Homélie du 04 janvier 2015

Prédicateur : Mgr Joseph Roduit, Abbé de Saint-Maurice
Date : 04 janvier 2015
Lieu : Abbaye de Saint-Maurice
Type : radio

La symbolique catéchétique de saint Matthieu

L’évangéliste saint Matthieu est le seul à nous rapporter la scène des Mages venus d’Orient, conduits par une étoile, pour venir s’incliner devant le petit enfant Jésus. Un récit merveilleux qui vient embellir l’histoire de la nativité du Seigneur Jésus parmi les hommes. Certains ont cherché à prouver la véracité de ce récit.

Mais il importe, avant toute recherche de vérification historique des faits, de comprendre le genre littéraire utilisé par saint Matthieu.

Saint Matthieu a le souci de montrer à ses lecteurs juifs que Jésus est vraiment le Messie annoncé par les prophètes et qu’il vient réaliser les Ecritures. Il faut donc inscrire ce texte dans le genre symbolique et catéchétique.

Le genre symbolique, d’abord

Du récit de la venue des Mages, Matthieu y voit symbole. En effet, les personnages, les événements et les faits signifient autre chose qu’un simple voyage au clair de l’étoile. Les esprits cartésiens qui ne veulent accepter pour vrai que ce qui est constatable se heurtent là à des faits pas forcément vérifiables, mais non moins vrais.

Le plus important est de comprendre le sens de cette marche des Mages venus d’Orient qui, suivant l’étoile, sont venus se prosterner pour adorer l’enfant Roi. Ce que l’évangéliste a voulu dire par là c’est que le Messie est venu pour tous, même pour des non-Juifs venus d’Orient. Il y voit la réalisation des prophéties d’Isaïe rappelées dans la première lecture aujourd’hui.

Dans l’évangile même il y a différents genres littéraires : il y a des paraboles qui sont des récits mis en scène pour faire comprendre autre chose. Il y a des récits historiques au sens actuel du terme : ils se sont passés comme cela est décrit. Il y a des enseignements où les paroles de Jésus sont reproduites fidèlement selon la mémoire des témoins. Et il y a des récits symboliques montrant que les faits ont une signification plus profonde que le simple fait historique. Les Apôtres et les évangélistes en ont été les témoins et leur donnent un sens spirituel important pour notre foi.

Donc, si saint Matthieu fait d’un récit historique un texte symbolique, cherchons pourquoi il l’a écrit. Pour y répondre cherchons surtout le sens catéchétique. La catéchèse étant l’art de conduire à l’acte de foi.

Le sens catéchétique

L’évangile de saint Matthieu se caractérise par l’annonce du Royaume de Dieu. Du début de l’évangile où des Mages sont à la recherche d’un Roi, jusqu’à la scène du Jugement dernier où nous serons jugés comme devant un Roi, c’est saint Matthieu qui nous rapporte le plus de paraboles sur le Royaume des cieux.

Et il va montrer que ce Royaume est offert à tous. C’est aussi ce que dit saint Paul dans l’épître de ce jour quand il écrit : « Ce mystère, c’est que les païens sont associés au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’évangile ».

Aux Juifs qui pensaient être les seuls héritiers du Royaume, Matthieu veut montrer que des gens inconnus venus d’Orient vont découvrir eux-mêmes le roi du royaume des cieux, qui n’a rien à voir avec un roi d’un royaume terrestre. Toute la scène avec Hérode explique très bien cela. La jalousie d’Hérode est infondée car le Royaume annoncé est d’un tout autre ordre.

Aux scribes et aux pharisiens qui étaient des savants croyant être les seuls à savoir interpréter les Ecritures, Matthieu va montrer que les hommes de science, tels qu’étaient les Mages, peuvent aussi lire dans la création du ciel étoilé des signes pour cheminer vers la foi.

Même les présents apportés par les Mages ont un sens catéchétique. Jésus, le Messie était annoncé comme prêtre, prophète et roi. Les Pères de l’Eglise ont vu dans les présents offerts des symboles.

L’or est le symbole de la royauté: dans le royaume des cieux c’est la fidélité. Jésus est roi de ce royaume d’amour.

L’encens c’est le symbole de la prière qui monte comme un parfum. C’est le prêtre qui offre l’encens. Et cela rappelle le devoir de prière et d’offrande.

La myrrhe c’est un aromate réservé à l’embaumement des défunts. Elle annonce la mort du Christ prophète.

Conclusion

Il y aurait certes encore bien des enseignements catéchétiques à tirer de ce texte de la visite des Mages, mais il est temps de conclure. Que faut-il en retenir ?

Que les évangiles ne sont pas des reportages. Ce sont plutôt des messages catéchétiques pour nous conduire aujourd’hui à l’acte de foi chrétienne. Quand ils écrivent, les évangélistes ont vécu l’enseignement, la mort et la résurrection du Christ. Ils voient vivre les premières communautés chrétiennes. Et leurs récits s’en ressentent.

A Bethléem, parmi les premiers à reconnaître en Jésus le Fils de Dieu, il y a les Bergers selon saint Luc, les Mages selon saint Matthieu. Pauvres et riches, ignorants et savants reconnaissent le même Dieu fait homme.

Les bergers sont les pauvres de l’époque, méprisés, car ils ignoraient la Loi. Les mages, au contraire, semblent riches, instruits et considérés. Ils s’informent du Messie: «Où est né le roi des Juifs?» Il y a dans cette question la signature de Matthieu, l’évangéliste du Royaume des cieux. Jésus sera déclaré roi, à la fin de l’évangile, mais couronné d’épines, devant Pilate.

Qui sont les bergers et les mages d’aujourd’hui? Peut-être des gens simples qui vivent leur foi au quotidien, admirablement mais discrètement. Peut-être des savants qui scrutent le ciel et y découvrent les signes d’une Intelligence suprême.

Epiphanie veut dire «manifestation». Dieu se manifeste autant au simple qu’au savant, mais il se manifeste en un Enfant : d’où le respect à avoir pour tout enfant, donc tout être humain.

Ce récit évangélique n’aura son effet en chacun de nous que si nous avons tour à tour l’attitude simple du berger émerveillé ou l’attitude du chercheur de Dieu assidu. Mais pour tout chercheur de Dieu, berger ou mage, l’acte de foi, n’est-ce pas ce moment où le chercheur de Dieu se rend compte qu’il est lui-même cherché par Dieu? Alors laissons-nous trouver par Dieu qui vient nous chercher !

Amen.

Fête de l’Epiphanie

Lectures bibliques : Isaïe 60, 1-6; psaume 71; Ephésiens 3, 2-3a.5-6; Matthieu 2, 1-12

4 janvier 2015 | 11:28
par Barbara Fleischmann
Temps de lecture : env. 4  min.
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