Homélie du 05 janvier 2014

Prédicateur : Mgr Joseph Roduit
Date : 05 janvier 2014
Lieu : Abbaye de Saint-Maurice
Type : radio

Une catéchèse de saint Matthieu

« Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? » demandent les Mages venus d’Orient en arrivant à Jérusalem. « Nous avons vu se lever son étoile et nous sommes venus nous prosterner devant lui ! »

Cette phrase ne sort pas d’un conte des mille et une nuits. Elle vient de l’évangile et elle nous est adressée à chacun de nous aujourd’hui. « Où le roi des Juifs signifie pour nous aujourd’hui : Où est Jésus dans ta vie? Est-il vraiment né en toi ? Bien de nos contemporains nous interrogent : Est-ce bien vrai cette histoire d’un Enfant-Dieu né à Noël ? »

Les évangiles, on le sait bien, ne sont pas des récits à entendre comme des textes qui donneraient un compte-rendu des faits tels qu’ils se sont déroulés, pour en garantir l’historicité.

C’est longtemps après les évènements qu’ils ont été écrits et chaque évangéliste a sa manière de présenter les faits pour nous inviter à croire à la divinité du Christ.

L’évangile d’aujourd’hui, avec le récit des Mages venus d’Orient, est propre à saint Matthieu.

Or, que veut montrer saint Matthieu ?

Il serait trop long de montrer ici l’ensemble de que veut montrer saint Matthieu à travers son texte très riche en symboles et en allusions bibliques tirées de l’A T.

Par exemple, qu’est-ce qu’un enfant né dans une étable a en faire des cadeaux d’or, d’encens et de myrrhe?

Une personne me faisait remarquer avec humour que si les mages avaient été des femmes, elles auraient au moins offert des cadeaux utiles à l’Enfant et à ses parents !

Saint Matthieu veut nous montrer que Jésus est prêtre, prophète et roi. Les Pères de l’Eglise montreront que les présents offerts sont symboliques : l’or pour le roi, l’encens pour le prêtre, la myrrhe pour le prophète.

L’or c’est le symbole de la foi, de la vie éternelle. Les icônes anciennes sont sur fond d’or. L’encens est le symbole de la prière. La myrrhe est symbole de l’espérance. En effet à la sépulture de Jésus on apportera des aromates, dont la myrrhe pour embaumer le corps de Jésus. Ici saint Matthieu annonce déjà ce geste de la compassion avant la résurrection.

Les Mages venus d’Orient symbolisent la vision universaliste et missionnaire de Saint Matthieu. Car à l’autre bout de l’évangile c’est aussi lui qui formule le mieux l’envoi des disciples :

« Allez dans le monde entier. De toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit »   Il devait montrer à ses contemporains, juifs, que le salut est offert à tous. Or devant leur refus, la Mission de Jésus va être confiée aux païens : les mages en sont les premiers représentants. Le Pape <François nous invite aussi à cette ouverture aux personnes qui vivent en marge de l’Eglise.

Les Mages représentent aussi le monde de la science de l’époque. Voici que ces astrologues, capables de lire dans le ciel, viennent s’agenouiller devant un petit enfant pauvre. Saint Matthieu veut montrer que Jésus est la nouvelle étoile de l’humanité.

Il y a aussi une autre sorte de science, celle des Ecritures. Saint Matthieu déplore l’attitude des scribes capables de savoir dire où va naître le Messie, mais incapables de faire le déplacement jusqu’au village voisin de Bethléem. Eux, ils savent et ils pensent que cela suffit.

Saint Matthieu ne manque pas de leur montrer qu’ils n’ont pas eu assez d’humilité pour reconnaître le Messie en Jésus.

Le message d’Hérode

Arrêtons-nous un instant encore sur un personnage significatif, mentionné sept fois dans l’évangile de ce jour : je veux parler du Roi Hérode.

Il faut savoir que Jésus a connu deux Hérodes.

Hérode le grand, roi de Judée de 36 avant Jésus-Christ jusqu’à 4 après Jésus-Christ, soit un règne d’une quarantaine d’années. Un homme d’envergure qui construisit des palais, des temples, des cités, des théâtres, amphithéâtres et hippodromes. Mais surtout il construisit le Temple de Jérusalem que son fils achèvera quand Jésus aura dix ans. Mais devenu jaloux, il fit assassiner plusieurs membres de sa famille par crainte de perdre son pouvoir. Il tremble à l’idée qu’il y aurait un autre roi.

Lui succéda Hérode Antipas, qui fut guère meilleur. Il fera couper la tête de Jean-Baptiste venu dénoncer son comportement. Il sera présent lors du procès et de la mort de Jésus et ne prendra pas sa défense même s’il était intrigué par la personnalité de Jésus.

Comprenez dès lors que lorsque saint Matthieu parle des Hérodes, il n’en parle pas comme des bienfaiteurs. Hérode représente pour lui le pouvoir politique injuste et dictatorial. Son évangile va montrer à plusieurs reprises que le Royaume de Jésus n’est pas de ce monde, qu’il est un royaume d’amour, de justice et de paix.

Les Hérodes d’aujourd’hui

Cela doit nous faire réfléchir sur les pouvoirs injustes en notre monde. Que ces pouvoirs soient politiques, économiques, financiers, journalistiques ou sociaux. Mais hélas, pour tant de pays gouvernés dans l’honnêteté combien de gouverneurs injustes dans notre monde ?

Les Hérodes ne sont pas tous morts. Combien de Hérodes injustes et sanguinaires règnent encore sur des pays entiers.

Il faut de nouveaux Mages aujourd’hui qui viennent s’incliner devant l’enfant et ne pas reprendre le chemin d’Hérode. Combien de personnes doivent fuir leur propre patrie pour survivre ! Ne nous étonnons pas des fortes émigrations quand il y a trop d’injustices dans le pays d’origine. Dénoncer les injustices y correspond souvent à la mort ou à l’exil.

La grande leçon de saint Matthieu est le respect de la vie de l’Enfant.

Tout d’abord, l’Enfant-Dieu, qui est le Messie et que les Mages ont reconnu. Mais aussi tout enfant dans notre monde, ce monde qui a perdu le sens du respect de l’enfant bien avant sa naissance et même plus tard avec des théories erronées sur son éducation.

Que la leçon des Mages de saint Matthieu nous invite à repenser notre vie en fonction du respect, de l’amour de tout enfant. Qu’il soit un petit africain mourant de faim ou un petit de chez nous perdu au milieu de ses jouets souvent trop encombrants. L’un et l’autre demandent attention et affection, justice et amour.

Tous, inclinons-nous devant l’enfant, car Dieu s’est fait lui-même enfant. Amen.»

Lectures bibliques : Isaïe 60, 1-6 Psaume: 71; Ephésiens 3, 2-3a.5-6; Matthieu 2, 1-12

5 janvier 2014 | 15:14
par Barbara Fleischmann
Temps de lecture : env. 4  min.
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