Berne : «Christophe Colomb, go home !» (101091)
Lancement de la campagne «500 ans d’oppression et de résistance»
Berne, 10octobre(APIC) Le cinquième centenaire de la «découverte» de
l’Amérique par Christophe Colomb, qui sera officiellement commémoré en octobre 1992 malgré les protestations de nombreuses organisations indigénistes du continent américain, fait des remous jusqu’en Suisse. Une soixantaine d’organisations tiers-mondistes et religieuses, ainsi que les principales oeuvres suisses d’entraide ont lancé jeudi à Berne la campagne «500 ans
d’oppression et de résistance».
C’est par une petite manifestation colorée devant le restaurant Burgerhaus à Berne qu’a débuté cette campagne de sensibilisation qui veut à la
fois souligner la dimension tragique de la conquête du nouveau monde – de
nombreux peuples et cultures indigènes ont été anéantis à cette occasion -,
les espérances nées de la résistance de ces peuples et la nécessaire solidarité avec les populations indiennes, noires et métisses opprimées d’Amérique latine. Portant des pancartes suggestives – «Colomb, go home!», «Des
prix justes pour nos matières premières!», «Cessez de détruire nos forêts!»
– les manifestants ont défilé devant un guichet de banque symbolique monté
sur le trottoir, tandis qu’un Indien olmèque du Mexique, orné de plumes
multicolores et de parures traditionnelles, exécutait des danses rituelles.
Au cours d’une conférence de presse à laquelle participaient des représentants de diverses groupes ethniques d’Amérique latine, l’Equatorien Tito
Merino, d’origine quechua, a souligné que la découverte de l’Amérique, du
point de vue des Indiens, n’était pas vraiment une rencontre de deux cultures, mais plutôt pour les communautés indigènes le souvenir tragique d’humiliations, d’exploitations, de privations, d’esclavage et de mort lente.
Il a souligné que les Indiens ne refusent pas le développement et le progrès technique, mais souhaitent que des modèles alternatifs soient introduits dans les communautés indiennes, qui respectent leur culture et préservent leur environnement afin que les générations futures puissent y vivre. Aujourd’hui, dans cette région amazonienne du Sud de l’Equateur, les
Indiens sont menacés par la pénétration des compagnies pétrolières, d’exploitation de bois précieux et l’agroindustrie.
Une menace semblable pèse sur les descendants des 15 millions de Noirs
qui ont été déportés d’Afrique et qui sont maintenant dispersés en Amérique
latine. Zulia Mena Garcia, une travailleuse sociale noire habitant la côte
pacifique de la Colombie, a rappelé que son peuple vivait toujours la discrimination raciale et l’exploitation, même si les chaînes visibles ont
disparu depuis l’abolition de l’esclavage. Aujourd’hui, lance-t-elle, une
nouvelle menace d’»ethnocide et d’écocide» pèse sur cette région de Colombie. Cette une menace s’appelle «Plan 2’000» : sous prétexte de développement, les compagnies multinationales pourront s’approprier les ressources
naturelles de la zone sans que les populations locales aient été consultées.
Les Suisses doivent se montrer solidaires
La militante colombienne a affirmé que sur les 18 milliards de dollars
de capitaux colombien en fuite (quasiment l’équivalent de la dette extérieure du pays), 5 milliards se trouveraient en Suisse. Cette fuite des capitaux -»et les lois sur les banques qui la permettent – ont une grave responsabilité dans l’endettement extérieur du pays et son cortège de misère
sociale. «Nous attendons de vous que vous soyez conscients de la situation
et que vous fassiez tout ce qui est en votre pouvoir pour empêcher cette
fuite de capitaux», a-t-elle lancé. Rappelant que la Colombie a exporté
l’an dernier deux fois plus de café qu’en 1980 mais qu’elle a reçu pour cela environ la même quantité de devises, Zula Mena Garcia a souhaité un commerce plus juste avec le tiers-monde.
Face à la «légende noire» de la découverte de l’Amérique, à cette «histoire de la mort», le sociologue et théologien chilien Fernando Castillo a
relevé que cette rencontre des cultures, bien qu’inégale, avait également
révélé une dimension positive : dès le début, il y a une théologie de la
libération avec Bartolomeo de las Casas, et une lutte pour la défense des
droits de l’homme, et c’est dans ce combat que s’est révélée la vraie Eglise du Christ. Parmi les organisations qui patronnent les nombreuses activités qui auront lieu dans toute la Suisse, notons la présence de l’Action de
Carême, de Pain pour le Prochain, de l’Entraide Protestante, d’Helvetas, de
Swissaid, de la Déclaration de Berne, de l’oeuvre catholique missionnaire
internationale Missio. (apic/be)