Homélie du 16 décembre 2012

Prédicateur : Chanoine Jean-Claude Crivelli
Date : 16 décembre 2012
Lieu : Institut La Pelouse, Bex
Type : radio

De certaines personnes, on dit qu’elles ont du style. Ce qui permet de les reconnaître entre toutes : elles se distinguent des autres, car elles sont souvent « distinguées ». Dans un domaine que d’aucuns estimeront frivole, celui de la mode, Coco Chanel eut cette phrase lapidaire : « La mode se démode, le style, jamais. »

Avançons un peu. Le Grand Dictionnaire Robert donne du style la définition suivante :

« manière particulière (personnelle ou collective) de traiter la matière et les formes en vue de la réalisation d’une œuvre d’art. Quand, par œuvre d’art, j’entends ma propre vie, il est vrai que j’ai à trouver une manière de la mettre en forme si je veux me réaliser, comme on dit. Car, s’agissant de nos manières d’exister, chacun d’entre nous a vocation d’artiste.

Les foules qui viennent à Jean le Baptiste sont en quête de formes de vie : « Que devons-nous faire ? » Elles ont conscience qu’elles doivent tourner le dos à leurs anciennes manières pour endosser un style de vie neuf. Il semble que Luc affectionne cette réaction chez ceux et celles que travaille la conversion. Après la résurrection du Christ, d’entendre Pierre raconter la geste de Jésus, les foules ont le cœur bouleversé. Elles demandent aux apôtres : « Frères, que devons-nous faire ? » (Ac 2, 37) « Que dois-je faire, Seigneur ? », s’exclame Paul sur le chemin de Damas. Et la voix céleste de lui indiquer un certain nombre de tâches qui lui sont assignées. Si vraiment j’ai rencontré le Christ vivant, alors il s’ensuit un certain nombre de conduites propres à vérifier l’authenticité d’une telle rencontre, un certain style de vie, un « apparaître » comme disent plusieurs philosophes du XXe siècle.

Ainsi Merleau-Ponty : quand on dit de quelqu’un qu’il a du style, on reconnaît qu’il a trouvé celui qui, non seulement le distingue et le rend reconnaissable parmi mille, mais encore celui qui correspond à ce qu’il est et exprime au mieux sa personnalité. La vérité d’un être nous est révélée par son « apparaître », sa manière d’être. Cependant il ne s’agit pas ici de simples apparences – elles sont souvent trompeuses – mais de notre manière d’être au monde. De notre comportement à l’égard des autres (accueil, écoute, solidarité) de notre attitude dans l’épreuve, la souffrance, de notre attitude par rapport à l’argent, etc., autant de figures qui révèlent qui nous sommes vraiment et qui consolident notre identité de disciple du Christ.

Les lectures de notre dimanche se montrent concrètes à l’égard d’un style de vie renouvelé. L’évangile selon saint Luc tout d’abord dont l’exposé du ministère de Jean le Baptiste annonce les exigences qui seront celles de Celui qui vient, le Christ lui-même. « Que devons-nous faire ? » Les consignes données par Jean esquissent d’ores et déjà le portrait des premières communautés chrétiennes. Ainsi, quand s’avancent les collecteurs d’impôts, dont on connaît la mauvaise réputation, l’utilité de l’argent et son rôle ne sont pas niés – voir M.-F. Baslez Comment notre monde est devenu chrétien 2008 – à condition de l’employer de manière honnête et sensée. L’Église et l’argent, un vieux problème ! La mention de partage, tant des vêtements que de la nourriture, nous permet de deviner les formes de l’action sociale pratiquées par les premières communautés chrétiennes. En ce sens la réponse de Jean Baptiste sur le partage annonce le Christ qui vient mais aussi le Christ vivant dans son corps qui est l’Église. La mise en commun des biens distinguera la communauté chrétienne de la société ambiante. Il y a là une marque importante du style de vie chrétien, par distinction d’avec les pratiques, courantes dans l’Antiquité, du mécénat et de la philanthropie. C’est la foi au Christ qui se trouve proclamée à travers des actions typées et concrètes. Troisième aspect du style de vie qui sied aux disciples – après ceux du partage et de l’usage honnête de l’argent – la profession que l’on exerce. Ici le métier des armes dont la tentation est la violence faite aux populations. En fait tout métier reste tenté par la violence dès que celui-ci se double d’un pouvoir sur les autres, et à tous les échelons de la profession.

Bref le style de vie décrit par le Baptiste n’a rien d’extraordinaire. Il n’a rien de tonitruant ni d’ostentatoire. Il se caractérise par sa simplicité, laquelle suffit à annoncer le Christ dans la société qui est la nôtre. Mais il y a plus encore. La présence de la communauté ecclésiale dans le monde, présence qui témoigne de la présence de Celui qui vient dans le monde, est de style personnel. Comme écrit Mgr Claude Dagens, elle passe en effet par des personnes, des hommes et des femmes qui ont trouvé dans leur foi des motifs de relever certaines défis auxquels notre société se trouve confrontée : les défis liés aux aléas des évolutions économiques, à l’aggravation des écarts sociaux, aux conséquences humaines du chômage, aux multiples situations de précarité que connaissent des adultes et des jeunes.

Simplicité du style chrétien, avons-nous dit. Avec saint Paul (2ème lecture), ajoutons-y une note importante : la joie. Mais attention : ici rien d’hystérique ni de forcé. Il ne s’agit pas d’avoir sans cesse le sourire aux lèvres, surtout quand les difficultés de la vie nous éprouvent. Saint Paul connote la joie chrétienne par un terme que la Vulgate latine traduit, du grec « epieikes » (ce qui est équitable, juste, beau) par « modestia » et que la version en langue française rend bien par le terme « sérénité » . Soit l’attitude que l’on a à l’égard des autres, par exemple la modération dans les jugements, l’esprit de conciliation, l’égalité d’humeur, l’absence d’inquiétude. On mesure que ce n’est pas là une vertu innée, mais qu’elle est le fruit d’un travail constant sur nous-mêmes. En fait c’est le travail du disciple qui prend à cœur l’Évangile de son Seigneur et qui sait, comme dit encore l’Apôtre, combien ce Seigneur est proche.»

3e dimanche de l’Avent – Année de la foi

Lectures bibliques : Sophonie 3, 14-18; Philippiens 4, 4-7; Luc 3, 10-18

16 décembre 2012 | 15:11
par Barbara Fleischmann
Temps de lecture : env. 4  min.
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