Rencontre avec l’abbé Makengo, curé à Kinshasa (030492)
«Les laïcs ont mûri, les prêtres ont évolué»
Bruxelles, 3avril(APIC) Quelques semaines après les deux marches de protestation organisées (16 février et 1er mars) par les chrétiens laïcs de la
capitale zaïroise pour obtenir le déblocage de la situation politique dans
leur pays et la reprise de la Conférence nationale souveraine, l’abbé Charles Makengo, curé de la paroisse Saint-Joseph à Kinshasa, était de passage
en Belgique. «Il y a du nouveau chez nous: les laïcs ont mûri, les prêtres
ont évolué», témoigne ce prêtre diocésain, secrétaire de l’assemblée du
clergé kinois.
L’abbé Makengo revient d’abord sur les deux manifestations. Si la marche
du 16 février a été relatée de manière assez objective par la presse internationale, constate-t-il, en revanche, celle-ci n’a pas été bien informée
des circonstances entourant la marche ensanglantée du 1er mars.
«Le 19 février, l’assemblée des prêtres de Kinshasa savait que les laïcs
projetaient une seconde marche pour le lendemain. Mais les prêtres s’étaient rendu compte que des tracts mensongers étaient distribués, affirmant
que la marche du 1er mars était annulée. Ces tracts ne portaient ni adresse
ni signature et prétendaient émaner du ’Comité de coordination laïque’,
alors que le groupe des laïcs engagés s’appelle en réalité Comité laïc de
coordination»Ces prêtres savaient aussi que le gouverneur de la ville avait refusé
l’autorisation pour cette marche. «Ils ont demandé au cardinal Etsou de
prendre position publiquement. L’archevêque a écrit une lettre pastorale,
oì il déclare justifiée la requête des laïcs concernant l’ouverture des
travaux de la Conférence nationale. Il a également demandé qu’en cas de refus, la marche ne soit pas réprimée. Les chrétiens ont pris connaissance de
cette lettre pastorale dès le samedi soir. Le même jour, la radio et la télévision annonçaient qu’un accord pour la reprise de la Conférence nationale était intervenu entre le président Mobutu et Mgr Monsengwo. On pouvait
penser que la date de la réouverture de la Conférence allait être annoncée.
Mais il n’en fut rien».
La manifestation du 1er mars a rassemblé moins de monde que celle du 16
février. Pour l’abbé Makengo, les faux tracts et l’information télévisée en
sont la cause. Selon lui, «c’est l’intervention télévisée du cardinal qui a
permis à la seconde manifestation d’être beaucoup moins sanglante que la
première». Celle-ci avait causé, selon les sources, la mort de 17 à plus de
40 personnes. Avant cette manifestation, l’archevêque n’avait rien dit,
alors que le gouvernement insinuait que les autorités religieuses déclinaient toute paternité à l’égard de cette marche. Dès lors, estime l’abbé Makengo, «le pouvoir a pu réprimer avec d’autant plus de violence les marcheurs chrétiens, qu’à ses yeux, l’archevêque les avait abandonnés». Le
prêtre zaïrois a entendu la même opinion chez nombre d’abbés de Kinshasa:
«Les chrétiens ont été massacrés parce que l’archevêque n’avait rien dit».
L’abbé Makengo parle cependant de son évêque avec compréhension. En rappelant qu’il est arrivé à Kinshasa à un moment critique, venant d’un autre
diocèse, situé dans la même région que le président Mobutu.
Nouvelle génération
L’abbé zaïrois souligne en outre que «les jeunes prêtres kinois ont de
leur rôle une vision fort différente de celle de leurs aînés». Les laïcs
aussi, ajoute-t-il, «ont acquis une grande maturité».
Pour lui, le cardinal Malula était un visionnaire, comme en témoigne ses
«Opinions pastorales» publiées en 1970 dans une brochure intitulée «Mission
de l’Eglise à Kinshasa». L’abbé Makengo observe que «jusqu’à présent,
c’étaient les évêques qui parlaient. Depuis 1985, explique-t-il, il y a une
nouvelle génération de prêtres qui ont été formés intégralement à Kinshasa,
certains même à la Faculté de théologie, c’est-à-dire dans un contexte très
différent de celui qui existait dans les séminaires de l’intérieur du pays.
Ces prêtres ont évolué dans un milieu culturellement plus riche. Ils ont
ainsi acquis une vision nouvelle de leurs rapports avec les laïcs.
D’autre part, lors de son Synode diocésain (1986-1988), l’Eglise kinoise
a remis en cause ses propres structures. C’est alors que le cardinal Malula
a décidé de créer un Conseil presbytéral et un Conseil pastoral diocésain,
par lequel des laïcs ont été associés au gouvernement de l’Eglise.
Aux yeux de l’abbé Makengo, les responsabilités croissantes prises par
les laïcs ne diminuent pas pour autant le rôle du clergé. Au contraire, insiste-t-il, les prêtres prennent davantage conscience de leur rôle dans
l’éducation et la formation du laïcat. Le contexte y invite plus que jamais
puisque «l’Eglise du Zaïre dans son ensemble, laïcs et prêtres, considère
la Conférence nationale comme incontournable: C’est un préalable aux élections; il faut changer de système et baliser les chemins de la troisième
république avant de voter». (apic/cip/pr)