En Belgique comme en Algérie, les clichés ont la vie dure

Belgique: Quelle compréhension entre chrétiens et musulmans? (110188)

Bruxelles, 11janvier(APIC/CIP) Il n’est pas facile d’être musulman à Bruxelles. Il n’est pas plus évident d’être chrétien en Algérie. Dans les deux

cas, pourtant, les interpellations sont mutuelles. Mais on dirait qu’elles

ne sont pas entendues comme il convient comme le montre le dernier numéro

de Solidarité-Orient, édité par l’association du même nom à Bruxelles.

Parmi les articles de la revue l’un est consacré à l’immigration maghrébine et turque en Belgique. L’immigration maghrébine a été tout d’abord encouragée dans les années soixante par les responsables politiques belges

pour assurer une relève économique et une relève démographique. Mais depuis

1967, l’immigration est volontairement freinée. Il n’y a pratiquement plus

d’immigration maghrébine, La plupart des jeunes n’a donc «jamais migré»,

puisqu’ils sont nés en Belgique. On ne peut donc pas dire qu’il faut «les

renvoyer chez eux». Cette situation demande une «politique d’intégration

responsable». Il faut «considérer ces «seconde et troisième générations»

comme des bi-nationaux, à l’insertion sociale et professionnelle desquels

il est normal que la Belgique consacre temps, argent, énergie, et imagination institutionnelle, eu égard à leurs problématiques spécifiques».

Une leçon algérienne

Et dans un pays du Maghreb, comment cela se passe-t-il pour des Européens? Et en particulier pour les chrétiens immigrés en terre musulmane?

«Solidarité-Orient» a posé la question à l’archevêque coadjuteur d’Alger,

Mgr Henri Teissier.

Mgr Teissier précise d’abord que l’Eglise d’Algérie «n’a plus d’institutions qui lui soient propres, sauf exception». Donc, la rencontre avec les

Algériens musulmans se passe, pour la grande majorité des chrétiens, «par

la médiation du service professionnel: l’enseignement, la santé, l’industrie, l’action sociale, la culture, etc.», ainsi qu’à travers «la vie de

quartier ou de loisir, l’engagement en commun dans certaines associations

humanitaires et, surtout, les amitiés personnelles».

Pour l’archevêque coadjuteur d’Alger, la plus grande difficulté dans la

rencontre entre chrétiens et musulmans ne vient pas de la conception propre

à chacune des deux religions. Le problème est plutôt d’ordre culturel. Mises à part quelques personnalités, note-t-il, «nos interlocuteurs musulmans

donnent presque toujours l’impression de ne pas avoir la moindre idée de ce

qu’est le christianisme réel. Le Coran leur donne une image d’un Jésus qui

ne correspond pas avec celui que nous connaissons de l’Evangile. Il les habitue à l’idée que les chrétiens d’aujourd’hui ne sont pas les vrais

disciples de Jésus et les empêche de chercher à comprendre ce qui fait le

centre du message chrétien tel qu’il s’est développé dans l’histoire.»

«On dira, ajoute l’archevêque, que les chrétiens connaissent mal l’Islam. Je répondrai que nombreux sont ceux qui s’efforcent de le comprendre à

partir des sources musulmanes elles-mêmes, alors que le partenaire musulman

continue à regarder le christianisme à travers le prisme coranique. Ceci

lui interdit de rencontrer le chrétien tel qu’il est et fausse, par conséquent, toute la relation.»

Et le fondamentalisme?

Est-ce que le dialogue entre chrétiens et musulmans ne serait pas aussi

faussé par le fondamentalisme, cette manière étroite de se rattacher aux

textes fondateurs qu’on prend au pied de la lettre? Mgr Teissier le pense

aussi, mais précise aussitôt que tout l’islam ne se réduit pas à l’interprétation fondamentaliste.

«Il faut savoir, dit-il, que le fondamentalisme actuel menace d’abord

les musulmans eux-mêmes. Peu à peu des voix très diverses s’élèvent pour

répondre à ceux que Bruno Etienne appelle les partisans de «l’islam radical». Même un penseur traditionnel formé à El-Azhar comme le Cheikh Mohamed

Al Ghazali, écrivain fécond de la famille des Frères Musulmans, vient de

publier un ouvrage entier ou il reprend tous les versets coraniques qui, à

première lecture, semblent appeler les croyants à user de la violence contre leurs ennemis, afin de leur donner une autre interprétation. A mon

avis, seul cet effort des musulmans, s’il se multiplie, pourra permettre

aux non-musulmans de comprendre l’islam. Il n’âppartient pas au chrétiens

de dire ce qu’est l’islam, mais aux musulmans eux-mêmes. En Algérie, depuis

deux ou trois ans, un gros effort a été fourni dans les mass media pour

répondre aux extrémistes en les invitant à faire de leur islam une religion

du respect de l’autre, de paix et de «juste milieu».«

«L’important, dans le moment actuel, conclut Mgr Teissier, c’est de faire la vérité dans les relations quotidiennes entre les membres des deux

communautés. Et le terrain privilégié de cet engagement, c’est le service

de l’homme, ensemble.» (apic/cip/bd)

11 janvier 1988 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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