promesses. Toute famille, comme celle de Nazareth, est insérée dans l’histoire d’un peuple et ne peut exister sans les générations précédentes. Et c’est pourquoi, aujourd’hui, nous avons ici les grands-parents et les enfants. Les enfants apprennent des grands-parents, de la génération précédente.

Chères familles, vous aussi vous faites partie du peuple de Dieu. Marchez dans la joie, ensemble avec ce peuple. Demeurez toujours unies à Jésus et portez-le à tous par votre témoignage. Je vous remercie d’être venues. Ensemble, faisons nôtres les paroles de saint Pierre, qui nous donnent la force, et nous donneront la force dans les moments difficiles : « Seigneur, vers qui pourrions-nous aller ? Tu as les paroles de la vie éternelle » (Jn 6, 68). Avec la grâce du Christ, vivez la joie de la foi ! Que le Seigneur vous bénisse et que Marie, notre Mère, vous protège et vous accompagne. Merci !

(Source: ZENIT © Innovative Media Inc.)

Homélie du pape François

Les lectures de ce dimanche nous invitent à méditer sur quelques caractéristiques fondamentales de la famille chrétienne.

1. La première : la famille qui prie. Le passage de l’Évangile met en évidence deux façons de prier, une qui est fausse – celle du pharisien – et l’autre qui est authentique – celle du publicain. Le pharisien incarne un comportement qui n’exprime pas l’action de grâce à Dieu pour ses bienfaits et sa miséricorde, mais plutôt l’autosatisfaction. Le pharisien se sent juste, il se sent correct, il se rengorge de cela et il juge les autres du haut de son piédestal. Le publicain, au contraire, ne multiplie pas les paroles. Sa prière est humble, modeste, empreinte de la conscience de son indignité, de ses misères : cet homme vraiment admet qu’il a besoin du pardon de Dieu, de la miséricorde de Dieu.

La prière du publicain est celle du pauvre, c’est la prière qui plaît à Dieu et, comme le dit la première Lecture, qui « parvient jusqu’au ciel » (Sir 35, 20), alors que celle du pharisien est alourdie par le poids de la vanité.

À la lumière de cette Parole, je voudrais vous demander, chères familles : priez-vous parfois en famille ? Quelqu’un oui, je le sais. Mais beaucoup me disent : mais comment on fait ? Mais, on fait comme le publicain, c’est clair : humblement, devant Dieu. Que chacun, avec humilité, se laisse regarder par le Seigneur et demande sa bonté, pour qu’elle vienne à nous. Mais, en famille, comment on fait ? Parce que la prière semble être une affaire personnelle, et puis il n’y a jamais un moment favorable, tranquille, en famille… Oui, c’est vrai, mais c’est aussi une question d’humilité, de reconnaître que nous avons besoin de Dieu, comme le publicain ! Et toutes les familles ! Nous avons besoin de Dieu : tous, tous ! Nous avons besoin de son aide, de sa force, de sa bénédiction, de sa miséricorde, de son pardon. Et il faut de la simplicité : prier en famille, il faut de la simplicité ! Prier ensemble le « Notre Père », autour de la table, n’est pas quelque chose d’extraordinaire : c’est facile. Et prier le Rosaire ensemble, en famille, c’est très beau, ça donne beaucoup de force ! Et aussi prier les uns pour les autres : l’époux pour l’épouse, l’épouse pour l’époux, tous les deux pour les enfants, les enfants pour les parents, pour les grands-parents… Prier les uns pour les autres. C’est prier en famille, et cela renforce la famille : la prière !

