Un jour après pour près de 900 millions de catholiques dans le
Quelque 130’000 musulmans en Suisse entament jeudi le Ramadan (030392)
monde pour le Carême, un milliard de musulmans entrent dans le Ramadan
Fribourg, 3 mars(APIC) Plus de 900 millions de catholiques dans le monde
entreront mercredi en Carême. Un nombre supérieur de musulmans – près d’un
milliard – débuteront jeudi le Ramadan. 40 jours de pénitence, de conversion et de partage pour les premiers, 29 jours de jeûne et acte ascétique
pour les seconds. Troisième pilier de l’islam, le Ramadan garde une importance fondamentale pour les musulmans, y compris pour les quelque 130’000
qui s’apprêtent à le vivre en Suisse.
Durant le Ramadan, qui intervient au 9e mois de l’année (lunaire) musulmane. le musulman se réveille vers 4h30 du matin pour prendre un dernier
repas. Entre le lever du soleil et son coucher, on ne mange plus rien, on
ne fume plus et on s’abstient de rapports sexuels. Le soir venu, le repas
revêt alors une grande importance pour la famille réunie. L’aspect social
du Ramadan prend dès lors sa signification. Visites dans les familles et
chez les amis se multiplient, sans compter la prière spéciale pour le Ramadan, le «Tarawih», qui se déroule en principe à la mosquée, mais qu’on peut
tout aussi bien faire chez soi. La période du Ramadan est en outre marquée
par le relecture et la révision de l’enseignement du Coran, dont la lecture
en entier commence au premier jour pour s’achever au dernier jour.
Selon Boos Mustapha, collaborateur au Foyer culturel islamique des EauxVives, à Genève, le jeûne se vit en Suisse de «manière moins évidente que
dans les pays musulmans», pays dans lesquels des aménagements d’horaire en
rapport avec la période du Ramadan ont été aménagés: les administrations et
les bureaux, de même que les magasins sont fermés une partie de la journée
afin d’alléger un peu le travail des personnes. «En Suisse, tous les musulmans que je connais pratiquent le jeûne. Ils travaillent avec les quelques
souffrances supplémentaires que cela implique. Mais tout le monde pratique
le Ramadan sans aucun problème ni entraves». Au niveau de l’islam, ajoutet-il, les seules personnes qui peuvent interrompre le jeûne pour une raison
précise sont les femmes lors de leur grossesse ou durant la période de
l’allaitement.
En Suisse comme en Arabie Saoudite
Pour Malik Akbas, Iman au Centre islamique des Eaux-vives de Genève, le
Ramadan garde une importance fondamentale pour les musulmans. La fixation
du début du Ramadan, comme la fête de Pâques pour les chrétiens, est liée
au cycle de la lune. Mais chez les musulmans, il existe deux possibilités:
le calcul astromomique, (jeudi 5 mars vers 12 heures en 1992), ainsi que la
visibilité de la lune à l’oeil nu, qui rend parfois possible un décalage
d’un jour ou deux selon les pays ou les régions.
Selon l’Iman Malik Akbas, les musulmans ne rencontrent guère de problèmes pour vivre le jeune en Suisse. «Avec l’heure d’hiver, dit-il, les musulmans sont bien adaptés au climat et à l’environnment. Pour ceux qui le
respectent, ce jeûne commence au lever du jour – actuellement vers 5h30 pour s’achever au crépuscule, vers 18h30. Cela cause davantage de difficultés quand le Ramadan correspond a l’été, au mois de juillet ou d’août par
exemple, lorsque les journées sont très longues. Il est est également plus
difficile à vivre pour ceux qui travailent dur dans l’industrie et les usines, mais ils peuvent s’arranger, estime Malik Akbas.
Quant à la prière quotidienne, elle se vit comme pendant le reste de
l’année. Une pratique pas trop difficile à exercer en Suisse, relève l’Iman
en expliquant que les prières de midi et de l’après-midi, qui prennent entre 5 et 10 minutes, peuvent se faire pendant les pauses. Les 3 autres se
faisant le matin et le soir en dehors des heures de travail. En cas d’empêchement, la possibilité de les dire toutes le soir existe.
Une des grandes fêtes de l’islam
Après un mois lunaire (29 jours) la clôture du Ramadan est une des grandes fêtes de l’Islam. Cette fête est l’occasion de rassemblement familiaux,
comme dans les autres religions.
