Le pape a décollé de Rome (photo d'illustration/ Flickr/ Andrés Nieto Porras/ CC BY-SA 2.0)
Vatican

12 réfugiés à bord du vol papal: le pape François explique son geste spectaculaire 

«C’est une goutte d’eau dans la mer, mais après cette goutte d’eau, la mer ne sera pas la même!» C’est avec cette citation de Mère Teresa que le pape François a justifié son geste extraordinaire, le 16 avril 2016, de prendre à bord de l’avion papal qui le ramenait de Lesbos, à l’est de la Grèce, à Rome 12 réfugiés Syriens, dont trois familles et six mineurs, tous musulmans. Une idée, a-t-il expliqué, qui lui a été proposée par l’un de ses proches collaborateurs il y a seulement une semaine.

Le pontife a aussi expliqué ne pas avoir choisi «entre chrétiens et musulmans», mais que ces familles avaient simplement les bons papiers en règle, et que les visas avaient été accordés après vérification et accord de l’Etat de la Cité du Vatican, de l’Etat italien et de l’Etat grec, avec l’aide de la communauté Sant’Egidio.

Interrogé sur la nécessité d’intégration des réfugiés en Europe, le pape François a noté que certains des terroristes ayant perpétré des attaques récemment étaient des enfants et petits-enfants de personnes nées dans les pays européens. «Que s’est-il passé? Il n’y a pas eu de politiques d’intégration, a-t-il alors déploré. Et cela pour moi est fondamental». S’il a dit comprendre «les gouvernements et aussi les peuples qui ont une certaine peur», face à l’afflux de migrants, il a répété que «fermer les frontières ne résout rien».

Voici les extraits les plus significatifs de cette conférence de presse (les intertitres sont de la rédaction):

12 réfugiés Syriens

C’est une chose purement humaine, humanitaire, qui a été une inspiration, il y a une semaine, qui est venue d’un de mes collaborateurs. J’ai tout de suite accepté, tout de suite, tout de suite car j’ai vu que c’était l’Esprit qui parlait. Toutes les choses ont été faites en règle. Ils viennent avec leurs papiers d’identité, les trois gouvernements – l’Etat de la Cité du Vatican, l’Etat italien, le gouvernement grec – (…) ont tout vérifié et ont donné les visas. Et ils sont accueillis par le Vatican. Ce sera le Vatican, avec la collaboration de la communauté Sant’Egidio, qui leur chercheront un poste de travail, ou de manutention, etc. Mais ils sont hôtes du Vatican, et s’ajoutent aux deux familles syriennes dé jà accueillies dans les deux paroisses vaticanes.

Des familles musulmanes

Je n’ai pas fait de choix entre chrétiens et musulmans. Ces trois (familles) avaient les papiers en règle. Par exemple il y avait deux familles chrétiennes dans la première liste qui n’avaient pas les papiers en règle. Ce n’est pas un privilège. Tous les 12 sont des enfants de Dieu. J’ai privilégié des enfants de Dieu.

Sur la portée de ce geste

Je vais être pratique. Je réponds avec une phrase qui n’est pas de moi. On a demandé la même chose à Mère Teresa : «Mais tant de travail pour aider les gens à mourir? (…) tout ce que vous faites ne sert à rien. (…) Elle a répondu: «C’est une goutte d’eau dans la mer mais après cette goutte d’eau, la mer ne sera pas la même!». Je réponds comme ceci: c’est un petit geste. Mais ce sont les petits gestes que doivent faire les hommes pour tendre la main à celui qui est dans le besoin.

Terrorisme et intégration

Aujourd’hui, les ghettos existent (en Europe, ndlr)! Et certains des terroristes qui ont fait des actes terroristes, certains sont des enfants ou des petits-enfants de personnes nées dans les pays européens. Que s’est-il passé? Il n’y a pas eu de politiques d’intégration. Et cela pour moi est fondamental. (…) Je crois que nous avons besoin d’un enseignement, d’une éducation à l’intégration.