2. La deuxième Lecture nous suggère un autre point : la famille garde la foi. L’apôtre Paul, au déclin de sa vie, fait un bilan fondamental, et dit : « J’ai gardé la foi » (2 Tm 4, 7). Mais comment l’a-t-il gardée ? Pas dans un coffre-fort ! Il ne l’a pas enfouie dans la terre, comme ce serviteur un peu paresseux. Saint Paul compare sa vie à un combat et à une course. Il a gardé la foi parce qu’il ne s’est pas contenté de la défendre, mais il l’a annoncée, diffusée, il l’a portée loin. Il s’est fermement opposé à ceux qui voulaient conserver, « fossiliser » le message du Christ dans les limites de la Palestine. C’est pourquoi il a fait des choix courageux, il s’est rendu dans des territoires hostiles, il s’est laissé provoquer par ceux qui sont loin, par diverses cultures, il a parlé franchement, sans peur. Saint Paul a conservé la foi, car, comme il l’a reçue, il l’a donnée, en allant dans les périphéries, sans se retrancher dans des positions défensives.

Ici aussi, nous pouvons nous demander : de quelle façon nous, en famille, nous gardons notre foi ? La retenons-nous pour nous, dans notre famille, comme un bien privé, comme un compte en banque, ou savons-nous la partager par le témoignage, l’accueil, et l’ouverture aux autres ? Tous nous savons que les familles, en particulier celles qui sont jeunes, sont souvent « pressées », très affairées ; mais parfois pensez-vous que cette « course » peut aussi être la course de la foi ? Les familles chrétiennes sont des familles missionnaires. Mais, hier nous avons écouté, ici, sur cette place, le témoignage de familles missionnaires. Elles sont missionnaires aussi dans la vie de chaque jour, en faisant les choses de tous les jours, en mettant en tout le sel et le levain de la foi ! Garder la foi en famille et mettre le sel et le levain de la foi dans les choses de tous les jours.

3. Et nous tirons un troisième aspect de la Parole de Dieu : La famille qui vit la joie. Dans le Psaume responsorial on trouve cette expression : « Que les pauvres entendent et soient en fête » (33/34,3). Tout ce Psaume est une hymne au Seigneur, source de joie et de paix. Et quelle est la raison de cette joie ? Ceci : le Seigneur est proche, il écoute le cri des humbles et les délivre du mal. Saint Paul l’écrivait aussi : « Soyez toujours dans la joie… le Seigneur est proche » (Ph 4, 4-5). Eh… il me plairait de poser une question, aujourd’hui. Mais, que chacun la porte dans son cœur, chez soi, eh ?, comme un devoir à faire. Et on répond seul. Comment va la joie, chez toi ? Comment va la joie dans ta famille ? Eh, donnez la réponse.

Chères familles, vous le savez bien : la vraie joie que l’on goûte en famille n’est pas quelque chose de superficiel, elle ne vient pas des choses, des circonstances favorables… La vraie joie vient d’une harmonie profonde entre les personnes, que tout le monde ressent en son cœur, et qui nous fait sentir la beauté d’être ensemble, de nous soutenir mutuellement sur le chemin de la vie. Mais à la base de ce sentiment de joie profonde, il y a la présence de Dieu, la présence de Dieu dans la famille, il y a son amour accueillant, miséricordieux, respectueux envers tout le monde. Et surtout, un amour patient : la patience est une vertu de Dieu et elle nous enseigne, en famille, à avoir cet amour patient, l’un envers l’autre. Avoir de la patience entre nous. Amour patient. Seul Dieu sait créer l’harmonie des différences. S’il manque l’amour de Dieu, la famille aussi perd son harmonie, les individualismes prévalent, et la joie s’éteint. En revanche, la famille qui vit la joie de la foi la communique spontanément, elle est sel de la terre et lumière du monde, elle est levain pour toute la société.

Chères familles, vivez toujours avec foi et simplicité, comme la sainte famille de Nazareth. La joie et la paix du Seigneur soit toujours avec vous !

(Source: ZENIT © Innovative Media Inc.)

Message au Conseil pontifical pour la famille

Messieurs les cardinaux,
Chers frères dans l’épiscopat et le sacerdoce,
Chers frères et sœurs,

Soyez les bienvenus à l’occasion de la XXIe Assemblée plénière du Conseil pontifical pour la famille. Je remercie le président, Mgr Vincenzo Paglia, pour les paroles avec lesquelles il a introduit notre rencontre.

