Homélie du 16 août 2015
Prédicateur : Chanoine José Mittaz
Date : 16 août 2015
Lieu : Hospice du Grand-Saint-Bernard
Type : radio
L’Evangile de ce dimanche nous invite à réfléchir sur le sens de la vie. Réfléchir sur le sens de la vie n’est jamais une question théorique ; c’est réfléchir sur le sens de sa vie. Qui donc aime la vie et désire les jours où il verra le bonheur ? Cette parole du psaume rejoint notre aspiration la plus profonde, et cela quelle que soit notre histoire, notre parcours.
Le sens de sa vie peut poser problème aux personnes qui sont autour de nous. Ce n’est pas parce que je coïncide avec qui je suis que je vais être encouragé, reconnu, que cela va être plus facile. Ecoutez l’Evangile : Jésus dit qui Il est, Il dit le sens de Sa vie – « Je suis le Pain venu du Ciel ». Ma chair, Ma vie, Ma personne, Mon existence, c’est une nourriture pour vous. Vous avez entendu la réaction : scandale ! Comment celui-ci peut-il donner sa vie en nourriture ? Ce scandale-là, au sens étymologique du mot, « une pierre d’achoppement », reconnaissons qu’il existe aujourd’hui, en nos sociétés, en notre Eglise, dans notre propre regard. Tout à l’heure, dans les nouvelles, nous avons entendu que toute une partie de notre humanité, qui vit une homosexualité, cherche à pouvoir être encouragée aussi dans le don de soi-même, dans une vie aimante. En Eglise, nous sommes dans le Synode de la famille, et cette grave question se pose aussi : comment accompagner les personnes qui ont connu l’épreuve d’une séparation, et ont le désir de voir le bonheur en construisant un nouveau couple, une nouvelle famille, un nouveau foyer ? Comment les accompagner, comment les encourager avec d’autres verbes que ceux toujours conjugués avec une négation : « ne pas », « ne pas communier », « ne pas ceci », « ne pas cela », qui ne font pas vraiment exister. Ce ne sont pas les « ne pas » qui font exister, c’est le don de soi. Et le don de soi peut comporter une part qui sera interprétée comme scandaleuse. C’est ce qu’a vécu le Christ, il faudrait bien le regarder en face.
Quitter l’étourderie, comme nous l’invite le Livre des Proverbes, quitter des chemins insensés, qui n’ont pas de sens, qui sont fous, comme nous y invite saint Paul, c’est aussi regarder ces questions en face. Non pas pour y trouver des réponses faciles, toutes faites, mais pour porter en soi le poids, la lourdeur, l’exigence de ces questions dites « éthiques » : des questions qui ne sont pas là pour remplir des cours de morale à l’université, mais pour renouveler notre regard les uns sur les autres, nous offrir ce regard de lumière, ce regard qui encourage, ce regard qui cherche à reconnaître que la vie n’est jamais l’application d’une théorie ; c’est un chemin fondé sur des valeurs, mais des valeurs qui s’éprouvent lorsqu’il y a des périodes d’errance. Des périodes, comme pour les pèlerins qui, hier, montaient au Grand Saint-Bernard, où il y a le brouillard, la pluie. Et là, si nous voulons aller de l’avant, et en l’occurrence rejoindre l’Hospice, il est bon que nous soyons éveillés intérieurement ; éveillés sur le chemin à suivre.
Oui, le Seigneur est bon, « Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur ». Mais sa bonté ne tombe pas toujours du ciel, comme la pluie hier. Sa bonté, nous pouvons la savourer chaque fois que nous rejoignons, en notre humanité, le regard qui espère, le regard qui donne d’aller de l’avant. Le fait d’être étourdi, comme nous le dit le Livre des Proverbes, c’est manquer d’attention, de considération. Et je crois que si nous voulons vivre, il nous faut quitter cette étourderie-là, nous laisser interroger par celles et ceux dont le chemin nous pose question, et porter cela en nous ; peut-être nous laisser déranger en nos propres manières de faire, pour découvrir dans le chemin de l’autre une force pour nous. Ce qui est certain, c’est que chacune et chacun de nous, à partir du moment où il chemine vers lui-même, vers la réalité du don de qui il est, va à la fois éprouver la joie de coïncider avec sa profondeur, et éprouver la résistance de l’autre ; comme le Christ, qui après avoir partagé Sa vie dans le pain et le vin, devenus Son Corps et Son Sang, va être crucifié.
La joie n’est donc pas un paradis éphémère ou une bulle, la joie est ce « oui » à l’élan de la vie, dont la crédibilité ne peut se vérifier qu’au creuset de l’épreuve. C’est pour cela d’ailleurs que saint Paul pourra nous parler de la joie au cœur des épreuves, de la joie dans la tristesse, de la joie quand elle n’est pas ressentie. Ne croyons pas que l’espérance de la joie soit toujours ressentie. Ce qui peut être perçu, c’est le « oui » à ma vie, un « oui » qui m’offre comme une stabilité au fond de moi, même si parfois je me sens déstabilisé, une stabilité pour continuer d’avancer. C’est peut être simplement cela, la joie.
Aussi, dans cette célébration qui est appelée à nourrir en nous la sagesse, la force, qui nous livre une présence, qui nous apprend à être présents à nous-même, à la vie et aux autres, renouvelons ce « oui » à notre vie ; ce « oui » non pas aux souffrances que nous vivons, mais pour être présent au travers de ces souffrances. Si nous passons, si nous traversons, si nous vivons notre Pâque, littéralement, ce « oui » nous fera découvrir une force, une valeur, une présence, certes vulnérable, mais que rien ne peut détruire. Oui, nous sommes appelés à miser sur ce qui est inviolable, nous sommes appelés à miser sur ce qui a valeur de vie éternelle.
Ce qui fait la force du Christ qui nous réunit, aujourd’hui, c’est que tout ce qu’Il a dit, tous les gestes qu’Il a posés, toute la Bonne Nouvelle qu’Il nous a annoncée demeurent vrais et indestructibles, même après le passage de la Passion et de la Crucifixion. C’est cela que nous sommes appelés à éprouver dès aujourd’hui, dans le « oui » à notre vie. Puissions-nous également être une présence nourrissante, c’est-à-dire eucharistique, pour encourager l’autre, quel que soit son itinéraire, à vivre le « oui » à sa vie.»
20e dimanche du temps ordinaire
Lectures blibliques : Proverbes 9, 1-6; Psaume : 33; Ephésiens 5, 15-20; Jean 6, 51-58
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