Peur de l’immigration

Je comprends les gouvernements et aussi les peuples qui ont une certaine peur, cela je le comprend. (…) Nous devons faire des ponts, mais les ponts se font intelligemment. Ils se font avec le dialogue, avec l’intégration. (…). Mais fermer les frontières ne résout rien. Parce que cette fermeture à la longue, fait mal à son propre peuple. L’Europe doit urgemment faire des politiques d’accueil, d’intégration, de croissance, de travail, de réforme de l’économie.

Notre capacité à pleurer

Dans ce camp de réfugiés, c’était à pleurer. J’ai emporté avec moi pour vous faire voir: les enfants m’ont offert tant de dessins. En voici un. (Il montre un dessin d’enfant, ndlr). Que veulent les enfants? La paix! Parce qu’ils souffrent. (…) Regardez cela ! (Il montre un autre dessin, ndlr). Ils ont vu un enfant se noyer. Cela les enfants l’ont encore dans le cœur. Vraiment aujourd’hui, c’était à pleurer, c’était à pleurer. Le même thème, cet enfant de l’Afghanistan l’a dessiné. (Le pape montre un autre dessin, ndlr). Une embarcation qui vient d’Afghanistan et va en Grèce. Ces enfants ont cela en mémoire. Et il faudra du temps pour y travailler. (Le pape montre un autre croquis, ndlr). C’est un soleil qui pleure. Si le soleil pleure, alors nous sommes capables de pleurer nous aussi! Une larme nous fera du bien.

Sur les trafiquants d’armes

J’inviterais les fabriquant et les trafiquants d’armes (…) Ceux qui trafiquent les armes pour faire la guerre, dans divers endroits, la Syrie par exemple (…), j’inviterais ces trafiquants à passer une seule journée dans ce camp. Je crois que (…) cela leur fera du bien.

Des ouvertures pour les divorcés remariés dans l’exhortation apostolique post-synodale Amoris Laetitia?

Je peux dire oui. Mais ce serait une réponse trop courte. J’insiste auprès de vous tous: lisez la présentation du cardinal Schönborn qui est un grand théologien. Il a été secrétaire de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Dans sa présentation, votre question aura sa réponse.

La note de bas de page d’Amoris Laetitia

Un des derniers papes disait du Concile qu’il y avait eu deux Conciles: celui de Vatican II qui se faisait dans la basilique saint Pierre, et l’autre, le Concile des médias! Quand j’ai convoqué le premier synode, la grande inquiétude des médias fut celle-ci: les divorcés remariés pourront-ils faire la communion? Comme je ne suis pas saint, cela m’a un peu agacé, et aussi donné un peu de tristesse. Mais ces médias qui disent cela, ils ne se rendent pas compte que ce n’est pas cela le problème important de l’Eglise? Ils ne se rendent pas compte que la famille dans le monde entier est en crise? Et la famille est à la base de la société. Ils ne se rendent pas compte que les jeunes ne veulent pas se marier? Ils ne se rendent pas compte que le taux de natalité en Europe est à pleurer? Ils ne se rendent pas compte que (…) les possibilités de travail font que le papa et la maman cumulent deux emplois et les enfants grandissent tout seuls (…)? Ce sont ceux-là, les grands problèmes! Je ne me rappelle pas de cette note en particulier, mais sûrement, si une chose de ce genre est dans une note, c’est parce qu’elle a été dite dans l’Evangelii Gaudium, c’est sûr, cela doit être une citation.

Rencontre avec Bernie Sanders

Ce matin (au Vatican, ndlr), il y avait là le sénateur Sanders (candidat à la présidentielle américaine, ndlr) venu au colloque deCentesimus Annus. Il savait que je sortais à cette heure. Je l’ai salué, lui et sa femme (…). Tous les membres exceptés les deux présidents participants, déjà dans leur ambassade, sortaient de Sainte-Marthe. Je les ai salués, une poignée de main et rien de plus. Cela s’appelle éducation et non s’immiscer en politique. Si quelqu’un pense que donner une salutation s’est s’immiscer en politique, je lui recommande de trouver un psychiatre! (cath.ch-apic/imedia/bl/rz)

Le pape a décollé de Rome (photo d'illustration/ Flickr/ Andrés Nieto Porras/ CC BY-SA 2.0)
16 avril 2016 | 22:06
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture: env. 5 min.
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