1 Le premier point sur lequel je voudrais m’arrêter est celui-ci : la famille est une communauté de vie qui a une consistance proprement autonome. Comme l’a écrit le bienheureux Jean-Paul II dans l’exhortation apostolique Familiaris consortio, la famille n’est pas la somme des personnes qui la constituent, mais une « communauté de personnes » (cf. N. 17-18). Et une communauté est plus que la somme des personnes.

Elle est le lieu où l’on apprend à aimer, le centre naturel de la vie humaine. Elle est faite de visages, de personnes qui aiment, dialoguent, se sacrifient pour les autres et défendent la vie, surtout celles des plus fragiles et des plus faibles. On pourrait dire, sans exagérer, que la famille est le moteur du monde et de l’histoire. Chacun de nous construit sa personnalité en famille, grandissant avec sa mère et son père, ses frères et ses sœurs, respirant la chaleur de la maison. La famille est le lieu où nous recevons notre nom, le lieu des affections, l’espace de l’intimité, où l’on apprend l’art du dialogue et de la communication interpersonnelle. Dans la famille, chacun prend conscience de sa dignité et, surtout si l’on y reçoit une éducation chrétienne, reconnaît la dignité de toute personne, en particulier de celle qui est malade, faible, marginalisée.

Tout ceci constitue la communauté-famille, qui demande à être reconnue comme telle, d’autant plus aujourd’hui où prévaut la protection des droits individuels. C’est pourquoi vous avez bien fait de porter une attention particulière à la Charte des droits de la famille, qui a été présentée il y a exactement trente ans, le 22 octobre 1983.

2 Passons au second point – on dit que les jésuites parlent toujours par trois, en trois points : un, deux, trois. Second point : la famille est fondée sur le mariage. À travers un acte d’amour libre et fidèle, les époux chrétiens témoignent que le mariage, en tant que sacrement, est la base sur laquelle se fonde la famille et qui rend plus solide l’union des époux et le don mutuel qu’ils se font l’un à l’autre. Le mariage est comme s’il s’agissait d’un premier sacrement de l’humain, où la personne se découvre elle-même, se comprend elle-même dans la relation aux autres et dans la relation à l’amour qu’elle est capable de recevoir et de donner. L’amour sponsal et familial manifeste clairement la vocation de la personne à aimer de manière unique et pour toujours et révèle aussi que les épreuves, les sacrifices et les crises du couple, comme de la famille, représentent des passages pour grandir dans le bien, la vérité et la beauté. Dans le mariage, on se donne complètement, sans calcul ni réserve, partageant tout, les dons comme les renoncements, en faisant confiance à la providence de Dieu. C’est cette expérience que les jeunes peuvent apprendre de leurs parents et de leurs grands-parents. C’est une expérience de foi en Dieu et de confiance mutuelle, de liberté profonde, de sainteté, parce que la sainteté suppose le don de soi dans la fidélité et le sacrifice quotidien de sa vie ! Mais il y a des problèmes dans le mariage. Toujours des points de vue différents, des jalousies, on se dispute. Mais il faut dire aux jeunes époux qu’ils ne terminent jamais une journée sans faire la paix entre eux. Le sacrement du mariage est renouvelé par cet acte de paix après une discussion, un malentendu, une jalousie cachée, et même un péché. Faire la paix qui donne l’unité à la famille ; et cela, il faut le dire aux jeunes, aux jeunes couples, qu’il n’est pas facile d’emprunter cette route, mais qu’elle si belle, cette route, si belle. Il faut le leur dire !

