Homélie du 25 mai 2014
Prédicateur : Père Jean-René Fracheboud
Date : 25 mai 2014
Lieu : Foyer des Dents du Midi
Type : radio
À l’heure du festival de Cannes, avec ses fastes, ses célébrités et ses extravagances, nous pourrions aborder le message évangélique d’aujourd’hui comme un « travelling cinématographique », qui part de la vie de Jésus, qui se poursuit par l’événement décisif de sa mort et de sa résurrection et qui aboutit au don de l’Esprit.
Jésus l’avait dit expressément, d’une manière presque provocatrice,
« Il est bon pour vous que je m’en aille ».
Aujourd’hui, il nous dit très clairement :
« Je ne vous laisserai pas orphelins.
D’ici peu de temps, le monde ne me verra plus,
mais vous, vous me verrez vivant et vous vivrez aussi. »
Quelle extraordinaire promesse et quel merveilleux accomplissement !
Jésus n’est plus simplement devant nous, à côté de nous, en face de nous, mais il est en nous, vivant et vivifiant, nous partageant son dynamisme d’amour et de transformation du monde.
Tout ce temps pascal, à travers le mouvement des grandes fêtes liturgiques, Pâques – Ascension – Pentecôte, nous invite à l’intériorisation de notre foi.
Il fallait d’une certaine manière que Jésus ne soit plus devant nos yeux, extérieur à nous-mêmes, pour le découvrir à l’intérieur, au plus profond du cœur, assage éblouissant du Dieu « devant » au Dieu « dedans ».
Vous l’aurez remarqué, le passage de l’évangile de Jean, proposé aujourd’hui à notre méditation, est trinitaire :
« Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre défenseur
qui sera pour toujours avec vous, c’est l’Esprit de Vérité.
Le monde est incapable de le recevoir parce qu’il ne voit pas
et ne le connaît pas, mais vous, vous le connaissez,
parce qu’il demeure auprès de vous et qu’il est en vous. »
Le mot employé par Saint Jean pour désigner l’Esprit est presque intraduisible…
« le Paraclet »… celui qui est appelé auprès de quelqu’un pour l’accompagner, pour le soutenir, pour le fortifier, pour le dynamiser, pour l’encourager. C’est l’attitude exercée par des parents auprès de leurs enfants, ou des professeurs vis-à-vis de leurs élèves.
Jésus est le premier à avoir exercé cette mission d’accompagnement auprès des disciples sur les routes de Galilée, les initiant au Royaume, les ouvrant amoureusement à la source qui le faisait vivre, le Père, les dilatant à une vie de générosité, de justice, d’attention aux plus faibles.
Jésus n’est désormais plus présent physiquement au milieu de nous, mais cette force de rayonnement et d’accompagnement, il nous la partage dans le DON de l’Esprit, son Esprit qui continue mystérieusement, mais réellement ce rôle de fortification et de charpente intérieures.
Dans le texte biblique, il y a une forme d’insistance sur la réalité du don de Dieu, du don de l’Esprit à travers 3 prépositions…
Ce Défenseur, il sera avec vous pour toujours
il demeure auprès de vous
et il est en vous.
L’Esprit est AVEC, AUPRES et EN,… autant dire que nous sommes merveilleusement équipés, enveloppés de grâce et de force pour vivre harmonieusement la mission de témoin du Christ.
Il est bon de nous redire que la vie chrétienne n’est pas une avancée à la force de l’intelligence ou du poignet, – elle n’est pas une conquête – mais elle est le déploiement de l’œuvre du Christ lui-même, qui investit notre humanité et la travaille du dedans.
L’amour, qui est la respiration du Père et du Fils, vient nous saisir entièrement et nous fait entrer dans l’extraordinaire communion trinitaire.
Nous devenons ainsi les vivants et les célébrants de la vie même de Dieu dans ce qu’elle a de plus fort, de plus intime, de plus dynamique.
Nous devenons les « tout aimés du TOUT AMOUR »
Pour cela, il nous faut conjuguer l’extériorité du Visage et de la Parole de Jésus avec l’intériorité du souffle de l’Esprit.
Les Actes des Apôtres que nous lisons régulièrement pendant ce temps pascal se plaisent à souligner l’extraordinaire transformation que l’Esprit Saint opère dans les cœurs et les premières communautés.
On ne reconnaît plus les Onze Apôtres autour de Pierre.
Ces êtres traumatisés par la mort violente de Jésus, voués à la débandade, esclaves de la peur, barricadés dans la tristesse, on les retrouve avec une force incroyable, unis entre eux comme jamais, capables de tenir tête aux détracteurs les plus hostiles.
« Ce Jésus que vous avez crucifié, Dieu l’a ressuscité et nous en sommes ses témoins ».
Ils iront jusqu’à la mort, jusqu’au martyre, pour attester du sérieux de leur foi et de leur attachement au Christ Ressuscité.
Comme on jette un caillou dans la mare, il y a comme des vagues successives et progressives de cet Esprit Saint répandu abondamment, généreusement.
Il y a d’abord la Pentecôte de Jérusalem, l’Esprit répandu sur les disciples et tout le monde les entend dans leur propre langue proclamer les merveilles du Seigneur Ressuscité.
Il y a ensuite la Pentecôte sur les Samaritains, c’est le texte d’aujourd’hui :
« Philippe, l’un des sept, arriva dans une ville de Samarie
et là il proclamait le Christ. Les foules d’un seul cœur
s’attachait à ce que disait Philippe, car tous entendaient parler
des signes qu’il accomplissait, ou même ils les voyaient.
Beaucoup de possédés étaient délivrés des esprits mauvais,
qui les quittaient en poussant de grands cris…
Beaucoup de paralysés et d’infirmes furent guéris.
Et il y eut dans cette ville une grande joie. »
Il y aura encore la Pentecôte sur les païens, l’universalisation de l’œuvre de grâce.
Désormais, il n’y a plus une parcelle d’humanité qui est appelée à rester en dehors du salut apporté par le Christ et diffusé par l’Esprit.
La grande question que nous pouvons nous poser est celle-ci :
– Est-ce que nos vies sont suffisament embrasées par ce feu et ce dynamisme de l’Esprit ?
– Est-ce que la vie du Christ Ressuscité irrigue suffisament nos cœurs, nos manières d’être, nos engagements au service de l’homme ?
– Où pouvons-nous toucher du doigt le fait que la vie d’un Autre habite en nous ?
Il y a en nous plus grand que nous.
« Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi », dira Saint Paul.
Nos vies sont-elles occupées
OU sont-elles habitées ?
Nos vies sont-elles pleines de nous
OU pleines de Lui ?
Revenons au festival de Cannes pour terminer…
J’aime à me souvenir de l’Abbé Pierre qui, il y a quelques années, avait été invité sur le plateau au milieu de toutes les stars.
On avait présenté le film « Hiver 54 » qui reprenait son appel au secours prophétique devant la mort d’une pauvre dame sur les trottoirs de Paris. Et là, le journaliste-présentateur l’interpelle…
« Abbé Pierre, vous êtes au soir de votre vie !
Si vous deviez laisser un message à l’humanité, qu’est-ce que vous diriez ? »
Après un moment de silence, l’Abbé Pierre répondit :
« Pour moi, vivre, c’est du temps donné à des libertés
pour apprendre à aimer
en vue de la rencontre de l’Eternel Amour
dans le toujours de l’au-delà du temps.»
6e dimanche de Pâques
Lectures bibliques : Actes 8, 5-8.14-17; Ps 65; 1 Pierre 3, 15-18; Jean 14, 15-21
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