A la mosquée du Centre Islamique des Eaux-vives de Genève entre 100 et
150 personnes se rassemblent régulièrment pour la prière du vendredi; ils
sont un peu plus nombreux durant le Ramadan. Turcs et Arabes s’y côtoient:
il n’y a pas de communauté séparée selon la langue puisque l’arabe est la
seule langue «liturgique».(apic/ba/mp/pr)
Musulmans à Genève
Pas de tension dûe aux questions religieuses
Contrairement à la plupart des centres musulmans en Europe, le centre des
Eaux-vives n’est rattaché à aucun gouvernement ou Etat. «Le Centre a un
statut associatif et vit de contributions privées», explique Boos Mustapha,
un des collaborateurs du foyer culturel de ce centre. Il dénonce
«fermenent» l’immixtion des régimes «soit-disant musulmans» dans les affaires religieuses et particulièrement à l’étranger. La Tunisie, par
exemple, envoie des personnes en Europe pour «surveiller par
l’intermédiaire de ses centres islamiques les Tunisiens actifs à l’étranger».
Le Centre a déjà participé à plusieurs rencontres
avec les communautés chrétiennes à Genève ou ailleurs en Suisse romande.
Une rencontre importante est prévue du 6 au 9 mai à la paroisse St-Boniface à Genève avec des personnalités chrétiennes et musulmanes de Suisse
et de l’étranger. Au niveau religieux les buts des deux communautés sont
assez similaires, estime Boos Mustapha: «nous essayons de retrouver un peu
les brebis égarées». «La tension existe plutôt entre l’athée et le religieux, qu’il soit chrétien ou musulman». A Genève, affirme-t-il, on ne
ressent pas de tension due à la question religieuse. Depuis quelques
années il note une certaine volonté de comprendre l’autre: «Il n’y a pas
encore de rapports institutionnels réguliers entre catholiques et
musulmans, mais on y travaille depuis quelques temps». Notamment pour
étudier les problèmes des rapports des deux communautés dans la vie de
tous les jours.
A propos de la situation des chrétiens dans les pays musulmans, Boos
Mustapha reconnaît que des pays musulmans ont des gouvernements qui ne sont
pas «arrageants». Mais il rappelle que souvent les discriminations touchent
les musulmans eux-mêmes. Dans de nombreux pays les musulmans «religieux»
sont l’objet d’une «chasse» assez systématique. Il suffit dans certains
pays arabes de se dire musulmans convaincus et pratiquants pour passer tout
de suite pour des intégristes et des terroristes. En Egypte, en Jordanie ou
en Syrie, estime-t-il, les chrétiens sont plus tranquilles que les
musulmans très pratiquants ou les membres de communautés dissidentes ou
minoritaires. Au Maghreb les chrétiens jouissent d’une liberté de culte
totale. Pas loin de 100’000 chrétiens vivent du reste au Maroc. Certains
pays du Golfe tels l’Arabie Saoudite sont complétement bloqués, reconnait
Boos Mustapha: «Ils ne laissent aucune place aux chrétiens. Nous le
déplorons et nous essayons de lutter contre cela.»
En Suisse on rencontre aussi des fondamentalistes. Selon Boos Mustapha
ceux-ci ne sont pas organisés en groupes formels: «Je ne connais pas de
mosquée d’intégristes en Suisse. Ceux qui émigrent en Suisse deviennent par
la force des choses plus modérés. On pourrait peut-être craindre que des
voyageurs occasionnels viennent en Suisse pour activer des flammes. Mais
nous n’avons pas connu de provocation de ce genre ici». Il y a eu des
réactions face à la situation algérienne, mais nous essayons de calmer le
jeu, conclut Boos Mustapha. (apic/pr/ba/mp)
ENCADRE
Le Ramadam: un des cinq «piliers» de l’islam
Le Jeûne du Ramadam est l’un des cinq «piliers» de l’islam. L’ensemble
des quelque 900 millions de musulmans répartis dans le monde forment
l’»Umma». Quiconque s’en écarte, s’éloigne de la foi. Pour les musulmans,
tout acte de la vie à valeur religieuse et tout acte religieux a valeur
communautaire. Ainsi en est-il au premier chef des cinq grandes obligations qui régissent la vie religieuse du musulman, c’est-à-dire les cinq
«piliers» de l’islam:
La profession de foi (Chahade): «Il n’y a pas d’autres Dieu qu’Allah, et
Mahomet est son prophète». C’est cette profession de foi qui agrège le
croyant à la communauté et fait l’unité de celle-ci; la prière rituelle,
qui a lieu cinq fois par jour (aube, midi, après-midi, crépuscule et soir);
le jeûne durant le mois du Ramadam; l’aumône légale (Zakat), geste de
justice et de solidarité, afin de purifier la personne et ses biens; le
pèlerinage (hajj) à La Mecque au moins une fois dans la vie du musulman,
sauf impossibilité pratique: il efface les péchés personnels, mais il est
en même temps une expression de la foi commune des croyants dans leur diversité. Selon l’encyclopédie catholique «Théo», l’esprit communautaire
de l’islam se traduit par un vif sentiment de solidarité avec les peuples
musulmans qui luttent pour leur indépendance politique. La distinction
entre spirituel et temporel est du reste inconnue de l’islam. Tout acte
public engage la vie et l’avenir de la communauté de foi, qui a pour
mission de faire prévaloir les droits de Dieu. (apic/ba/mp/pr)
E N C A D R E
130’000 musulmans en Suisse
La communauté catholique de travail pour les étrangers (SKAF) estime que
la Suisse abrite en 1992 environ 130’000 musulmans. Un nombre qui aurait
plus que doublé en 10 ans. Cette évaluation est confirmée par l’Office
fédéral des statistiques, qui déclare cependant ne pas encore disposer
des résultats définitifs du recensement de 1990. La majorité des musulmans
qui vivent en Suisse sont des Turks et des Kurdes, suivis des ressortissants du Maghreb. Depuis les cinq dernières années, les musulmans de l’ancienne Yougoslavie ont aussi fortement augmenté.