3 Je voudrais maintenant faire au moins allusion à deux phases de la vie familiale : l’enfance et la vieillesse. Les enfants et les personnes âgées représentent les deux pôles de la vie qui sont aussi les plus vulnérables, souvent les plus oubliés. Lorsque je confesse un homme ou une femme, mariés, jeunes, et quelque chose vient au sujet de leur fils ou de leur fille, dans la confession, je demande : mais combien d’enfants avez-vous ? Et ils me disent, peut-être qu’ils attendent une autre question après celle-ci. Mais je pose toujours cette seconde question : Et dites-moi, Monsieur ou Madame, vous jouez avec vos enfants ? – Comment, Père ? – Vous perdez du temps avec vos enfants ? Vous jouez avec vos enfants ? – Mais non, vous savez, quand je quitte la maison le matin, me dit l’homme, ils dorment encore et quand je rentre, ils sont couchés. La gratuité aussi, cette gratuité du papa ou de la maman avec ses enfants est tellement importante : « perdre du temps » avec ses enfants, jouer avec eux. Une société qui abandonne les enfants et qui marginalise les personnes âgées se coupe de ses racines et obscurcit son avenir. Chaque fois qu’un enfant est abandonné et une personne âgée marginalisée, non seulement on commet un acte d’injustice, mais on sanctionne aussi l’échec d’une société. Prendre soin des petits et des personnes âgées est un choix de civilisation.

Et cela me réjouit que le Conseil pontifical pour la famille ait créé une nouvelle icône de la famille : elle reprend la scène de la Présentation de Jésus au temple, avec Marie et Joseph qui portent l’Enfant pour accomplir la loi, et les deux vieillards Siméon et Anne qui, mûs par l’Esprit-Saint, l’accueillent comme le Sauveur. Le titre de l’icône est éloquent : « Sa miséricorde s’étend d’âge en âge ». L’Église qui prend soin des enfants et des personnes âgées devient la mère des générations de croyants et, en même temps, elle sert la société humaine pour qu’un esprit d’amour, un esprit familial, de solidarité, aide chacun à redécouvrir la paternité et la maternité de Dieu. Et moi, quand je lis ce passage d’Évangile, j’aime penser que les jeunes, Joseph et Marie et leur enfant aussi, font tout ce que dit la Loi. Saint Luc le répète quatre fois : pour accomplir la Loi. Ils obéissent à la Loi, les jeunes ! Et les deux vieillards, ils font du bruit ! À ce moment, Siméon invente une liturgie à lui et loue, les louanges de Dieu. Et la petite vieille, elle bavarde, elle prêche par ses bavardages : « Regardez-le ! », « comme ils sont libres ! ». Et il est dit trois fois des vieillards qu’ils sont conduits par l’Esprit-Saint. Les jeunes par la loi et les autres par l’Esprit-Saint. Regardez les personnes âgées qui ont cet Esprit en elles, écoutez-les !

La « bonne nouvelle » de la famille représente un aspect très important de l’évangélisation, que les chrétiens peuvent communiquer à tous, par le témoignage de leur vie ; et ils le font déjà, c’est évident dans les sociétés sécularisées : les familles vraiment chrétiennes se reconnaissent à leur fidélité, leur patience, leur ouverture à la vie, leur respect envers les personnes âgées… Le secret de tout ceci est la présence de Jésus dans la famille. Proposons donc à tous, avec respect et courage, la beauté du mariage et de la famille éclairés par l’Évangile ! Et dans ce but, approchons-nous avec attention et affection des familles en difficulté, de celles qui sont contraintes à quitter leur terre, de celles qui sont brisées, qui n’ont pas de toit ou de travail, ou qui souffrent pour beaucoup d’autres raisons, approchons-nous des époux en crise et de ceux qui sont désormais séparés. Nous voulons rester proches de toutes les familles.

Chers amis, les travaux de votre Assemblée plénière peuvent être une contribution précieuse en vue du prochain Synode extraordinaire des évêques, qui sera consacré à la famille. Je vous en remercie aussi. Je vous confie à la sainte Famille de Nazareth et vous donne ma bénédiction de tout cœur.

(Source: ZENIT, traduction Hélène Ginabat, © Innovative Media Inc.)

28 octobre 2013 | 10:27
par Philippe Aymon
Temps de lecture : env. 17  min.
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