Homélie du 13 juillet 2014
Prédicateur : Mgr Alain de Raemy
Date : 13 juillet 2014
Lieu : Abbaye de Saint-Maurice
Type : radio
Comme toujours, quand la Bible que nous croyons connaître nous parle, à y regarder de plus près, elle a vraiment de quoi surprendre…
Il suffit de penser à cette fameuse parabole du berger, que Jésus a la folie de nous donner en exemple, alors que ce berger abandonne tranquillement 99 pour cent de son troupeau pour -éventuellement !- en sauver 1 pour cent…
N’est-ce pas complètement fou ? Une folie à laquelle on ne prête peut-être pas assez d’attention…
Les lectures d’aujourd’hui ne sont pas beaucoup plus raisonnables. Et il faut que nous le remarquions, pour bien comprendre leur message !
Un premier exemple.
Est-ce normal de commencer par promettre des gains s’élevant jusqu’à 100 pour un, et immédiatement se mettre à relativiser les probabilités, à faire descendre les promesses à un 60 pour un ou même jusqu’à seulement un 30 pour un… ?
N’est-ce pas faire fuir tout investisseur raisonnable?
Un type normal aurait dit : ce bon investissement peut rapporter de 30 à 60 ou même jusqu’à 100 pour un.
Mais non, Jésus commence par promettre tout de suite 100 pour un, pour ensuite se mettre à descendre les enchères et finir par concéder que cette soi-disant bonne opération pourrait en fin de compte ne donner que 60 ou même 30 pour un…
C’est pas normal ! Eh bien : tant mieux !
Car, chers amis auditeurs et chers amis chanteurs,
n’est-ce pas là une façon que Jésus a de nous dire que,
même si notre manière d’être chrétien, c’est-à-dire notre manière d’accueillir la Parole de Dieu et de la faire fructifier,
même si cette manière n’était pas toujours celle d’une bonne terre, à cent pour cent bonne, à cent pour cent rentable,
Jésus la considère quand-même encore comme une terre bonne, une terre fructueuse, même si elle ne produisait en fin de compte non plus les 100 espérés, mais seulement les 60 ou les 30 pour un.
Jésus nous dit qu’elle est quand-même bonne cette terre-là. Qu’elle est chrétienne, même et jusque dans son imperfection du 60 ou seulement 30 pour un.
Nos imperfections sont quasi normales pour Dieu.
Car Lui seul sait faire avec. Lui seul sait voir la perfection dans l’imperfection. Lui seul sait faire pousser la bonne herbe dans l’ivraie.
Dieu a cette surprenante et merveilleuse obstination à considérer que, ma foi : si une terre ne produit que le peu qu’elle peut, elle demeure toujours une bonne terre, elle n’est pas déclassée!
Revenons à la première lecture. Là aussi, il y a de quoi surprendre.
Le livre d’Isaïe nous disait :
la pluie qui descend des cieux, elle abreuve, elle féconde et elle fait germer la terre, pour donner ensuite la semence au semeur et puis… le pain à celui qui mange.
Est-ce que vous remarquez l’anomalie dans le déroulement des choses ?
Tout commence par s’enchaîner automatiquement et bien normalement.
La pluie qui tombe, qui abreuve, qui féconde, qui fait germer ainsi la terre, puis une terre qui produit plantes et semences,
et pourtant brusquement, sans crier gare, sans autre précision ni transition, après avoir mentionné la semence on en arrive directement au pain de celui qui mange !
Vous voyez la particularité ?
Entre la semence que sème le semeur et le pain sur ma table… c’est tout sauf un déroulement automatique et gagné d’avance.
Pensez à la croissance et à la récolte du blé, à son tri, au moulin, à la farine, et au four !
Mais cet entre-deux n’est pas pris en compte ici. On saute par-dessus ! Alors qu’il y a là toute la sueur du travail de l’homme !
Et pourtant : pas un mot sur tout ce qui se passe entre la semence et le pain…
Pourquoi ?
Je crois que ça souligne ce que nous disait saint Paul en deuxième lecture.
» Il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire que Dieu va bientôt révéler en nous. »
Oui, passer par-dessus le côté laborieux du travail en nous faisant passer allégrement d’une simple semence au pain de la table,
n’est-ce pas fait pour que notre regard ne se fixe pas sur nos pauvres et réitérés efforts,
ces efforts consentis pour que la semence de la Parole plantée en nous puisse devenir le bon pain de la charité envers les autres…
N’est-ce pas nous dire de ne pas nous attarder à ces efforts
qui soit nous montent à l’orgueil, soit nous descendent au désespoir…
N’est-ce pas une belle invitation à chanter allégrement et avec conviction l’Alléluia, alors que tant de nos limites nous plongent et replongent encore et toujours en carême ?
Oui, laissons de côté nos mesures : pas de commune mesure, entre nos pauvres efforts et le pain qui, par grâce, en résultera !
Chers amis auditeurs, chers amis chanteurs,
Laissons-nous une fois de plus surprendre par la Parole de Dieu !
Et aujourd’hui laissons-la nous redire :
d’abord que si la terre est toujours déclarée bonne, en ne produisant que 30 pour un,
c’est que Dieu voit notre bonté indépendamment de notre efficacité.
Ou pour le dire dans un langage adapté à cette semaine de liturgie et de chant : aucune fausse note ne pourra voiler l’harmonie de notre élan.
Puis retenons aussi la deuxième particularité des textes de ce jour :
si de la semence on peut si vite passer au pain,
c’est bien pour nous dire
e ne pas nous attarder à nos efforts et nos souffrances
ils pourraient nous enorgueillir ou au contraire, nous humilier…
Ou dit en langage musical:
la fatigue de nos répétions trouve en Dieu l’incomparable joie gratuite et incomparable de l’interprétation.
Laissons-nous donc toujours surprendre par Dieu,
et aujourd’hui particulièrement dans ces deux encouragements repérés :
sa manière si large d’être content de nous,
puis sa manière si constructive de relativiser la part que nous y avons…
Amen. »
15e dimanche du temps ordinaire
Lectures bibliques : Isaïe 55, 10-11; Romains 8, 18-23; Matthieu 13, 1-23
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