A titre de comparaison, le nombre total des musulmans en Suisse en 1980
était de 56’600 personnes. La plus grande proportion se trouvait dans les
cantons de Zurich (12’000), Argovie (6’300), Genève (4’400), Berne (4’000),
et Vaud (3’600). On comptait la même année une moyenne de 500 musulmans
dans les autres cantons romands.
Toujours en Suisse romande, deux centres islamiques sont ouverts à Genève. Trois autres lieux de culte se trouvent dans le canton de Vaud (Lausanne, Renens et Bex), l’un à Fribourg et un autre à Neuchâtel. Des Instituts pour l’étude de l’islam existent dans les Universités de Bâle, Zurich, Berne et Genève. (apic/mp/pr/ba)
E N C A D R E
Un milliard de musulmans dans le monde
En cette seconde partie du 20e siècle, le monde musulman connaît un
accroissement démographique important. Une évaluation globale des personnes identifiées comme musulmanes par leur appartenance sociale à l’islam
permet d’estimer à près d’un milliard le nombre de musulmans dans le monde.
170 millions de musulmans de culture arabe vivent dans les pays du
Maghreb et du Moyen-Orient. Les autres, de loin les plus nombreux, et qui
appartiennent à d’autres cultures, ne sont pas «arabes». 508 millions habitent l’Asie, (dont plus de 150 millions dans la seule Indonésie), 107
millions en Afrique noire. 96 millions vivent en Russie d’Asie, 15 millions
en Europe (de l’Ouest et de l’Est) et 4 millions en Amérique. Ces chiffres
tirés des statistiques de 1990, doivent être revus à la hausse en raison
de la croissance démographique.
Bien souvent lorsqu’on parle d’»Arabes», on pense «musulmans», au même
titre qu’en parlant de «musulmans», on pense «Arabes». Il est vrai que la
langue arabe est la langue du Coran. Elle a donc un caractère sacré. Comme
l’indiquent les chiffres, les populations de culture arabe ne représentent
qu’un cinquième de l’ensemble des musulmans.
Il faut enfin souligner que tous les Arabes ne sont pas musulmans. Il y
a chez eux une importante minorité chrétienne. Il ne s’agit pas de musulmans convertis au christianisme. Ces chrétiens de culture arabes appartiennent à des Eglises très anciennes, dont certaines remontent à
l’époque apostolique. Ces Eglises qui sont donc antérieures de plusieurs
siècles à l’islam, sont situées principalement dans tout le Moyen-Orient
et en Egypte. (apic/fs/pr/mp/ba)
E NC A D R E
Le sens du Carême chrétien
A l’instar des musulmans qui entreront jeudi dans le Ramadan, les
chrétiens, après les festivités du carnaval, commencent le Carême aujourd’hui, en ce «Mercredi des Cendres». Le carême est pour le chrétien un
temps fort important qui l’aide à se préparer aux fêtes pascales. C’est
dans cette perspective de préparation et de purification qu’il faut comprendre le sens de la pénitence dont il est tant question durant le carême. Le mot «pénitence» vient d’un mot grec, «metanoia» qui veut dire
conversion, pour mieux se tourner tout à la fois vers Dieu et ses frères.
Autrefois l’Eglise exigeait de ses fidèles de jeûne et de s’abstenir de
viande (loi de l’abstinence) tous les vendredis et mercredis de carême.
Aujourd’hui seul le Mercredi des Cendres et le Vendredi-Saint sont jours
de jeûne et d’abstinence. L’Eglise insiste davantage maintenant pour partager avec les pauvres les économies de nourriture. D’où le rôle que jouent dans les paroisses les soupes de carême et toute la collecte de l’Action de carême en faveur du tiers monde.(apic/pr/mp/ba)