Homélie du 02 février 2014
Prédicateur : Didier Berret, diacre
Date : 02 février 2014
Lieu : Eglise Saint-Pierre, Porrentruy
Type : tv
La tradition juive raconte, qu’un jour, on posa à trois grands sages la question suivante: «Quel est, à votre avis, le personnage le plus important pour l’humanité?»
Le premier sage, sans hésiter, prit la parole et dit: «C’est Moïse! Il nous a donné la loi. Et la loi structure la vie de l’homme. Elle permet à chacun de se construire, de vivre en paix et de s’épanouir. Il n’y a pas de doute, Moïse est le personnage le plus important pour l’humanité. Il permet à tout homme de trouver le bonheur.»
«Je pense qu’il y a quelqu’un de plus grand que Moïse!, reprit le deuxième, c’est David! Il nous a donné les Psaumes. Leur poésie et leur prière illuminent le monde. Les Psaumes sont le cri de l’humanité, leur chant est le chant des anges. Les Psaumes participent à l’adoration du Créateur, ils portent l’homme à son plus haut sommet: l’émerveillement; Bien mieux que la loi, la poésie et la musique mènent l’homme à la béatitude, à l’extase.»
Le troisième, rabbi Yohanan, prit à son tour la parole: «Vous avez raison!», dit-il, Moïse et David sont des perles de notre tradition.Le respect de la loi, la prière et la poésie permettent tout ce que vous avez dit, mais comportent aussi chacun un risque.
Celui qui s’attache à pratiquer tous les préceptes de la loi risque de sombrer dans les scrupules ou de verser dans le légalisme ou l’autosuffisance. S’il parvient à respecter tous les commandements, il pourra se sentir supérieur, s’imaginer appartenir à la crème de la société et dénigrer tous les autres. Le risque de la poésie, des arts et même de la prière, c’est la désincarnation. Ils peuvent être une fuite dans un monde de l’esprit qui compte pour rien les réalités du monde ou du corps et les méprise.
«Il y a donc un troisième personnage plus grand que les deux autres: c’est le Messie!» Le Messie ne vient pas pour les anges, comme le rappelle si bien l’auteur de la lettre aux Hébreux mais pour les hommes, les fils d’Abraham.
Et s’il est le plus grand pour les hommes, c’est peut-être d’abord parce que le Messie est toujours l’homme du futur. Il se fait attendre comme un nouveau-né il vient pour celui qui sait veiller, patienter et être aux aguets. Il projette l’homme vers l’avenir, il dit la nécessité de la croissance, du devenir. Le Messie laisse ouvertes les questions; il se laisse chercher dans le visage des autres. Devant eux on doit toujours se demander: «Serait-il celui-ci, ou celui-là?»
Pour cela il nous incite à rester prudents dans nos jugements, attentifs dans nos approches, humbles dans nos décisions. Le Messie nous invite à nous laisser surprendre par l’autre, à le regarder avec d’autres yeux, à l’accueillir comme un frère, un ange, un envoyé, un fils de Dieu… Le Messie appelle l’homme à sa vocation de rencontre, de relation, d’altérité.»
«D’accord, reprennent les deux premiers, le Messie, mais n’y a-t-il pas pour lui aussi un risque?». «Si, si, répond rabbi Yohanan, et même un grand risque! Un risque plus douloureux que pour les deux premiers: c’est le risque de l’autre!»
Toute vraie rencontre place chacun face à ses propres limites. C’est le risque de la confrontation qui rabote, le risque de la remise en question, de la déception. L’autre fait miroir: il nous renvoie notre propre image en même temps qu’il nous décale. Il révèle nos imperfections et nos limites. Et puis l’autre va aussi bouleverser nos plans, déranger nos conforts, prendre de la place, s’installer chez nous ou pire encore tomber malade et quérir des soins, ou même un jour mourir et nous laisser et nous briser le cœur…
Prendre le risque de l’autre, l’accueillir, l’aimer, c’est toujours prendre le risque de la blessure… C’est d’ailleurs ce qu’annonce le prophète Syméon à Marie: «ton cœur sera transpercé d’une épée…». L’exposition à l’autre nous épure, met «à jour les pensées secrètes» comme le dit l’Evangile ou agit en nous «comme le feu du fondeur ou la lessive du blanchisseur» pour reprendre les mots du prophète Malachie.
Mais par-là, il nous révèle aussi notre propre beauté, notre propre lumière, notre véritable identité de fils et de fille de Dieu…
Syméon n’a rien entendu des discours de Jésus, ni goûté aux délices de ses paraboles. Il n’a pas été témoin de ses guérisons ou de ses rencontres foudroyantes, et pourtant, habité par l’Esprit comme le monde en ces commencements, il perçoit à travers ce petit enfant sans défense, qu’il tient tendrement dans ses bras, la force d’une rencontre qui peut transformer la vie.
Amen.
Fête de la Présentation du Seigneur
Lectures bibliques : Malachie 3, 1-4; Psaume : 23; Hébreux 2, 14-18; Luc 2, 22-40
Les droits de l’ensemble des contenus de ce site sont déposés à Cath-Info. Toute diffusion de texte, de son ou d’image sur quelque support que ce soit est payante. L’enregistrement dans d’autres bases de données est interdit.




